Manifestation contre l’Apartheid israélien, le 10 avril 2003 à Hébron
C’est ce qui arrive avec le mot magique « antisémitisme ». Ce mot détourné de son vrai sens, ce mot
tabou, ce mot épouvantail, vise le plus souvent à museler ceux qui mettent le doigt sur les véritables enjeux : le danger du sionisme.
Israël - un Etat raciste violent, exclusif, où tout non juif est considéré comme un paria - a élaboré des plans
terrifiants, des plans conçus pour spolier, asservir et détruire l’identité d’un peuple entier. Or, les Palestiniens tiennent tête. La preuve qu’ils n’accepteront jamais de voir leurs terres
bradées, leurs droits violés, leurs enfants humiliés et que, s’il le faut, ils se battront jusqu’au dernier pour leur dignité.
Ils n’en sont pas moins très inquiets. Car la politique engagée par le président Abou Mazen, si elle enchante
MM. Bush et Sharon, ne les enchante pas. Car elle risque de les amener vers quelque chose d’encore plus terrible que l’échec du processus Oslo.
Il faut le dire haut et fort. Des générations de Palestiniens, ont payé de leur sang les lâchetés de la communauté
internationale, mais aussi nos incompréhensions, nos divisions. Constamment confrontés au déni de justice, mal compris par les médias et l’opinion, les Palestiniens ne pourront pas surmonter
les immenses défis qui sont les leurs, sans un soutien extérieur sincère et affranchi de toute ambiguïté.
Les massacres, les assassinats et les emprisonnements d’enfants, les punitions collectives, auraient dû inciter
l‘ensemble de l’opinion israélienne et internationale à plus de sévérité envers les violations de l’Etat hébreu. Maintenir une attitude de « neutralité » dans un conflit où Israël
occupe une position de pouvoir absolu, est une attitude immorale.
Une question se pose ici : les Palestiniens seraient-ils tombés si bas s’il y avait eu des Etats capables d’imposer
à Israël les sanctions urgentes et nécessaires, et des associations capables d’apporter un soutien sans faille aux résistants ?
Dans une guerre d’une puissance contre un peuple, il n’y a qu’une seule attitude possible pour toute personne humainement
engagée : choisir le camp du peuple opprimé.
Or, à quoi avons-nous assisté durant ces années si traumatisantes où les Palestiniens étaient laissés livrés à eux-mêmes,
dans une situation d’abandon et de blocage complet, et où l’unité de toutes les forces politiques et intellectuelles disponibles aurait dû s’imposer ? A des attaques et calomnies qui
avaient pour but principal de semer la zizanie dans les rangs de ceux qui voulaient se consacrer en toute sincérité aux victimes.
Les choses sont allées trop loin. Des messages ont circulé, semaine après semaine, qui incitaient à ne pas lire tel
auteur ou à ne pas fréquenter un tel, sous peine d’être soi-même condamné, exclu. Ainsi, pendant que certains responsables d’associations succombaient à la paranoïa de
« l’antisémitisme », les forces d’occupation pouvaient, elles, continuer tranquillement leurs exactions. Paranoïa, entendons-nous, savamment entretenue.
Tout le monde sait qu’Israël a quadrillé le monde d’informateurs et d’agents pour espionner, établir des listes, rédiger
des rapports sur ses « ennemis », et que l’infiltration et la diffamation font partie de sa stratégie guerrière. Mais quand ce sont des prétendus "antisionistes" qui
désignent les personnes et les écrits à bannir, cela devient incompréhensible.
