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Noesam@Voila.fr

  • : sionazisme
  • : Tout Juif qui se respecte, religieux ou séculier, ne peut plus garder le silence, voir pire, soutenir le régime sioniste, et ses crimes de génocide perpétrés contre le peuple palestinien...La secte sioniste est à l’opposé du Judaïsme. .................... Mensonge, désinformation, agression, violence et désobéissance de la loi internationale sont aujourd’hui les principales caractéristiques du sionisme israélien en Palestine.
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Israèl est contre TORAH

*"Les sionistes me dégoûtent autant que les nazis."
(Victor Klemperer, philologue allemand d'origine juive, 1881-1960)

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L’initiative sioniste de proclamer l’État d’Israël constitue une révolte contre la volonté divine, contre la Torah, une révolte qui a engendré une vague interminable de violence et de souffrance. À l’occasion de la fondation de l’État hérétique, les juifs fidèles à la Torah pleurent cette tentative d’extirper les enseignements de la Torah, de transformer les juifs en une « nation laïque » et de réduire le judaïsme au nationalisme.......Nous déplorons les tragédies que la révolution sioniste a provoquées chez les Palestiniens, notamment des déportations, l’oppression et la subjugation..Que nous méritions que cette année toutes les nations, en acceptant la souverainet

é divine, puissent se réjouir dans une Palestine libre et dans une Jérusalem libre! Amen. Offert par Netouré Karta International : www.nkusa.orglink

                                               


   

 


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FATHER OF SIONAZISJACOB HITLER

La prétendue ascendance juive d'Hitler: Une "explication" par la haine de soi
Une publication parue cette semaine a attiré mon attention. Il s’agit ni plus ni moins de la généalogie d’Adolf Hitler qui aurait des ascendants juifs !! Dans son article, Gilles Bonafi présente une fiche des Renseignements généraux que le magazine Sciences et Avenir a publié en mars 2009, et où on peut clairement lire le deuxième prénom d’Hitler : Jacob. Adolf Jacob Hitler serait le petit-fils de Salomon Mayer Rothschild. Cette information a été divulguée par deux sources de très haut niveau : Hansjurgen Koehler officier d’Heydrich, qui était lui-même l’adjoint direct d’Heinrich Himmler et Walter Langer le psychiatre qui a réalisé le profil psychologique d’Hitler pour l’OSS, les services secrets US pendant la Seconde Guerre mondiale.
SOURCE ;alterinfo

Archives

10 janvier 2009 6 10 /01 /janvier /2009 23:25
Palestine 1948 : l’expulsion

Dominique Vidal
 

Sommaire :

Une « nouvelle histoire »

David contre Goliath ?

Pas d’appel à la fuite

Pourquoi disculper Ben Gourion ?

La réalité de l’Holocauste

Une opinion schizophrénique

Omniprésence du transfert

Un terrible dilemme

Documents

« La guerre d’indépendance de 1948 n’est pas achevée. » Que signifie cette phrase qu’Ariel Sharon répète régulièrement depuis sa première élection, en février 2001 ? Quelle que soit l’interprétation qu’on en donne, elle souligne en tous cas toute l’actualité du travail de ceux qu’on appelle les « nouveaux his- toriens » israéliens et qui ont révélé à leurs concitoyens ce qui s’était vraiment passé en 1948. Entre le plan de partage de la Palestine adopté par l’Assemblée générale des Nations unies le 29 novembre 1947 et les armistices de 1949 consécutifs à la première guerre israélo-arabe, plusieurs centaines de milliers de Palestiniens ont dû quitter leurs foyers.

Pour les historiens palestiniens et arabes, il s’agit d’une expulsion. La majorité de ces sept cent mille à neuf cent mille réfugiés ont été contraints au départ, au cours des affrontements judéopalestiniens, puis de la guerre israélo-arabe, dans le cadre d’un plan politico-militaire jalonné de nombreux massacres [ C’est notamment la thèse défendue, dès 1961, par Walid Khalidi (Middle East Forum, novembre 1961, republié avec un nouveau commentaire par le Journal of Palestine Studies, vol. XVIII, n° 69, 1988) et, plus récemment, par Elias Sanbar (Les livres de la Revue d’études palestiniennes, Paris, 1984). ].

Une « nouvelle histoire »

Selon l’historiographie israélienne traditionnelle, au contraire, les réfugiés - cinq cent mille au maximum - sont partis volontairement, répondant aux appels des dirigeants arabes qui leur promettaient un retour rapide après la victoire. Non seulement les responsables juifs n’auraient pas planifié d’éviction, mais les rares massacres à déplorer - en premier lieu celui de Deir Yassine, le 9 avril 1948 - auraient été le fait des troupes extrémistes affiliées à l’Irgoun de Menahem Begin et au Lehi d’Itzhak Shamir.

Dès les années 1950, quelques personnalités israéliennes isolées contestaient cette thèse. Depuis la seconde moitié des années 1980, elles ont été rejointes dans leur critique par un certain nombre de journalistes et de chercheurs : Simha Flapan, Tom Segev, Avi Schlaïm, Ilan Pappé et surtout Benny Morris, qui, avec The Birth of the Palestinian Refugee Problem, a « fondé » la nouvelle histoire [Leurs livres les plus importants sont : Simha Flapan, The Birth of Israel, Myth and Realities, Pantheon Books, New York, 1987 ; Tom Segev, 1949. The First Israelis, Free Press MacMillan, New York Londres, 1986 ; Avi Schlaïm, Collusion across the Jordan. King Abdallah, the Zionist Movement and the Partition of Palestine, Clarendon Press, Oxford, 1988 ; Ilan Pappé, Britain and the Arab-Israeli Conflict, 1948-1951, MacMillan, New York, 1988, et The Making of the Arab-Israeli Conflict, 1947-1951, I. B. Tauris, New York, 1992 ; et Benny Morris, The Birth of the Palestinian Refugee Problem, 1947-1949, Cambridge University Press, Cambridge, 1987, et 1948 and After. Israel and the Palestinians, Clarendon Press, Oxford, 1990. ].

Avant d’aborder les thèses des « nouveaux historiens » concernant l’exode palestinien et d’en évoquer certaines limites, il importe de comprendre l’origine de leurs travaux. En fait, deux phénomènes se sont conjugués pour les stimuler. Le premier, c’est bien sûr l’ouverture, trente ans après, des archives israéliennes, publiques et privées, concernant cette période : les chercheurs y puisent l’essentiel de leurs sources. C’est d’ailleurs à la fois leur force et leur faiblesse : ils semblent ignorer presque entièrement les archives des États arabes, il est vrai peu accessibles, de même que la mémoire orale des Palestiniens, que malheureusement peu d’historiens, arabes compris, se sont attachés à recueillir. Or, comme le note à juste titre l’historien palestinien Nur Masalha, « l’histoire et l’historiographie ne devraient pas nécessairement être écrites, exclusivement ou essentiellement, par les vainqueurs » [Nur Masalha, « 1948 and After revisited », Journal of Palestine Studies 96, vol. XXIV, n° 56, Berkeley, été 1995.]. Mais la plongée dans les archives n’aurait sans doute pas été si fructueuse si les dix années suivant leur mise à disposition n’avaient pas été marquées par la guerre du Liban et le déclenchement de la première Intifada, qui accentuèrent, en Israël même, le clivage entre camp nationaliste et camp de la paix. Bref, les « nouveaux historiens » réécrivirent l’histoire des origines du problème palestinien alors même que celui-ci revenait au premier plan et appelait des solutions nouvelles - le 15 novembre 1988, le Conseil national palestinien, d’un même mouvement, proclamait l’État palestinien, reconnaissait l’État d’Israël et condamnait le terrorisme.

Dans un article de la Revue d’études palestiniennes [Ilan Pappé, « La critique post-sioniste en Israël », La Revue d’études palestiniennes, n° 64, Paris, été 1997.], un des pionniers de cette « nouvelle histoire », Ilan Pappé, mettait l’accent sur le rôle du dialogue israélo-palestinien engagé à l’époque, « essentiellement mené, précisait-il, sous la conduite des universitaires. Aussi étonnant que cela puisse paraître, c’est à la faveur de ce dialogue que la plupart des chercheurs israéliens travaillant sur l’histoire de leur pays et qui n’étaient pas liés aux groupes politiques radicaux ont pris connaissance de la version historique de leurs homologues palestiniens. Bon nombre d’entre eux se sont aperçus à l’occasion de cette rencontre de la réelle valeur de travaux universitaires jusque-là considérés comme de pure propagande. Certains chapitres déplaisants, voire choquants, de l’histoire israélienne ont été révélés. Mais, plus que tout, les chercheurs israéliens ont pris conscience de la contradiction fondamentale entre les ambitions nationales sionistes et leur mise en oeuvre aux dépens de la population locale de Palestine ».

Encore une précision : dans La nouvelle judéophobie, Pierre- André Taguieff affirme que les « nouveaux historiens » dont je fais état dans mon livre seraient tous des intellectuels d’extrême gauche. C’est ridicule. Le seul qui puisse être « étiqueté » ainsi est Ilan Pappé, qui ne cache pas ses sympathies pour le Parti communiste israélien. Mais il n’y en a aucun autre. Pionnier de ce courant, Benny Morris, qui a toujours affiché ses convictions sionistes, est de plus, ces dernières années, redevenu « casher » aux yeux de l’establishment : s’il n’a pas renié ses travaux historiques, il a beaucoup évolué politiquement, allant jusqu’à soutenir Ariel Sharon et à se prononcer explicitement pour un nouveau « transfert »...

David contre Goliath ?

Curieusement, jusqu’en 1998, aucun des ouvrages des « nouveaux historiens » sur la guerre de 1948 - les premiers étaient pourtant parus depuis douze ans - n’avait eu l’heur de plaire aux éditeurs français. C’est pourquoi j’ai décidé, avec mon confrère Joseph Algazy, journaliste au quotidien Haaretz, de pallier cet « oubli ». Synthétiser en quelques minutes des années de recherches historiques est une impossible gageure. Disons, pour nous en tenir à l’essentiel, que ces historiens ébranlent en particulier trois grandes thèses :

-  La première, c’est la menace mortelle qui aurait pesé sur Israël à l’époque. Contrairement à l’image d’un frêle État juif à peine né et déjà confronté aux redoutables armées d’un puissant monde arabe, les « nouveaux historiens » établissent la supériorité croissante des forces israéliennes (en effectifs, armement, entraînement, coordination, motivation...) à la seule exception de la courte période qui va du 15 mai au 11 juin 1948. Mais il y a plus. Israël dispose à l’époque d’une carte maîtresse, étudiée par Avi Shlaïm dans Collusion across the Jordan : l’accord tacite passé le 17 novembre 1947 (douze jours avant le plan de partage des Nations unies) par Golda Meïr avec le roi Abdallah de Transjordanie. La Légion, seule armée arabe digne ce nom, s’engageait à ne pas franchir les frontières du territoire alloué à l’État juif en échange de la possibilité d’annexer celui prévu pour l’État arabe.

Assuré, dès février 1948, du feu vert explicite du secrétaire au Foreign Office, Ernest Bevin, ce plan sera effectivement mis en oeuvre. Comme le Haut comité arabe (palestinien) et l’ensemble des États arabes, la Transjordanie a rejeté le plan de partage de l’ONU. Si bien que la Légion arabe participe à la guerre à partir du 15 mai 1948. Mais elle ne pénétrera jamais en territoire israélien et ne prendra jamais l’initiative d’une bataille d’envergure - sauf à Jérusalem, qui n’était pas « attribuée » par les Nations unies à l’État juif ni à l’État arabe, mais dotée d’un statut international.

D’ailleurs, le schéma du 17 novembre 1947 se substituera bel et bien, à la fin des hostilités, au plan de partage du 29 : la Jordanie occupera et annexera la partie arabe de la Palestine, sauf les zones conquises par Israël (qui a augmenté sa superficie d’un tiers) et la bande de Gaza occupée par l’Égypte...

-  La deuxième thèse ébranlée concerne la volonté de paix qu’aurait manifestée Israël au lendemain de la guerre. Organisée par la Commission de conciliation sur la Palestine des Nations unies, la conférence de Lausanne a notamment été étudiée par Avi Shlaïm dans le livre déjà cité et par Ilan Pappé dans The Making of the Arab-Israeli Conflict. Leurs conclusions contredisent largement la thèse traditionnelle.

Les archives montrent que, dans une première phase, Israël fait preuve d’ouverture : le 12 mai 1949, sa délégation et celle des États arabes ratifient un protocole réaffirmant à la fois le plan de partage des Nations unies et le droit au retour des réfugiés. Mais, ce même 12 mai 1949, l’État juif est admis à l’ONU. Dès lors, confiera peu après Walter Eytan, codirecteur général du ministère israélien des affaires étrangères, « mon principal objectif était de commencer à saper le protocole du 12 mai, que nous avions été contraints de signer dans le cadre de notre bataille pour être admis aux Nations unies » [Ilan Pappé, The Making..., op. cit., p. 212.]. De fait, Lausanne finira dans l’impasse... Et Elias Sasson, le chef de la délégation israélienne, confiera : « Le facteur qui bloque, c’est aujourd’hui Israël. Par sa position et ses demandes actuelles, Israël rend la seconde partie de la Palestine inutilisable pour tout projet, sauf un - son annexion par un des États voisins, en l’occurrence la Transjordanie. » [Cité par Avi Shlaïm, Collusion...., op. cit., pp. 474-475.]

Pas d’appel à la fuite

Particulièrement significative est la manière dont David Ben Gourion rejette l’offre étonnante du nouveau président syrien, Husni Zaïm, qui propose non seulement de faire la paix, mais aussi d’accueillir deux cent mille à trois cent mille réfugiés palestiniens. Le temps que Tel-Aviv prenne conscience de l’intérêt de la suggestion, il est trop tard : Zaïm est renversé par un coup d’État militaire...

-  Mais le mythe plus sérieusement ébranlé concerne l’exode des Palestiniens. Résumons. Benny Morris le montre, les archives réfutent formellement la thèse de l’appel arabe à la fuite. « Il n’existe pas de preuve attestant, écrit-il, que les États arabes et le Haut Comité arabe [HCA, palestinien] souhaitaient un exode de masse ou qu’ils aient publié une directive générale ou des appels invitant les Palestiniens à fuir leurs foyers (même si, dans certaines zones, les habitants de villages spécifiques ont reçu de commandants arabes ou du HCA l’ordre de partir, essentiellement pour des raisons stratégiques). » [The Birth..., op. cit, p. 129.] Quant aux fameuses exhortations qu’auraient diffusées les radios arabes, on sait depuis l’étude de leurs programmes enregistrés par la BBC qu’il s’agit d’inventions pures et simples [Voir Erskine Childers, « The Other Exodus », The Spectator Magazine, Londres, 12 mai 1961, cité par Nadine Picaudou, Les Palestiniens, un siècle d’histoire, Éditions Complexe, Bruxelles, 1997, p. 115.]. Certes, dans les semaines suivant le plan de partage, il y eut soixante-dix mille à quatre-vingt mille départs volontaires, pour l’essentiel de riches propriétaires terriens et des membres de la bourgeoisie urbaine. Mais après ? Le premier bilan dressé par les Services de renseignement de la Hagana, daté du 30 juin 1948, estime à trois cent quatre-vingt et onze mille le nombre de Palestiniens ayant déjà quitté le territoire alors aux mains d’Israël. « Au moins 55 % du total de l’exode ont été causés par nos opérations », écrivent les experts, lesquels ajoutent les opérations des dissidents de l’Irgoun et du Lehi « qui ont directement causé environ 15 % de l’émigration » et les effets de la guerre psychologique de la Hagana : on arrive ainsi à 73 % de départs directement provoqués par les Israéliens. Dans 22 % de cas, le rapport met en cause les « peurs » et la « crise de confiance » répandues dans la population palestinienne. Quant aux appels arabes locaux à la fuite, ils n’entrent en ligne de compte que dans 5 % des cas...

À partir de la reprise des combats, en juillet 1948, la volonté d’expulsion ne fait plus le moindre doute. Un symbole : l’opération de Lydda et de Ramleh, le 12 juillet 1948. « Expulsez-les ! » a dit David Ben Gourion à Igal Allon et Itzhak Rabin. De fait, la violente répression (250 morts) est suivie de l’évacuation forcée, accompagnée d’exécutions sommaires, de quelque soixante-dix mille civils palestiniens - soit près de 10 % de l’exode total de 1947-1949 ! Des scénarios similaires seront mis en oeuvre jusqu’à la fin 1948 au Nord (la Galilée) au Sud (la plaine côtière et le Néguev)...

À ces Palestiniens qu’on expulse, on confisque en même temps leurs biens, grâce à la loi sur les « propriétés abandonnées », votée en décembre 1948. Israël mettra ainsi la main sur soixante-treize mille pièces d’habitation dans des maisons abandonnées, sept mille huit cents boutiques, ateliers et entrepôts, cinq millions de livres palestiniennes sur des comptes en banque et - surtout - trois cent mille hectares de terres [ Cité par Simha Flapan, op. cit., p. 107.]. Au total, plus de quatre cents villes et villages arabes disparaîtront ou deviendront juifs.

Dans 1948 and After, Benny Morris revient plus longuement sur le rôle joué par Yosef Weitz, alors directeur du département foncier du Fonds national juif [Benny Morris, 1948..., op. cit., chapitre 4.]. Dans son journal, le 20 décembre 1940, ce militant sioniste aux convictions tranchées confiait sans détours : « Il doit être clair qu’il n’y a pas de place pour deux peuples dans ce pays [...] et la seule solution, c’est la Terre d’Israël sans Arabes.

[...] Il n’y a pas d’autre moyen que de transférer les Arabes d’ici vers les pays voisins [...]. Pas un village ne doit rester, pas une tribu bédouine. »

Ce programme radical, sept ans plus tard, Yosef Weitz va pouvoir l’appliquer lui-même. Dès avril 1948, il obtient la constitution d’« un organisme qui dirige la guerre avec pour but l’éviction d’autant d’Arabes que possible ». Informel jusqu’à fin juin, officiel ensuite, le « Comité du transfert » supervise la destruction des villages arabes abandonnés ou leur repeuplement par de nouveaux immigrants juifs.

Pourquoi disculper Ben Gourion ?
Pourquoi disculper Ben Gourion ?

Encore un aspect, qui revêt, avec l’action d’aujourd’hui des colons en Cisjordanie, une certaine actualité : les moissons, sur lesquelles Benny Morris revient en détail dans 1948 and After [1948..., op. cit, chapitre 6. ]. Début mai, atteste l’historien, ordre est donné aux agriculteurs juifs de reprendre la culture des terres appartenant à des réfugiés. Suit un autre en juin : les soldats israéliens peuvent tirer sur les Palestiniens tentant de revenir sur leurs terres pour moissonner. Symboliquement et matériellement, il revient donc à Israël d’engranger le produit des semailles palestiniennes. Pire : si les Israéliens n’en ont pas les moyens, les cultures doivent être détruites ! Conclusion de Benny Morris : « La moisson des champs arabes au début de l’été 1948 devint ainsi une étape majeure dans le processus d’acquisition par les juifs et d’expropriation des terres arabes palestiniennes abandonnées. »

Bref, quand David Ben Gourion, le 16 juin 1948, déclare au Conseil des ministres vouloir éviter « à tout prix » le retour des réfugiés, il s’agit, non d’une phrase en l’air, mais d’un programme politique très concret...

Mais le débat le plus vif porte sur la nature de la politique arabe du Yichouv et de ses forces armées durant les six premiers mois de 1948. Dans son premier livre, Benny Morris s’en tenait à une thèse « centriste » : « Le problème palestinien est né de la guerre, et non d’une intention, juive ou arabe. » [Benny Morris, The Birth..., op. cit., p. 286.] Il a nuancé cette appréciation dans son deuxième livre, 1948, en définissant le transfert comme « un processus cumulatif, aux causes enchevêtrées, mais [avec] un déclencheur majeur, un coup de grâce [en français dans le texte], en forme d’assaut de la Hagana, de l’Irgoun ou des Forces de défense d’Israël dans chaque localité » [Benny Morris, 1948..., op. cit., p. 32.] . Benny Morris récuse cependant l’affirmation arabe de l’existence d’un plan d’expulsion et tend à disculper David Ben Gourion. Ce faisant, notons néanmoins qu’il contredit nombre d’éléments que luimême rapporte :

-  Benny Morris souligne en effet l’engagement de longue date de Ben Gourion en faveur du projet de « transfert » (suggéré, en 1937, par la Commission britannique Peel). Il nous apprend de surcroît, archives à l’appui, que les textes du mouvement sioniste comme les journaux de ses dirigeants ont été systématiquement expurgés pour gommer toute allusion à ce « transfert ».

-  Benny Morris décrit en permanence Ben Gourion menant d’une main de fer l’entreprise d’expulsion des Arabes et de confiscation de leurs biens et insiste également sur ce qu’il appelle le « facteur atrocité ». L’historien montre en effet que, loin de représenter une « bavure » extrémiste, le massacre de Deir Yassine a été précédé et suivi de nombreux autres commis par la Hagana, puis par Tsahal, de la fin 1947 à la fin 1948.