Cela se traduit concrètement par la fâcheuse tendance qu’ont certaines personnes, qui se croient apparemment investies
d’une supériorité, à parler au nom des Palestiniens, à taxer sans se gêner d’autres personnes « d’antisémites notoires », de « néo-nazi notoires », et à
disqualifier ce qui leur déplait par l’affirmation péremptoire : « cela ne sert pas la cause palestinienne ! »
Les dirigeants de l’Union Juive Française pour la paix (UJFP) - proches de Gush Shalom - sont de ceux-là. Se disant
antisionistes ou solidaires des palestiniens, ils animent néanmoins fréquemment des campagnes d’intimidation et appellent à « la plus grande vigilance » les
associations : « On voit apparaître sur des sites, dans des textes de soutien à la Palestine ou lors de réunions publiques des propos dangereux. Il y a d’abord, même minoritaires,
des antisémites, des révisionnistes ou des négationnistes notoires, démasqués depuis longtemps et dont on s’étonne qu’ils puissent infiltrer aussi facilement dans certains collectifs ou qu’ils
figurent sur des listes de diffusion… ». [1]
C’est ainsi que, durant ces années si cruelles pour les Palestiniens, où les critiques contre la politique brutale
d’Israël sont allées en s’amplifiant, nous avons vu le vice président de l’UJFP, Pierre Stambul, intervenir auprès des sites ou des personnes qui donnaient (et c’est leur droit) la parole à des
personnalités, telles qu’Israël Shamir ou Dieudonné, en affirmant que c’étaient des antisémites : « Je suis assez ahuri de trouver cet "entretien" de Sylvia Cattori et de
Dieudonné (…) Si ce genre d’article continue de passer sur « Marseille solidaire » je demanderai à être désinscrit ». [2]
Le président de l’UJFP, Richard Wagman, n’est pas en reste. En effet, quand, à la veille d’une manifestation, il se pose
en gendarme et avertit qu’ « un dispositif spécial est prévu pour séparer le cortège de tout élément douteux (…) dont les mots d’ordre risqueraient de discréditer le mouvement de
solidarité". [3] A la question d’un militant outré :« Qui sont les commissaires politiques et autres grands inquisiteurs chargés de faire la liste des "éléments
douteux" ? M. Wagman répond : « Moi (…) et ajoute « les "éléments douteux" qu’il faut tenir à l’écart et dont il faut se démarquer sont des
partisans d’Israël Shamir qui ont fièrement brandi son ouvrage antisémite "Le visage caché d’Israël"… ». [4]
Pourquoi Israël Shamir est-il calomnié avec une telle persévérance ? Et, par assimilation, tous ceux qui le lisent
ou l’évoquent ?
Parce que cet écrivain israélien de talent - connaisseur aussi bien du Talmud et de la Bible que des turpitudes de
l’armée israélienne - a osé briser des tabous et enfoncer des portes que des non juifs ne se seraient jamais hasardés à toucher.
Vous l’avez compris ! Israël Shamir a une vision qui va à l’opposé de ces personnes qui dans la mouvance de la
solidarité - en Israël et en France notamment - s’arrogent le monopole et le contrôle de ce qui doit et peut être dit.
Que dit Shamir qui embarrasse tellement ceux qui ont avalisé, de façon plus ou moins opportuniste, tant de prétendues
solutions de paix ?
Que l’on ne peut séparer la politique criminelle d’Israël de la notion « de peuple élu ». Que les
personnes de confession juive doivent se dissocier de cet Etat qui, au nom du « peuple juif » et de la judaïté, bafoue la vie et les valeurs humaines. Qu’il ne pourra pas y
avoir de paix juste sans le démantèlement de l’Etat d’Israël comme Etat juif, et son remplacement par un Etat unique où juifs et non juifs ont des droits égaux. Que les Palestiniens ne
gagneront jamais leur guerre des pierres, si au-dehors, leurs amis, ne se distancient pas de ceux qui cherchent à ménager les intérêts sionistes.
Dans les partis politiques les choses ne se présentent guère mieux pour les victimes de l’oppression israélienne. Les
élus qui vouent un soutien aveugle à l’Etat raciste d’Israël ne s’en cachent même pas. Ainsi Dominique Strauss-Kahn « considère que tout juif de la diaspora, et donc de France, doit,
partout où il peut, apporter son aide à Israel. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il est important que les juifs prennent des responsabilités politiques. En somme, dans mes fonctions et
dans ma vie de tous les jours, à travers l’ensemble de mes actions, j’essaie d’apporter ma modeste pierre à la construction d’Israel » (Citation tirée du Magazine "La Vie en
France", 11.4.2002).