-  Dans le livre collectif "La guerre de Palestine", qui vient de paraître en français [Eugene L. Rogan et Avi Shlaim, La Guerre de Palestine. Derrière le mythe 1948, Autrement, Paris, 2002, pp. 38 à 65.], Benny Morris évoque les archives récemment devenues accessibles : « Les nouveaux documents ont révélé des atrocités dont je n’avais pas eu connaissance quand j’ai écrit The Birth. [...] Ces atrocités sont importantes pour qui veut comprendre pourquoi les diverses phases de l’exode arabe se sont précipitées. »

-  S’agissant du plan Dalet, mis en oeuvre à partir de la fin mars 1948, Benny Morris hésite. À la page 62 de The Birth, il estime que « le plan D n’était pas un plan politique d’expulsion des Arabes de Palestine ». Mais, page 64, il écrit : « À partir du début avril, il y a des traces claires d’une politique d’expulsion à la fois au niveau national et local en ce qui concerne certains districts et localités stratégiques-clés. »

Et pourtant, dans sa contribution à La Guerre de Palestine, Benny Morris va beaucoup plus loin : « À n’en pas douter, la cristallisation du consensus en faveur du transfert chez les dirigeants sionistes a permis de préparer l’accélération de l’exode palestinien en 1948. De la même façon, une partie encore plus importante de cet exode a été déclenchée par des actes et des ordres d’expulsion explicites provenant de troupes israéliennes, bien davantage que cela n’était indiqué dans The Birth. » [Op. cit., p. 64.]

Le fait que les archives n’aient pas révélé de directive globale d’expulsion ne suffit pas à nier le phénomène et les responsabilités de la direction du Yichouv. Encore faut-il mesurer que cette dernière s’est appuyée sur un consensus extrêmement solide au sein de son appareil politique et militaire.

Résumons : moins de trois ans après la libération des camps d’extermination, l’immense majorité des juifs de Palestine considèrent qu’ils poursuivent le combat pour la survie.

D’autant qu’ils vivent le refus arabe du partage comme une nouvelle menace pour leur existence, et ignorent le caractère favorable des rapports de force. Ne l’oublions pas : près d’un combattant juif sur deux est, à l’époque, un survivant de la Shoah. Après une phase défensive, ils passeront donc sans état d’âme à l’offensive, pour atteindre l’objectif qui se trouvait depuis si longtemps, bi-nationalistes mis à part, au coeur du mouvement sioniste : un État juif aussi grand et homogène que possible.

Comme l’écrit Benny Morris, « Ben Gourion voulait clairement que le moins d’Arabes possible demeurent dans l’État juif. Il espérait les voir partir. Il l’a dit à ses collègues et assistants dans des réunions en août, septembre et octobre. Mais [...] Ben Gourion s’est toujours abstenu d’émettre des ordres d’expulsion clairs ou écrits ; il préférait que ses généraux “comprennent” ce qu’il souhaitait les voir faire. Il entendait éviter d’être rabaissé dans l’histoire au rang de “grand expulseur” et ne voulait pas que le gouvernement israélien soit impliqué dans une politique moralement discutable. » [Benny Morris, The Birth..., op. cit., pp. 292-293]

La réalité de l’Holocauste

Un dernier mot à propos des enjeux actuels de ce débat historique. La postface rédigée par mon confrère Joseph Algazy éclaire, je crois, l’insertion des « nouveaux historiens » dans un mouvement qui va bien au-delà : la recherche ce qu’on appelle « post-sionisme ». Pour résumer, Israël doit-il en rester au sionisme traditionnel, et notamment s’attacher à demeurer un État juif ? Ou bien doit-il se doter d’une identité nouvelle, et en premier lieu devenir l’État de tous ses citoyens ? Inutile de souligner combien cette bataille est inséparable de celle qui oppose camp de la paix et camp nationaliste...

Mais la connaissance et la reconnaissance des conditions de cette double naissance - celle d’Israël et celle du problème des réfugiés palestiniens - est surtout au coeur de l’éventuelle réconciliation entre les peuples. La paix entre eux passe évidemment, à mes yeux, par la création d’un État palestinien souverain. Mais la réconciliation exige beaucoup plus : que toutes les parties au conflit assument leur histoire.

L’article qu’Edward Saïd a publié, au mois d’août 1998, dans Le Monde diplomatique mérite, de ce point de vue, d’être relu avec la plus grande attention. Dans cette réponse à ses amis arabes fascinés par Roger Garaudy, le grand intellectuel palestinien écrit notamment : « La thèse selon laquelle l’Holocauste ne serait qu’une fabrication des sionistes circule ici et là de manière inacceptable. Pourquoi attendons-nous du monde entier qu’il prenne conscience de nos souffrances en tant qu’Arabes si nous ne sommes pas en mesure de prendre conscience de celles des autres, quand bien même il s’agit de nos oppresseurs, et si nous nous avérons incapables de traiter avec les faits dès lors qu’ils dérangent la vision simpliste d’intellectuels “bien-pensants” qui refusent de voir le lien qui existe entre l’Holocauste et Israël. »

« Dire que nous devons prendre conscience de la réalité de l’Holocauste - poursuit Saïd - ne signifie aucunement accepter l’idée selon laquelle l’Holocauste excuse le sionisme du mal fait aux Palestiniens. Au contraire, reconnaître l’histoire de l’Holocauste et la folie du génocide contre le peuple juif nous rend crédibles pour ce qui est de notre propre histoire ; cela nous permet de demander aux Israéliens et aux juifs d’établir un lien entre l’Holocauste et les injustices sionistes imposées aux Palestiniens ! » [Edward Saïd, « Israël-Palestine : pour une troisième voie », Le Monde diplomatique, août 1998. ] Reste à préciser jusqu’à quel point les travaux des « nouveaux historiens » ont pénétré leur société. De prime abord, ils ont surtout choqué nombre de leurs concitoyens. Et pour cause : ce n’est pas sur une page d’histoire parmi d’autres qu’ils ont contribué à rétablir la vérité. Non, ce qui a été mis à nu, c’est bel et bien le « péché originel » d’Israël - pour reprendre l’accusation lancée par l’historien « orthodoxe » Shabtai Teveth contre Benny Morris. Le droit des survivants du génocide hitlérien à vivre en sécurité dans un État devait-il exclure celui des filles et fils de la Palestine à vivre, eux aussi, en paix dans leur État ? La réponse à cette question concerne le passé, bien sûr, mais aussi le présent. Car l’injustice commise ne peut-être réparée qu’en réalisant, avec un demi-siècle de retard, le droit des Palestiniens à une patrie.

Plus que les querelles de spécialistes, cet enjeu explique pourquoi le contre-feu s’organise, dès le début des années 1980. À peine les premiers articles de Benny Morris parus, ils suscitent une polémique, qui ne cessera pas. À l’origine de ces brûlots, on trouve d’« anciens historiens », qui campent sur leurs positions de l’époque, s’accrochant au caractère soi-disant volontaire de l’exil des Palestiniens et niant toute responsabilité des dirigeants du Yichouv, puis d’Israël. Tel ou tel pan de la version orthodoxe sera défendu, à des degrés divers, par Shabtaï Teveth, mais également par de plus jeunes spécialistes, comme Anita Shapira, Avraham Sela, Itamar Rabinovich ou Efraïm Karsh.

Parallèlement à ce débat d’idées, les coups bas ne manquent pas. Ainsi ses oeuvres vaudront à Benny Morris de perdre son poste de journaliste au Jerusalem Post. Et il lui faudra douze ans pour décrocher un poste universitaire, en l’occurrence à l’université David Ben Gourion de Beersheva. Mais les descendants du père fondateur exigeront - en vain - du recteur de ladite université qu’il licencie Benny Morris ou modifie le nom de son université ! L’intéressé, on l’a vu, a évolué depuis...

C’est qu’entre-temps, l’affrontement autour des thèses des « nouveaux historiens » a pris un caractère public. Après avoir été cantonné aux publications spécialisées, le plus souvent confidentielles, le débat a gagné les journaux, et notamment dans le quotidien Haaretz. Il est alimenté par la parution de plusieurs livres - à l’époque en anglais, soulignons-le : les premières traductions en hébreu n’apparaîtront qu’au début des années 1990.

Avec le cinquantième anniversaire de l’État d’Israël, en avrilmai 1998, c’est l’apogée : même la très conformiste série télévisée Tekuma (Renaissance), consacrée à l’histoire d’Israël, fait brièvement état, dans son émission sur 1948, de l’expulsion par Israël des civils palestiniens - avec des images inédites qui frapperont évidemment ses centaines de milliers de téléspectateurs...

Désormais, les thèses des « nouveaux historiens », si elles restent sans doute minoritaires, apparaissent incontournables : impossible de les ignorer. À preuve le nouveau manuel d’histoire d’Eyal Nave, publié à la rentrée de 1999. Tout en préservant, sur l’essentiel, la vision traditionnelle de la première guerre israélo-arabe, cet ouvrage n’en signale pas moins que le rapport de forces, à l’époque, était très favorable aux armées juives, et que celles-ci ont bien chassé nombre de Palestiniens.

Une opinion schizophrénique

Moins médiatisé, mais plus significatif encore est le livre intitulé "La lutte pour la sécurité d’Israël" [Colonel (de réserve) Benny Michalson, lieutenant-colonel (de réserve) Abraham Zohar et lieutenant-colonel (de réserve) Eppi Meltser, La Lutte pour la sécurité d’Israël (en hébreu), édité par l’Association israélienne d’histoire militaire, filiale de l’université de Tel-Aviv, avec la collaboration du département d’histoire de l’armée israélienne, Tel-Aviv, 1999. ]. Ses auteurs - un groupe de chercheurs issus des services de renseignement de l’armée, qui ont eu le privilège d’accéder à des documents couverts par la loi sur les secrets officiels - n’hésitent pas à égorger quelquesunes des vaches sacrées du pays. Ainsi, le livre ne souscrit pas à la thèse officielle selon laquelle les forces armées d’Israël étaient, en 1948, très inférieures à celles des armées arabes - selon les auteurs, Tsahal avait trente-deux mille combattants contre trente-deux mille cinq cents pour l’ensemble des forces arabes, néanmoins mieux armées - et reconnaît que le départ des Palestiniens n’a pas été volontaire.

L’arrivée au pouvoir d’Ariel Sharon et de son gouvernement, en 2001, a évidemment entraîné un net raidissement. Une des premières décisions de la nouvelle ministre de l’éducation du gouvernement Sharon-Pérès, Limor Livnat, a été de supprimer le manuel d’Eyal Navé. Et Ilan Pappé a été convoqué au printemps 2002 par le doyen de l’Université de Haïfa, où il enseigne, à une sorte de procès au terme duquel il risquait d’être exclu. Son crime ? Avoir appuyé Theodor Katz, dont la thèse démontre que l’armée israélienne a perpétré un massacre dans le village de Tantura, le 22 mai 1948. Devant la levée de boucliers nationale et internationale, le doyen a dû reculer. Mais nombre d’universitaires redoutent que l’extrême droite ne tente d’imposer une sorte de maccarthysme à l’israélienne...

C’est dire combien la droite et l’extrême droite craignent l’influence grandissante des « nouveaux historiens ». La percée de ceux-ci ne signifie cependant pas que, dans son immense majorité, la société israélienne ait répondu aux questions que lui pose son histoire. Sur l’essentiel, je crois qu’elle reste indécise : favorable à la paix, elle hésite à en payer le prix ; hostile à l’oppression religieuse, elle n’est pas pour autant prête à la séparation de la synagogue et de l’État ; rétive aux discriminations, elle envisage pourtant de retirer leur droit de vote aux citoyens arabes...

Faute de mesurer cette valse-hésitation structurelle, on ne saurait d’ailleurs comprendre le vote du 28 janvier 2003. Comme l’écrivait avec humour le pacifiste Uri Avnery, Israël est le seul pays au monde à compter deux fois plus d’habitants que les statistiques ne l’indiquent. Et pour cause : à en croire les sondages, 100 % des Israéliens - ou presque - soutiennent Ariel Sharon dans sa politique « antiterroriste », mais 100 % des Israéliens - ou presque - se prononcent pour une paix fondée sur le retrait des colons et des soldats des Territoires occupés et la création d’un État palestinien... À l’exagération près, c’est cela qui vient à nouveau de se produire : à défaut d’une perspective de paix solide, la plupart des Israéliens, traumatisés par la vague d’attentats-kamikazes, ont massivement voté pour ceux qui prétendaient leur apporter la sécurité.

Le tour de force réalisé par Ariel Sharon, c’est justement d’avoir fait oublier, dans ce domaine aussi, son bilan désastreux. À son arrivée au pouvoir, il y a deux ans, l’Intifada avait fait cinquante morts israéliens, et l’on en compte aujourd’hui plus de sept cents (et près de deux mille cent Palestiniens). Pour ne rien dire de l’économie, plongée dans sa plus grave récession depuis 1953. Ni de l’isolement régional d’Israël, dont la normalisation des relations avec le monde arabe, en cours depuis les accords d’Oslo, n’a pas résisté à la réoccupation des territoires autonomes. Voilà qui aurait dû détourner les électeurs du vote pour le Likoud. Si paradoxalement, ils lui ont offert un triomphe, c’est au nom de la défense du pays, et parce que nul ne proposait une alternative de paix crédible.

Le Parti travailliste, en particulier, ne pouvait incarner une autre politique. Comment prétendre représenter une opposition pacifiste à Ariel Sharon quand on a participé, durant un an et demi, au gouvernement d’union nationale dirigé par celui-ci, avec plusieurs ministères-clefs dont celui de la défense, et porté, à ce titre, la co-responsabilité de la pire des politiques anti-palestiniennes ? Ce handicap a pesé lourd sur Amram Mitzna, dont les propositions novatrices ne trouvaient, de surcroît, aucun relais dans la communauté internationale, et notamment à Washington - n’oublions pas qu’Itzkhak Rabin dut sa victoire, en 1992, à la conjonction des aspirations des Israéliens et des pressions de la Maison-Blanche. J’ajoute que, sur la plus longue période, le Parti travailliste a perdu les liens qui étaient les siens avec le coeur de la société israélienne des années 1950 et 1960, voire 1970 : il est progressivement devenu le parti de la bourgeoisie ashkénaze laïque, opposée aux couches populaires arabes et séfarades - un rôle que lui contestent désormais d’autres partis, notamment Shinoui.

Faute d’être placé devant un choix clair concernant l’avenir des relations israélo-palestiniennes et donc de l’État juif, l’électorat a voté en fonction des conflits internes qui secouent, depuis longtemps, sa société. Ainsi le succès du parti Shinoui exprime-t-il, par exemple, à la fois la montée du courant laïque face aux prétentions hégémoniques des partis religieux, mais aussi le retour en force des Juifs ashkénazes, renforcés par l’importante immigration russe, face aux revendications séfarades. Paradoxalement, la lutte entre les principaux groupes qui se disputent la direction de l’État d’Israël a plus passionné les électeurs que la reprise des négociations avec les Palestiniens, qui conditionnent pourtant son avenir à long terme...

Omniprésence du « transfert »
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10 janvier 2009 6 10 /01 /janvier /2009 23:24
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La reconnaissance du fait israélien

Comment s’opère le passage de la reconnaissance théorique du fait israélien à sa reconnaissance pratique ? Comment se développe le dialogue (ne pas confondre avec négociation) entre Palestiniens et Israéliens ?

De 1967 à 1973, le dialogue entre forces politiques s’opère essentiellement d’une part entre les partis communistes israélien, palestinien et jordanien et d’autre part entre le FDPLP et le Matzpen.

Le 11 mai 1973, se tient à Bologne une conférence pour la paix et la justice au Proche-Orient. La délégation du PC palestinien reste bloquée au Liban. La délégation du côté israélien comprend le délégué du PC israélien et un petit groupe sioniste avec Uri Avnery et des personnalités comme Nathan Yalin Mor, un ancien du groupe Stern. Cette conférence débouche sur l’expression de la volonté de dialoguer avec les forces démocratiques en Israël. Or ceci implique la reconnaissance d’une réalité nationale et de dégager des principes d’entente pour aller vers une réalité binationale en Palestine.

En 1974, Hawatmeh et Saïd Hammami, en accord avec Yasser Arafat, proposent une rencontre entre Yasser Arafat et Nahum Goldman, président de l’organisation sioniste mondiale. Cette rencontre est finalement annulée du fait de l’opposition d’Itzhak Rabin.

Le 3 mai 1975, à la conférence de Paris sur la paix et la justice au Proche-Orient, les Palestiniens dont Ezzedine Kallak, représentant de l’OLP à Paris, et des Israéliens se rencontrent mais sans réel dialogue. Mais c’était un début considéré comme encourageant.

En juin 1976, les Palestiniens alliés aux forces progressistes libanaises sont en position d’influencer le cours des événements au Liban et, avec le soutien des forces islamo-progressistes, de prendre le dessus sur les forces chrétiennes. Profitant de cette situation de force, le comité central de l’OLP, réuni à Damas en décembre 1976 substitue à la notion ambiguë « d’autorité nationale combattante », celle « d’État national indépendant ».

Pendant ce temps, par l’entremise d’Henri Curiel, des Palestiniens de l’OLP ont engagé un dialogue secret avec des Israéliens et en particulier avec des sionistes de gauche. Du côté palestinien, c’est Issam Sartaoui, envoyé spécial de Yasser Arafat, et Sabri Geries, intellectuel, auteur d’un livre important sur les Arabes israéliens (Maspéro). Du côté israélien, l’interlocuteur est le Conseil israélien pour une paix israélopalestinienne fondé en 1975 à l’initiative d’Uri Avnery et la délégation est composée de Matti Peled, ex-général de réserve, Lova Eliav, ex- secrétaire du Parti travailliste, Jacob Arnon, économiste, et Meir Pail, secrétaire d’un petit parti sioniste de gauche, le Moked, sans oublier Uri Avnery. Des personnalités d’envergure internationale comme Willy Brandt, Pierre Mendès-France, le chancelier autrichien Bruno Kreisky, facilitent cette démarche de dialogue. Les discussions se poursuivent de décembre 1976 à mai 1977 et aboutissent à un communiqué du Conseil israélien pour une paix israélo-palestinienne qui officialise les contacts et qui propose des bases pour une solution du conflit acceptables par les deux parties.

Le treizième Conseil national palestinien, de mars 1977, se prononce en faveur d’un État palestinien indépendant sur la partie libérée des territoires palestiniens et adopte une résolution prônant « le dialogue et la coopération avec les forces démocratiques et progressistes juives, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la patrie occupée, qui luttent contre le sionisme en tant qu’idéologie et en tant que pratique ». Yasser Arafat commente cette résolution en élargissant la notion de « Juif contre le sionisme », « à ceux qui acceptent le retrait israélien des territoires occupés et l’établissement d’un État palestinien sur ces territoires ». Cette définition constitue une ouverture par rapport à la sécheresse du texte. Il a fallu calmer les remous suscités au sein du mouvement national palestinien par une telle prise de position.

La conférence des partis communistes à Prague, le 4 mai 1977, est la première occasion de rencontre officielle entre l’OLP et le PC israélien. L’objectif d’un seul État est maintenu en théorie, mais faute de perspectives de le concrétiser, le mouvement national palestinien reconnaît le peuple israélien et l’existence d’un État israélien pour un temps donné dans l’attente de la négociation d’un accord entre les deux parties pour l’avenir. Il y a donc reconnaissance de l’existence d’un peuple israélien et reconnaissance de fait pour ce peuple du droit de disposer d’un État pendant un temps donné après accord des deux peuples.

En 1978, Anouar el Sadate conclut un accord séparé de paix bilatérale Égypte-Israël, sous la tutelle des États-Unis à Camp David. Le but de cet accord, pour le président égyptien, est de couper tout lien stratégique avec la démarche du mouvement national palestinien de libération de la Palestine. Le but pour Israël est de déconnecter l’Égypte du conflit israélo-palestinien. En façade, l’Égypte continue à soutenir la cause palestinienne. L’OLP est évidemment opposée à cet accord et à la démarche diplomatique qui le sous- tend. Cet accord intervient au moment où l’Europe introduit l’OLP dans le jeu diplomatique, notamment à l’ONU, alors que les Palestiniens ont été exclus des négociations de Camp David. En parallèle, les discussions se poursuivent entre Palestiniens et Israéliens du camp de la paix, alors que la résistance s’affirme davantage en Cisjordanie. Une scission se produit dans le Parti communiste jordanien pour donner naissance au Parti communiste de Cisjordanie. C’est une nouvelle manifestation de l’autonomisation croissante du mouvement palestinien en Cisjordanie par rapport à la Jordanie. Parallèlement, l’Irak radicalise sa position et, avec l’aide du groupe Abou Nidal, élimine les cadres « modérés » du Fatah, dont Saïd Hammami et Ezzedine Kallak.

En 1982, ayant neutralisé l’Égypte par l’accord bilatéral, Israël s’attaque à son front nord au Liban et tente de liquider la structure militaire de l’OLP et y parvient presque totalement. Mais l’OLP acquiert alors une reconnaissance internationale, comme mouvement de résistance représentatif du peuple palestinien. Au contraire, l’image d’Israël en sort ternie, notamment après les massacres de Sabra et de Chatila, y compris au sein de l’opinion publique israélienne.

En 1982, la Ligue arabe, réunie en sommet (le douzième) à Fès, propose un plan de paix demandant au Conseil de sécurité des Nations unies de garantir « la paix entre les États de la région, y compris l’État palestinien indépendant » et le respect des principes qu’il énonce, notamment « le droit du peuple palestinien à l’autodétermination et à l’exercice de ses droits nationaux imprescriptibles et inaliénables sous la conduite de l’OLP, son représentant unique et légitime ».