Les exemples d’exclusion sont foison et n’ont pas de frontières. Les gens qui ont vent de ces calomnies vont les répéter,
les organisations juives et les ambassades d’Israël archivent leurs noms et les citent à la nausée. En Suisse, Patrick Mugny, député écologiste et membre de la LICRA suisse, [5] a suivi
les conseils de la LICRA française en refusant une salle de spectacle à Dieudonné en février 2004 à Genève.
Ce sont encore des élus socialistes qui, en 2004, ont voulu écarter d’une liste électorale la candidate des Verts, Alima
Boumédienne-Thiery, qu’ils soupçonnaient « d’antisémitisme » pour sa critique de l’Etat d’Israël. Elle a eu beau protester : « Je mets quiconque au défi de me
prêter des déclarations antisémites », le mal était fait.
Les Palestiniens qui, en juin 2004, se sont rendus à la conférence de Lausanne « Un seul Etat démocratique en
Israël Palestine », n’oublieront pas de sitôt l’hostilité avec laquelle une poignée de jeunes ont accueillis les participants. Se revendiquant du collectif Urgence Palestine, ils ont
encouragé le boycottage de cette conférnce. Le communiqué de presse du Collectif disait qu’ils avaient été « informés notamment par des membres UJFP que Israël Shamir, notoirement
réputé pour ses propos antisémites » - ainsi que d’autres personnes françaises, dont je vous épargne la liste - participait à cette conférence. [6]
Les participants Palestiniens, qui avaient mis beaucoup d’espoir en cette rencontre internationale, étaient ahuris de
découvrir que des gens qui disaient agir au nom de leur cause, conduisaient des campagnes sur le thème de « l’antisémitisme », arme favorite utilisée par les sionistes contre
les opposants à la politique d’Israël !
L’occasion était trop belle pour Johannes Gurfinkiel, Secrétaire général du CICAD [7] qui ne
rate jamais une occasion de porter le débat sur les thèmes de « l’antisémitisme » et des calomnies. Fort de la polémique ouverte par le « Collectif Urgence
palestine », M. Gurfinkiel pouvait renchérir, augmenter la pression en intervenant par des déclarations dans les médias pour tenter de faire capoter la conférence ?
Résultat : en instaurant un faux débat qui ne pouvait que ruiner la cause qu’ils prétendent servir, les responsables
du Collectif Urgence palestine - à l’instigation de l’UJFP et de Michel Warshawsky - ont agi, en vérité, contre les intérêts du peuple palestinien. Et les médias, peu regardants, ont donné un
large écho à ce qui n’était qu’une manipulation.
Depuis lors, M. Gurfinkiel ne s’est pas privé de se servir des noms listés par l’UJFP. Ainsi, lors de la venue de
Dieudonné en Suisse en décembre 2004, M. Gurfinkiel a ressorti les noms incriminés, pour les associer à l’humoriste et dire qu’ « engagé dans un combat de dénigrement de la mémoire
des millions de victimes de la Shoah, Dieudonné multiplie les collaborations avec des acteurs et des idéologues négationnistes et antisémites, tels que (…) » en ajoutant, cette fois,
également le nom de « Noam Chomsky », [8] pourtant considéré par le NY Times comme le plus important intellectuel vivant.
Tout cela ne tient pas la route mais permet d’évacuer les véritables enjeux. Si je n’avais pas vu de mes yeux, en
décembre 2003, Israël Shamir se battre contre de jeunes soldats israéliens qui brutalisaient de pauvres paysans, si je n’avais pas entendu un résistant, à Jenin, dire que les écrits de Shamir
étaient parmi les meilleurs outils intellectuels dont ils disposaient pour « expliquer la barbarie dont ils sont victimes », j’en serais encore à croire ce que l’UJFP
proclame. Voilà pourquoi il est important de se méfier des diabolisations et de chercher à savoir ce qu’elles cachent.
Que cela soit clair. Il ne s’agit pas de prendre le parti d’Israël Shamir ou de Dieudonné. Mais s’il y a des coupables,
il y a des tribunaux pour juger et des avocats pour défendre et il faut que toutes ces calomnies cessent.