En 1983, des délégations palestinienne (présidée par Yasser Arafat) et israélienne (le Conseil israélien pour la paix de Avnery, Peled), réunies à Tunis où l’état-major de l’OLP s’est replié, proposent des initiatives et actions communes pour promouvoir une solution politique du conflit. Cette déclaration provoque un tir groupé des opposants des deux bords. En décembre 1987, c’est le déclenchement dans les territoires occupés de l’Intifada, soulèvement populaire non-armé qui permet de démontrer à l’opinion internationale et israélienne la détermination palestinienne de construire son État en Cisjordanie, à Gaza et à Jérusalem-Est à côté de l’État d’Israël. La suite est connue, avec les pas accomplis de part et d’autre sous la pression diplomatique internationale et leur débouché sur la conférence de Madrid de 1991 et les accords d’Oslo. À partir de 1974, la stratégie du mouvement national palestinien est désormais tracée et, à travers des péripéties, des avancées et des reculs, sera mise en oeuvre jusqu’à maintenant.

En résumé, le mouvement national palestinien est passé par les phases suivantes :

-  avant 1967, la stratégie du mouvement national palestinien est centrée sur la perspective d’un retour à une Palestine mythique impliquant la disparition de l’État d’Israël et l’expulsion des colons qui s’opposeront à ce retour à la Palestine d’origine ;
-  après 1967, la question du retour à la Palestine d’origine passe par une phase transitoire de la création d’un État démocratique où coexisteraient musulmans, juifs et chrétiens, l’avenir des juifs étant fonction de leur choix de soutenir ce processus démocratique ou de poursuivre la démarche de l’occupant sioniste ;
-  à partir de 1970, se développe un processus d’insertion, très progressif, de l’OLP, jusqu’alors composé d’exilés, dans le jeu international, allant de pair avec la montée en puissance des forces de résistance en Cisjordanie et à Gaza et au sein du mouvement national palestinien ;
-  à partir de 1974 et à la suite de la guerre de 1973, le mouvement national palestinien s’oriente, par nécessité, vers la voie diplomatique et celle d’un compromis le conduisant à accepter le plan de partage de 1947 et l’instauration d’un État sur une partie seulement de la Palestine. Ce choix suppose de fait la reconnaissance d’Israël comme communauté nationale ayant droit à une structure propre au peuple israélien d’origine juive et de langue hébraïque, c’est-à-dire à un État.

Ainsi, la formation d’un État pour les Arabes est désormais demandée par la direction de l’OLP comme couronnement du nationalisme palestinien et remède « souverain » (c’est le cas de le dire...) à l’oppression et aux injustices insupportables de l’occupation. Et comme l’État palestinien devra naître à côté de l’État d’Israël sur une partie de la Palestine et non en lieu et place d’Israël, on peut dire qu’implicitement l’objectif avancé est une sorte de réhabilitation du partage qu’à la fin du mandat les Arabes ont refusé en tournant le dos aux résolutions de l’ONU qui instituaient deux États avec un statut spécial pour Jérusalem. En outre, sur la question guerre-paix, il y a eu une évolution remarquable : on est passé de la priorité à la lutte armée à la priorité à la politique.

Comme mouvement de guérilla, l’OLP a été régulièrement défaite et elle n’a aucune possibilité de menacer sérieusement Israël. Tous ses efforts militaires, surtout ceux menés au Liban, ont eu seulement pour objectif de tenir en vie une structure organisationnelle pour donner aux Palestiniens de la Cisjordanie et de Gaza un point d’appui politique. Le choix de l’Intifada non armée en 1987 avait pour objectif d’articuler initiative diplomatique et mouvement politique de masse pour ouvrir enfin une négociation. La bataille pour permettre à l’OLP de réaliser ses objectifs est fondamentalement articulée sur la perspective d’une solution négociée. Avec l’unité et l’autonomie du mouvement auxquelles il a tout subordonné (objectifs, formes de luttes et alliances), Yasser Arafat a pu ainsi revendiquer la tenue d’une conférence internationale qui se tiendra finalement à Madrid en 1991. Sans garantir cependant les résultats parce que l’opposition de ceux qui ne veulent pas faire passer la confrontation au niveau de la politique reste diffuse et vigoureuse. Parce que aussi, sur le plan des négociations, les propositions avancées par Israël et les États-Unis sont très loin de donner les garanties nécessaires à la réalisation des droits des Palestiniens tels qu’ils sont fixés par le droit international.

Après une telle évolution et dans un contexte de tensions internes au mouvement, au sein d’une population palestinienne dispersée qui ne vit pas les mêmes problèmes, dans un environnement arabe chaotique, avec la pression constante de la stratégie de conquête et d’annexion israélienne, il s’avère particulièrement difficile de préserver l’unité du mouvement national palestinien et de sa ligne stratégique. Pourtant l’unité a été préservée et cette stratégie reste toujours à l’oeuvre aujourd’hui.

Épilogue

Aujourd’hui, après la disparition de Yasser Arafat, on peut dire que ce qui a caractérisé sa pensée et son action aura été à la fois la complexité et les tournants parfois improvisés et simplificateurs avec lesquels il a voulu et pu régler des problèmes stratégiques apparemment inextricables et les urgences continuelles quasi quotidiennes pour une des situations les plus dramatiques qu’un peuple ait subie au XXe siècle.

Peu comme lui, dans la vie ou dans la mort, ont représenté et reflété les conditions de leur peuple. Ses oscillations, entre silences et longues déclarations, entre lutte armée et lutte politique, entre succès remarquables et échecs cuisants, entre rigueur et concessions, entre poussée révolutionnaire et aspiration à fonder un État, décrivent le caractère général de la question palestinienne comme problème incontournable et non comme obstacle comme on a voulu le faire croire, pour faire sortir la région de la phase post-coloniale.

Sa disparition ne crée pas mais au contraire met au premier plan tous les problèmes que le mouvement national palestinien affronte avec les circonstances aggravantes d’une occupation de plus de trente-sept ans et d’une transformation historique du scénario international : un monde monopolaire où la guerre préventive « contre le terrorisme » a remplacé brutalement toute référence au droit international. Dans le groupe dirigeant palestinien installé depuis dix ans sur le territoire palestinien occupé et non plus en exil, l’après Arafat réouvre le débat et remet au centre les choix politiques à faire sous la pression militaire de l’ennemi. Une situation qui pèse lourdement sur l’autonomie réelle à un moment où le peuple palestinien n’est plus disposé à déléguer ses pouvoirs à Abou Mazen, le nouveau chef élu de l’Autorité palestinienne, comme il l’a fait pour Yasser Arafat du fait de son statut spécial.

[1] Comme le relève Olivier Carré dans son ouvrage sur L’idéologie politique de la résistance palestinienne - 1972 : « En fait, une contradiction ne sera jamais résolue : il s’agit du respect total de la nationalité juive dans la future Palestine en même temps que son intégration dans la nation arabe. Le nationalisme, voire le chauvinisme, arabe remplace le nationalisme et le chauvinisme juifs alors qu’on prétend abolir tout chauvinisme dans la Palestine idéale » p. 105.

Bernard Ravenel, historien est président de l’AFPS (Association France Palestine solidarité) et membre du comité de rédaction des revues Confluences Méditerranée et Damoclès.
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L’Orient le Jour | 18 avril 2008

Saleh Al Naami | 18 avril 2008

PCF | 18 avril 2008

Brahim Senouci | 18 avril 2008

17 avril 2008

Jean-Claude Lefort | 17 avril 2008

Mohammed Omer | 17 avril 2008

Adel Zaanoun | 17 avril 2008

17 avril 2008

Reuters, Afp et BBC | 17 avril 2008


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10 janvier 2009 6 10 /01 /janvier /2009 23:23
Les principaux problèmes à résoudre

Dès 1948, le mouvement national palestinien a été confronté :

-  à une réalité qui s’est imposée à lui, contre lui et la population palestinienne : l’État d’Israël, un fait accompli sur son propre territoire ;
-  à la dispersion et la fragmentation de la population et donc du mouvement lui-même, aggravées par l’évolution de l’occupation israélienne ;
-  et à la lutte contre un occupant qui s’installe « chez nous » et « nous expulse ». Or c’est un cas très rare dans l’histoire mondiale (différent des cas algérien ou vietnamien, car l’occupant avait dans ces deux conflits une métropole de repli et l’occupé vivait sur son propre territoire alors qu’une bonne partie de la population palestinienne a dû s’exiler).

Cette situation pose des problèmes spécifiques :

-  quel territoire revendiquer pour un État palestinien ?
-  quel type d’État ?
-  que faire de l’occupant et des colons juifs ? La lutte d’indépendance de l’Algérie aurait pu servir de référence puisqu’il y avait également une colonie de peuplement française, mais avec des différences majeures notables : en Israël, la communauté nationale juive israélienne dispose d’une certaine autonomie économique, politique et militaire.

Au début, pour les Palestiniens en exil ou réfugiés, la question se posait en termes simples : l’occupant qui nous a expulsés doit être chassé à son tour de notre territoire pour que nous puissions faire prévaloir notre droit au retour. Le mouvement national palestinien, difficilement ancré dans une population dispersée et politiquement divisée a dû passer du refus total de « l’entité sioniste » et de l’appel à la destruction de l’État hébreu, à l’idée d’un État palestinien sur seulement une partie du territoire d’origine avec l’instauration d’une démocratie où coexisteraient musulmans, juifs et chrétiens, à l’acceptation de facto de l’État d’Israël. Ce fut une longue marche douloureuse.

Entre 1968 et 1970, l’OLP est confrontée à un débat idéologique interne sur le type d’État à créer. Ce débat sur l’instauration d’un État démocratique est théorique, sans portée pratique.

Puis ce fut le débat sur le devenir des colons juifs. Les Palestiniens avaient une perception très différente de la réalité israélienne, selon qu’ils étaient réfugiés au Liban, dans les pays du Golfe ou en Jordanie, vivant en Cisjordanie ou à Gaza ou encore en territoire israélien.

Le rapport entre la lutte de libération de la Palestine et la lutte arabe fut aussi difficile que confus.

Après 1973, l’OLP participe, dans les coulisses jusqu’en 1991, aux discussions internationales. Le débat au sein du mouvement devient alors plus précis et concret, mais entre temps, la réalité a bougé avec l’incrustation d’Israël sur les territoires palestiniens occupés et son processus d’expansion-annexion.

Quelle stratégie possible ?

Le Fatah de Yasser Arafat se prononce pour un État palestinien, indépendamment du préalable de la constitution de la nation arabe, dès 1968 et l’inscrit dans sa charte (modifiée par rapport à l’option panarabe de la charte d’origine de 1964). C’est un des grands mérites de Yasser Arafat et du Fatah d’avoir fait prévaloir la ligne de l’autodétermination.

Ce débat entre nationalisme arabe et nationalisme palestinien n’était pas évident à trancher, car au départ, la tactique adoptée a été de faire cause et lutte communes avec la Syrie contre l’immigration sioniste. Dans un passé encore proche, le roi Fayçal, installé en Irak, essayait de mener une stratégie de lutte arabe contre les occupants britannique et français et contre la colonisation juive de la Palestine. Les Palestiniens, dans leur combat contre l’occupant britannique et contre la colonisation sioniste, étaient forcément alliés au mouvement arabe dans lequel ils étaient insérés. Cette lutte et cette pression du mouvement arabe, avec les Palestiniens en première ligne, auraient pu porter leurs fruits sans la survenue de la Seconde Guerre mondiale et le génocide des Juifs.

De 1920 à 1940 la question palestinienne a donc été principalement une question arabe. Et la direction politique du mouvement national palestinien, qui commençait à avoir une dynamique autonome, a été décapitée par la répression britannique au cours de la révolte de 1935 à 1939.

Abou Iyad, grand stratège palestinien et ami de Yasser Arafat avec lequel fut créé le Fatah, s’est interrogé : pourquoi n’a-t-on pas accepté un État palestinien provisoire sur le territoire laissé aux Palestiniens par le plan de partage de 1947 ? Mais, à cette époque, la tête du mouvement national palestinien étant décapitée depuis 1939, seules émergent les rivalités inter-arabes. Le Haut Comité arabe est totalement incapable de définir une ligne de conduite. Alors le mouvement national palestinien va bientôt manifester une adhésion enthousiaste au « nationalisme révolutionnaire arabe anti-impérialiste ».

Suivant la Syrie déjà engagée dans la « révolution arabe antiimpérialiste », en Irak, le général Kassem en 1960, successeur de la monarchie renversée, s’engage dans un grand mouvement pour la création d’une union arabe révolutionnaire anti-impérialiste. Il monte une « armée de libération de la Palestine » (ALP) avec les réfugiés palestiniens volontaires. Il imagine une autonomie politique en Cisjordanie et à Gaza et la constitution d’un gouvernement palestinien. Mais tout ceci, non pas par amour pour la Palestine et les Palestiniens, mais pour contrer Nasser. Pour les Palestiniens, il s’agit alors de se servir des contradictions entre les dirigeants arabes pour tenter de mener à bien leur propre projet de libération.

En 1963, les velléités des dirigeants arabes sont mises en échec avec la chute de Kassem en Irak et avec la Syrie qui ne peut empêcher le détournement des eaux du Jourdain par Israël. Ces échecs successifs, depuis 1949, pèsent beaucoup sur l’évolution de la stratégie du mouvement national palestinien.

Le 11 janvier 1964, Nasser crée son propre mouvement de libération de la Palestine : l’OLP, avec à sa tête un ami, Ahmed Choukeiri. Cela donne la Charte de l’OLP de 1964 qui ne parle pas de souveraineté du peuple palestinien et qui met en avant la grande nation arabe.

De son côté, inspiré par l’expérience du mouvement de libération nationale de l’Algérie, à l’opposé du panarabisme et du projet nassérien, le Fatah considère que la question palestinienne est avant tout un problème palestinien et non pas une affaire des États arabes. Il mène sa première opération armée début 1965. Le Fatah va ainsi s’autonomiser par rapport au mouvement national arabe, mais non sans difficultés. Car la Cisjordanie et Gaza sont alors sous contrôle des États arabes (Jordanie et Égypte).

Le Fatah est exclusivement composé de Palestiniens. Au sein de l’OLP, beaucoup de Palestiniens sont plutôt issus de la bourgeoisie sunnite qui a fait ses études en Égypte et qui se sont retrouvés dans la Gups, Union générale des étudiants palestiniens. Les affrontements entre commandos égypto-palestiniens et l’armée d’Israël mais aussi la répression nassérienne exercée sur le mouvement va conduire cette partie du mouvement national palestinien à chercher à prendre de la distance puis à se trouver en conflit avec le mouvement nassérien. Certains se retrouvent en prison en Égypte ou en exil. Yasser Arafat est parti au Koweït. Il ne faut donc pas confondre le Fatah avec l’OLP ni avec le mouvement national palestinien dans son ensemble. La Fatah a progressivement investi l’OLP et le mouvement national palestinien.

Un tiers des dirigeants du Mouvement national arabe (MNA) de Georges Habache ne sont pas des Palestiniens. Une vision très différente de la stratégie à mener est portée par cette partie pro-nassérienne du MNA (comme Hawatmeh). Tous issus de la même couche sociale (bourgeoisie urbaine), ils veulent l’unité du monde arabe, la grande nation arabe souhaitée par Nasser, et considèrent que les régimes syrien, libanais, irakien et jordanien sont des obstacles à ce projet porteur de la libération de la Palestine. Il s’agit d’une vision idéologique de la nation arabe.

Après la guerre des Six-Jours de 1967, on assistera au recul du nationalisme panarabe au profit du nationalisme palestinien, pour l’indépendance et l’autonomie de décision du peuple palestinien.

Alors se pose une série d’autres questions à résoudre par le mouvement national palestinien : la patrie palestinienne d’accord, mais quelle patrie ? Avec quel type d’État ? Avec quelles étapes ? Par quels moyens y parvenir ? Avec quels rapports avec le « fait israélien » ?

Le mouvement national palestinien commence à répondre en 1968 dans sa charte modifiée et ajustera progressivement sa stratégie.

Une construction progressive

PREMIER ACQUIS : l’option d’un État indépendant et non inféodé aux États arabes en place implique l’option de la lutte armée menée par le seul peuple palestinien, garantie de son droit à l’autodétermination et de sa souveraineté future.

Dans la foulée se pose immédiatement la question : un État d’accord, mais d’abord sur une partie du territoire ou faut-il attendre d’avoir libéré tout le territoire ?

Farouk Khaddoumi, un dirigeant fondateur du Fatah, avance l’idée d’un État même sur une partie seulement du territoire libéré (Cisjordanie-Gaza) en référence au cas du Vietnam (Vietnam Nord puis Vietnam Sud) mais les esprits ne sont pas mûrs et surtout personne ne veut s’affronter avec le régime hachémite sur le devenir de la Cisjordanie.

DEUXIÈME ACQUIS : un État, oui, mais le Fatah prône un État démocratique palestinien.

Qualifier l’État de « démocratique » au lieu « d’arabe » est mal perçu par les dirigeants des États arabes. Cette idée heurte les partisans du nationalisme panarabe, comme les tenants du Baas syrien ou irakien ou encore les pronassériens.

Le Fatah et le FDPLP sont donc dans une ligne de conduite de rupture avec le nationalisme panarabe, pour des motifs différents. Ils se retrouvent pour soutenir la thèse d’un État démocratique, qui pose autant de problèmes qu’elle prétend en résoudre mais a au moins le mérite de mettre au point une théorie nationale propre et surtout distincte de celle du panarabisme.

L’OLP se prononce donc massivement pour :

-  l’autodétermination du peuple palestinien ;
-  une organisation propre de la lutte de libération dirigée par les Palestiniens eux-mêmes ;
-  une autonomie par rapport au projet de grande nation arabe, mais pas totale du fait des sensibilités et contradictions internes au mouvement national palestinien.

Les massacres de Septembre noir en 1970 vont affaiblir et mettre le courant panarabe durablement minoritaire au sein de l’OLP. L’idée de la création d’un État palestinien démocratique révolutionnaire est désormais mise ouvertement en débat. Le mot « révolutionnaire » est dans l’air du temps de nombre de mouvements de libération nationale.

TROISIÈME ACQUIS : l’acceptation de la présence juive en Palestine, vers une perspective internationaliste ?

Sur le devenir des Juifs en Palestine, le mouvement national palestinien est passé successivement par trois phases :

-  les Juifs à la mer (« phase chauvine ») ;
-  leur intégration dans un État démocratique multiconfessionnel ;
-  un État palestinien indépendant avec acceptation de la présence juive et de son rôle avec les mêmes droits et devoirs, d’où la nécessité du dialogue avec les socialistes israéliens et le Rakakh. Parler d’État démocratique conduit donc à admettre la coexistence de confessions multiples (musulmane, juive, chrétienne). Mais alors que faire si une majorité de Juifs refusent leur intégration dans ce futur État démocratique palestinien et revendiquent l’autodétermination ?

Grâce aussi à l’apport du FDPLP, le Fatah va réussir à promouvoir l’acceptation de la présence juive dans la construction de la Palestine future.

Le FDPLP est partisan de la coexistence des religions mais préfère parler du problème à résoudre entre les Arabes et les Juifs en tant que peuples empreints de leur culture respective et donc des Juifs comme identité culturelle et non pas religieuse.

Le FDPLP se réfère aux droits nationaux et culturels du peuple palestinien. Il reconnaît des droits nationaux et culturels au peuple juif d’Israël. D’où la reconnaissance de deux peuples, de deux nationalismes vivant sur un même territoire mais sans droit des juifs à se constituer en État distinct. Telle est la contradiction inhérente à cette reconnaissance du fait juif israélien. Si on reconnaît aux Juifs israéliens le droit de rester en Palestine, d’y disposer des mêmes droits et devoirs que le reste de la population, comment peut-on dans le même temps décider sans eux la structure étatique ? N’y a-t-il pas acceptation alors de l’idée de l’autodétermination des Juifs israéliens ? Le FDPLP inscrit sa réflexion dans le courant léniniste : or, pour Lénine, reconnaître l’existence d’une nation, c’est reconnaître le droit à l’autodétermination, à se constituer en État distinct et indépendant. Pour sortir de cette contradiction, d’autant plus difficile à admettre par des Palestiniens qui ne conçoivent les Juifs que comme appartenant à une religion et non pas à un peuple, le FDPLP entend promouvoir un autre mythe, celui de l’unité socialiste arabe car, pour eux, seul le socialisme permet, par le principe de l’égalité des citoyens de résoudre la question juive  [1]. D’où un dialogue amorcé avec le Matzpen, mouvement socialiste israélien antisioniste d’inspiration trotskiste et avec le Rakakh, parti communiste israélien, puis avec des « sionistes de gauche » de référence socialiste.

En 1969, le Parti communiste jordanien accepte le plan de partage de la Palestine de 1947. Vers 1969-1970, le Parti communiste israélien se rallie à l’application de ce Plan et à la résolution 242 de l’ONU et il se prononce pour la coexistence des deux peuples palestinien et israélien.

Se pose alors la question suivante : peut-on envisager l’instauration d’un pouvoir politique palestinien, comme embryon d’État, sur seulement une partie du territoire d’origine, la partie libérée ? Que faire pour le reste ? N’est-ce pas renoncer au projet initial de libérer toute la Palestine ?