Tout porte à penser que ceux qui se servent de mots tels « néo-nazi », « négationniste »,
« antisémite » ne sont pas « neutres » ! Ce qui est au centre des préoccupations de ceux qui s’en servent est, le plus souvent, le contrôle idéologique de la
question palestinienne.
Une question se pose ici. Ceux d’entre eux qui ont des attaches particulières avec Israël, ou qui se définissent par leur
confession avant leur citoyenneté, sont-ils les mieux placés pour parler au nom des Palestiniens dans une guerre où l’Etat d’Israël se définit par la religion et mène une guerre impitoyable
contre les mouvements religieux musulmans ? Leur propension n’est-elle pas parfois de se servir – consciemment ou inconsciemment - du projet de paix pour imposer leurs vues, et relativiser
les effets terribles du régime colonial d’apartheid de l’Etat juif sur la vie des Arabes et des musulmans ?
On peut jusqu’à un certain point comprendre que des personnes - captives de leurs attaches à Israël - puissent se sentir
parfois agressées par des projets qui bousculent les idées reçues et les privilèges sur lesquels Israël est assis. D’autant que, déchirées entre leur désir de justice et leurs attaches
affectives et religieuses, elles ne sont pas aidées par les idéologues qui ont intérêt à brouiller les débats.
En effet, des messages électroniques particulièrement venimeux circulent abondamment qui instruisent des
« procès » contre des personnes précises et ont manifestement pour but de convaincre les gens que « l’ennemi à combattre » n’est pas là où on le
pense.
Il suffit de répéter à l’envi qu’Israël Shamir est d’extrême droite (alors qu’il est à la gauche de la gauche), que des
« groupuscules néo-nazis (…) rassemblés autour d’Israël Shamir (…) un antisémite pathologique (…) Ce qui me fait penser que ces gens sont des agents du Mossad ou de la CIA, plus
quelques néo nazis patents comme (…) Il n’y a pas qu’à propos de la palestine que cette peste nazie comme par hasard rassemblée autours des juifs russes … » [9]
« Peste, néo-nazi, antisémite pathologique … » Ceux qui usent et abusent de ces mots tabous, de ces
mots glaçants capables de marquer durablement les consciences, savent fort bien pourquoi ! Ils savent que la personne ainsi souillée, va être tantôt assimilée à ce moment terrifiant de
l’histoire : aux crimes d’Hitler, aux chambres à gaz, aux camps de concentration, donc exclue à jamais du débat.
Tout cela est attristant. Car la calomnie n’apporte rien de positif. Elle contribue à désorienter et à détourner les gens
sincères d’une cause juste qui a besoin d’appui.
N’y a-t-il pas une autre manière d’être présents dans le débat et de lutter pour la justice si l’on ne veut pas créer de
nouvelles injustices ? La lutte pour la justice ne devrait pas séparer les gens. Elle devrait idéalement les humaniser.
Combien d’intellectuels de premier plan n’ont-ils pas été calomniés à tort ? Les Rabbins Weiss, Friedmann,
Webermann, les intellectuels engagés comme Noam Chomsky, Norman Finkielstein, en savent quelque chose ! [10]
Interrogés sur leur engagement, en tant que juifs, voici ce qu’ils répondent :
Vous avez été nommé néo-nazi,
vos livres ont été brûlés, n’en avez-vous pas assez ?
Noam Chomsky : « Je suis accusé de tout ce que vous pouvez rêver : d’être un propagandiste nazi, un
antisémite…Je pense que par les temps qui courent c’est un bon signe ».
Vous êtes juifs…Qu’êtes-vous en
train de faire ?
Rabbin M. Webermann : « C’est précisément parce que nous sommes juifs que nous marchons avec les
Palestiniens et que nous hissons leur drapeau ! C’est précisément parce que nous sommes juifs que nous demandons la restitution aux Palestiniens de leurs maisons et de ce qui leur
appartient ! ».
Nous sommes tous capables, ensemble, j’en suis sûre, de nous inspirer de leur exemple, pour aller vers plus
d’humanité.