Jusqu’en 1973, le mouvement national palestinien, toutes tendances confondues, s’est refusé à envisager une telle hypothèse. Le mouvement est alors soumis à un ensemble de pressions :

-  pression diplomatique américaine du plan Rogers poussant à une résolution politique du conflit ;
-  pression militaire jordanienne de Septembre noir qui affaiblit considérablement la résistance armée de l’OLP ;
-  initiative des désespérés de Septembre noir qui se lancent dans le terrorisme en vue d’internationaliser le conflit avec les attentats de Munich (aux Jeux olympiques de 1972), les détournements d’avions. Or, ceci aboutit au contraire à l’isolement du mouvement national palestinien de la communauté internationale. D’où la nécessité d’un retour à la politique ;
-  organisation politique de la résistance à l’intérieur des territoires occupés en Cisjordanie ;
-  tentative d’alliance des Palestiniens réfugiés au Liban avec les forces progressistes libanaises.

1973-1974 : le grand tournant

Une autorité nationale sur la partie libérée du territoire palestinien

L’OLP, dont l’état-major s’est replié sur le Liban, finit par admettre la création d’une autorité nationale sur une partie seulement du territoire libéré, mais comme étape intermédiaire de la lutte pour la libération du pays. Le mouvement national palestinien parle alors d’« autorité nationale » pour évier le terme d’État qui signifierait l’acceptation claire et nette du partage de la Palestine rejeté en 1947.

Le FPLP projetait le renversement du régime royal hachémite en Jordanie. La prise de pouvoir aurait permis d’avoir la Jordanie et la Cisjordanie comme base de reconquête de la Palestine. Du fait de l’échec militaire de Septembre 1970, cette perspective n’existe plus. Il faut donc envisager de mettre en place ce pouvoir politique seulement en Cisjordanie et à Gaza, et donc avoir désormais pour premier objectif de libérer les territoires occupés depuis 1967. Outre la force des événements en Jordanie, le FDPLP est le principal artisan de l’évolution des idées à l’intérieur du mouvement national palestinien. Il différencie la réponse à apporter à l’occupation de 1948, qui a provoqué l’expulsion de la société palestinienne et sa dispersion, et celle qu’il faut apporter à l’occupation par Israël des territoires, comme la Cisjordanie en 1967 où la population palestinienne de ces territoires est en grande majorité restée sur place sous un régime d’occupation.

Il convient donc de combattre d’abord là où est regroupée la plus forte population palestinienne, c’est-à-dire en Cisjordanie et à Gaza. C’est une nouvelle rupture dans la stratégie du mouvement national palestinien qui, précédemment, dans ses textes officiels, ne parlait pas de la Cisjordanie ni de Gaza mais des « territoires libérés ou évacués ». Seul le PC palestinien évoquait la Cisjordanie et Gaza comme axe stratégique de reconquête.

L’OLP revendique désormais l’instauration d’une « autorité » nationale sur la partie des territoires occupés qui sera libérée. Il s’inspire de l’expérience de la résistance vietnamienne à l’occupant américain, qui s’est appuyée sur le Vietnam du nord. Mais on ne parle toujours pas d’État.

La voie diplomatique à l’extérieur et la voie politique à l’intérieur

En pleine guerre israélo-arabe de 1973, Yasser Arafat envoie un message à Henry Kissinger (secrétaire d’État = ministre des Affaires étrangères des États-Unis) pour lui exprimer l’accord de l’OLP de participer à des négociations. L’OLP adopte ainsi ouvertement la voie de la diplomatie internationale pour résoudre le conflit. Mais l’option de l’État démocratique palestinien incluant même de manière implicite la disparition de l’État d’Israël n’offre pas suffisamment d’ouverture à une négociation. Il faut donc envisager une étape transitoire ; c’est le programme politique de l’OLP défini lors du douzième Conseil national de juin 1974. Par contre, le mouvement national palestinien est opposé à la logique des négociations qui se déroulent sans lui à la conférence de Genève, mais avec des nuances et hésitations...

Une autre question est soulevée : la montée en puissance du mouvement populaire dans les territoires occupés, en Cisjordanie. Or, le régime jordanien a toujours des visées sur la Cisjordanie dont il entend garder la maîtrise. Alors, faut-il laisser la Cisjordanie sous la coupe de la Jordanie dans l’attente de la libération totale de la Palestine, ou la résistance palestinienne doit-elle en prendre la maîtrise elle-même ? Le Front national palestinien (FNP) veut la souveraineté palestinienne sur la Cisjordanie contre le régime hachémite, si possible par des moyens politiques et diplomatiques, ce qui implique de se rendre à Genève pour obtenir le pouvoir (ce qui ne signifie pas État) sur la Cisjordanie et sur Gaza, et surtout pour obliger Israël à définir ses frontières. Cette position du FDPLP est soutenue par le Fatah et par la Saïka prosyrienne. Cette position doit aussi beaucoup à la prise de position antérieure de Saïd Hammami, représentant de l’OLP à Londres et proche de Yasser Arafat, qui s’est prononcé pour la coexistence des deux peuples et leur reconnaissance mutuelle (article dans le Times à Londres en 1973).

En 1973, Nayef Hawatmeh, le leader du FDPLP, dans une interview à Yediot Aharonoth, le grand quotidien israélien, déclare renoncer à faire de la disparition de l’État d’Israël un préalable à une négociation et il opère une distinction entre gouvernement et peuple israélien et entre sionisme de droite et sionisme de gauche. Sous la pression des critiques internes au mouvement national palestinien, il dira par la suite que ses propos ont été déformés et remettra en question la démarcation entre ceux qui acceptent le droit des Palestiniens à un État et ceux qui le refusent en reprenant la vieille distinction entre sionistes et non-sionistes.

La reconnaissance du fait israélien

Comment s’opère le passage de la reconnaissance théorique du fait israélien à sa reconnaissance pratique ? Comment se développe le dialogue (ne pas confondre avec négociation) entre Palestiniens et Israéliens ?

De 1967 à 1973, le dialogue entre forces politiques s’opère essentiellement d’une part entre les partis communistes israélien, palestinien et jordanien et d’autre part entre le FDPLP et le Matzpen.

Le 11 mai 1973, se tient à Bologne une conférence pour la paix et la justice au Proche-Orient. La délégation du PC palestinien reste bloquée au Liban. La délégation du côté israélien comprend le délégué du PC israélien et un petit groupe sioniste avec Uri Avnery et des personnalités comme Nathan Yalin Mor, un ancien du groupe Stern. Cette conférence débouche sur l’expression de la volonté de dialoguer avec les forces démocratiques en Israël. Or ceci implique la reconnaissance d’une réalité nationale et de dégager des principes d’entente pour aller vers une réalité binationale en Palestine.

En 1974, ,

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L’Orient le Jour | 18 avril 2008

Saleh Al Naami | 18 avril 2008

PCF | 18 avril 2008

Brahim Senouci | 18 avril 2008

17 avril 2008

Jean-Claude Lefort | 17 avril 2008

Mohammed Omer | 17 avril 2008

Adel Zaanoun | 17 avril 2008

17 avril 2008

Reuters, Afp et BBC | 17 avril 2008


L'AFPS
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10 janvier 2009 6 10 /01 /janvier /2009 23:18
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Vers l’État d’Israël

Ben Gourion organise la résistance contre les Anglais et l’occupation militaire du terrain contre les Palestiniens. En 1945-1946, après la révélation du génocide nazi à l’opinion publique européenne et mondiale, la Shoah confère aux yeux de la communauté internationale et notamment des Occidentaux, une priorité absolue aux revendications nationales juives et à la constitution d’un État en Palestine en réparation du massacre subi et comme solution définitive à la question juive.

Le délégué du mouvement national palestinien au sein de la Ligue arabe, qui oriente la stratégie contre le projet d’État juif en Palestine, est le mufti de Jérusalem Haj Amin al Husseini. Or, et c’est dramatique, durant la Seconde Guerre mondiale, celui-ci a cherché à nouer des alliances hasardeuses entre les pays arabes et les puissances de l’Axe contre leur ennemi commun et pour promouvoir le panarabisme. Le projet de partition anglo-américain est finalement adopté par l’Assemblée générale des Nations unies le 29 novembre 1947.

La Palestine se trouve alors doublement déchirée par le conflit, entre les Palestiniens et les sionistes, et par la lutte d’influence interne entre les deux familles, l’une, les Nashashibi, pro-jordanienne, et l’autre, les Husseini, pro-égyptienne. La Ligue arabe se prononce contre la partition de la Palestine, mais chaque membre pour des raisons différentes. L’Égypte et l’Arabie Saoudite, d’un côté, et, de l’autre, la grande Syrie avec l’Irak rêvent d’unifier le monde arabe chacune autour d’elle et convoitent la Palestine et la Jordanie. Cette division du monde arabe, qui traverse le mouvement national palestinien, va donc avoir les plus graves conséquences sur l’avenir du peuple palestinien.

De son côté l’URSS pour des raisons propres se prononce pour l’instauration d’un État juif. Le Parti communiste palestinien se prononce pour l’autodétermination des deux peuples, juif et palestinien. Les Arabes reçoivent cette prise de position comme une trahison.

Le mouvement palestinien refuse le plan de partage de 1947 mais se trouve devant un double problème qu’il va s’avérer longtemps incapable de résoudre :

-  comment prendre en compte la réalité née de la présence de 600 000 colons juifs sur leur territoire ?

-  comment s’organiser pour prendre en charge le territoire attribué à l’État « arabe » ?

Et ce d’autant plus que l’ensemble du territoire de la Palestine mandataire est en réalité habité par des populations palestiniennes et juives réparties autrement que selon ce qui est prévu dans le plan de partage de 1947.

Le conflit devient une affaire israélo-arabe dans la résolution de laquelle le mouvement palestinien se trouve hors jeu. Après l’invasion sioniste et le plan de partage de 1947, la guerre de 1948-1949 entre Israël et la coalition arabe formée par l’Égypte, la Syrie et la Jordanie conforte cette éviction du mouvement national palestinien.

Le 30 septembre 1948, Amin al Husseini réunit une conférence fondatrice du « gouvernement de toute la Palestine » à Gaza qui se prononce pour un gouvernement de la Palestine toute entière reconnu par la Ligue arabe, sauf par la Transjordanie. Gaza, de fait, est sous influence égyptienne.

La même année, le 30 octobre à Amman, en réplique à l’initiative d’Husseini et à l’instigation du roi Abdallah lui-même, se tient un congrès des notables palestiniens de Cisjordanie qui se détermine en faveur de l’instauration d’un royaume hachémite commun réunissant la Transjordanie et la Cisjordanie, sous le règne d’Abdallah.

Le partage du territoire palestinien est finalement opéré entre le nouvel État d’Israël qui en a conquis les trois quarts et les pays arabes qui arrêtent le combat au début 1949 (armistice de Rhodes). En avril 1950, Gaza passe sous administration de l’Égypte, antihachémite. La Cisjordanie est annexée par le régime hachémite de Transjordanie. Ainsi, ce qui n’est pas encore conquis de la Palestine par l’armée israélienne se trouve de fait divisé en deux par les pays arabes. Cette partition géopolitique va peser lourd sur l’avenir du mouvement national palestinien, sur ses orientations internes et ses relations externes avec les pays arabes.

Quant à la population palestinienne, en quelques mois, elle se trouve dispersée, sous forme de diaspora, entre ceux qui restent sur place, notamment en Galilée (environ 165 000) dans le nouvel État d’Israël mais sans nationalité reconnue, ceux qui vivent depuis l’origine dans les territoires de Gaza ou en Cisjordanie et tous les autres qui deviennent des réfugiés soit dans leur propre pays (Gaza et Cisjordanie), soit en exil au Liban (110 000), en Jordanie, en Égypte, en Syrie, en Irak, ou ailleurs. Cette situation rend encore plus difficile la préservation de l’unité du mouvement national palestinien.

Dans la mémoire des Palestiniens, cette période de mise à mort de leurs aspirations nationales prend le nom de « nakba » (catastrophe).

La deuxième phase de développement du mouvement national palestinien (1948-1977)

Un double combat, contre l’occupant israélien, contre les visées hégémoniques des États arabes (1948-1967)

Dans ce contexte de dispersion et d’exode de la population et de division politique, la résistance renaît en différents points : à Gaza parmi les réfugiés, à l’extérieur du territoire et en Israël même.

En 1955-56, manifestations de la résistance palestinienne : commandos à Gaza contre l’armée israélienne qui a investi la bande de Gaza. Yasser Arafat participe à ces premiers commandos.

Décembre 1956 : Yasser Arafat et son ami Salah Khalaf fondent le mouvement de libération de la Palestine qui va devenir le Fatah (conquête) en 1959 au Koweït. Il s’agit de se démarquer de l’emprise égyptienne et de promouvoir l’autonomie de la résistance palestinienne par rapport au monde arabe. Son but : la lutte armée pour abolir le sionisme en Palestine dans toutes ses institutions, menée de manière autonome pour préserver l’indépendance du mouvement national palestinien de l’influence des États arabes.

Parallèlement, à la fin des années 1950, à l’université de Beyrouth, Georges Habache fonde un autre mouvement de libération de la Palestine : le Mouvement nationaliste arabe - MNA. Son but : libérer la Palestine par l’union nationale arabe. Georges Habache se voit attribuer le commandement régional du mouvement national arabe pour la Palestine en 1964. Il fondera en Jordanie en 1967 le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) plus en prise avec le mouvement national panarabe et qui se ralliera au marxisme-léninisme. En 1974, il sera l’animateur du Front du refus (contre tout compromis avec Israël).

En janvier 1964, est fondée l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), à l’initiative de Nasser. Ce dernier annonce la reconnaissance de l’OLP comme représentative de la résistance arabe en Palestine au sommet de la Ligue arabe qui lui reconnaît un statut d’observateur en son sein. Nasser fait nommer à la tête de l’OLP un de ses proches, le Palestinien Ahmed Choukeiry. L’OLP doit assurer le commandement unifié du combat arabe en Palestine.

Le 28 mai 1964, se tient le premier Conseil national palestinien qui tient également lieu de congrès constitutif de l’OLP. C’est le point de départ d’une unification du mouvement de résistance, marqué par des tensions entre les États arabes.

Déjà les divergences se manifestent entre la Syrie, l’Irak, la Jordanie et l’Égypte, chacun cherchant à instrumentaliser et donc à contrôler l’OLP et le mouvement de résistance qu’il incarne, pour ses propres intérêts dans la région :

-  la Syrie crée son propre mouvement de résistance, la Saïqa ;
-  l’Égypte tente de garder le contrôle de l’OLP ;
-  la Jordanie va contrer la montée en puissance de l’OLP avec le roi Hussein en 1970 ;
-  l’Irak va tenter de créer une armée de volontaires pour la libération de la Palestine (Armée de libération de la Palestine ALP).

Dès lors, le mouvement national palestinien va devoir mener un double combat : contre l’occupant israélien et contre les visées respectives des États arabes.

Toutes les prises de position et tentatives visant à promouvoir l’unité du mouvement national palestinien et de sa résistance à l’occupant israélien vont être en butte et donc en contradiction avec les partisans de la « Nation arabe » (le panarabisme) qu’ils soient nassériens (Égypte) ou baasistes (Syrie et Irak).

De surcroît, au sein du mouvement national palestinien, le combat à mener pour la libération de la Palestine est considéré par les uns comme une contribution à la création de la grande nation arabe (panarabisme nassérien ou syrien) et par d’autres comme visant à conquérir l’indépendance par la création d’un nouvel État arabe (la Palestine), ce qui est perçu par certains dirigeants arabes comme un élément de fragmentation de la nation arabe. D’ailleurs, le premier résistant palestinien du Fatah mort au combat est tué par un soldat jordanien.

Longtemps le débat va porter sur le point de savoir si la libération de la Palestine sera le résultat de l’unification des États arabes dans la grande nation ou si elle devra en être le préalable. En réalité, les événements ont mis fin au rêve du panarabisme incarné par Nasser. Le mouvement national palestinien va devenir autonome au fur et à mesure de ses combats contre l’occupant.

En 1965, le Fatah soutient que « l’unification de la nation arabe passe désormais par la libération de la patrie palestinienne occupée ».

La guerre israélo-arabe des Six-Jours en 1967 enraye ces premières manifestations de résistance des années 1950 et va être la fin du rêve panarabe incarné par Nasser. En même temps, elle va être l’occasion de l’affirmation du mouvement national palestinien comme acteur autonome face à Israël et de la véritable renaissance du mouvement national palestinien qui sera à nouveau brisé en 1970 (« Septembre noir »). Choukeiry, l’homme fort de Nasser, est éliminé de la tête de l’OLP.

L’autonomie du mouvement national palestinien (1968) et l’échec militaire

Lors du quatrième Conseil national palestinien, est adoptée la charte nationale de 1968 de l’OLP. Ses auteurs manifestent la volonté d’autonomiser le mouvement palestinien et de le soustraire à l’influence de l’Égypte de Nasser. Elle affirme que la Palestine est une patrie du peuple arabe. En cela elle se distingue de la charte de 1964 qui évoquait seulement la nation arabe.

Le 1er janvier 1969, Yasser Arafat prend la direction du comité exécutif de l’OLP lors du cinquième Conseil national palestinien. Le programme de l’OLP se distingue des options prises en 1964 sur un point essentiel. Il parle pour la première fois d’un État palestinien (création à laquelle s’opposaient les États arabes).

En 1969, Nayef Hawatmeh fait scission du FPLP pour créer le Front démocratique palestinien de libération de la Palestine (FDPLP). S’inspirant de l’exemple de la résistance vietnamienne à l’occupant américain, il prône la guerre révolutionnaire de longue durée. En outre, à la différence du Fatah, il évoque le devenir des Juifs comme des Arabes en mettant l’accent sur le développement de leur culture nationale respective. Il considère les Juifs moins comme une communauté confessionnelle que plutôt comme ayant une culture nationale propre. Le FDPLP se transformera en FDLP en 1974.

En mai 1970, l’OLP resserre les rangs (Fatah, FDPLP, FPLP...) au sein du mouvement national palestinien, autour d’une plate-forme minimale.

Alors que Georges Habache tentait d’imposer un double pouvoir en Jordanie, en septembre 1970, ce sont les massacres (« Septembre noir ») des dirigeants et militants de l’OLP en Jordanie, par l’armée jordanienne, pour réduire leur influence sur la vie politique dans le royaume hachémite. C’est un événement très grave qui brise la dynamique du mouvement national palestinien et remet en cause sa stratégie de lutte contre Israël.

La période 1970-1971 marque l’échec militaire du mouvement palestinien. En 1973, la « guerre du Kippour » ou « guerre d’octobre », est suivie d’une demie victoire de la Syrie et de l’Égypte contre Israël, qui ne doit d’éviter la défaite que par l’intervention d’un pont militaire aérien américain.

Chassé de la Jordanie, l’état-major de l’OLP se replie sur le Liban. Les Palestiniens vont alors tisser des liens étroits avec les forces progressistes libanaises à l’encontre des intérêts syriens. Or cette alliance vise quel but :

-  la libération de la Palestine ?
-  ou la primauté de l’unité de la nation arabe dont ils s’estiment être le fer de lance ?

L’OLP doit donc affronter une nouvelle fois comme adversaires à la fois Israël et les intérêts propres des pays arabes sur le terrain des nationalismes, la Syrie souhaitant garder le contrôle du Liban. Face au nationalisme sioniste, quelle union nationale arabe promouvoir ? Le mouvement national palestinien est traversé par l’absence de stratégie commune des États arabes et par les dissensions du mouvement arabe sur la question du panarabisme. Cette situation lui complique la tâche pour définir des objectifs, une stratégie cohérente et des moyens d’action appropriés. Au combat contre le sionisme se superpose le combat contre l’unionisme arabe ou panarabisme.

Au cours de cette période, se développe un mouvement de résistance palestinienne en Cisjordanie qui va infléchir, à terme, les orientations politiques du mouvement national palestinien.

Vers le tournant stratégique

De 1971 à 1974, le mouvement national palestinien doit résoudre une double question :

-  un État palestinien sur tout ou seulement une partie du territoire d’origine ?

-  un État palestinien, mais quel type d’État ? Laïque ou confessionnel ? Démocratique ?

Le débat prend une dimension décisive après la guerre d’octobre 1973 : l’Égypte reconnaît avoir perdu la confrontation historique avec Israël, que les Arabes avaient commis l’erreur de considérer comme un accident transitoire.

Sous la triple impulsion du Fatah, du FDLP et des Palestiniens des territoires occupés (regroupés dans le Front national palestinien, FNP), l’OLP définit sa stratégie au douzième Conseil national palestinien, le 9 juin 1974 au Caire. Dans un programme en dix points, une double option est adoptée :

-  l’établissement d’une « autorité nationale indépendante » sur une partie seulement des territoires d’origine (c’est une première dans la pensée du mouvement national palestinien). Sont mis au premier plan Gaza et la Cisjordanie, après l’évacuation des troupes israéliennes et des colons ;

-  cet État devra être laïque et démocratique. L’OLP abandonne son utopie d’un État palestinien laïque et démocratique sur l’ensemble de la Palestine mandataire et doit du même coup faire admettre dans ses rangs cette solution de compromis.

Quelques semaines plus tard, sous l’impulsion de Georges Habache se crée le Front du refus.

En octobre 1974, l’OLP est reconnue par le sommet arabe de Rabat comme « le seul représentant du peuple palestinien ». Le 13 novembre 1974, pour la première fois, Yasser Arafat est reçu à l’Organisation des nations unies, signe précurseur du développement de l’option diplomatique. L’ONU reconnaît le droit du peuple palestinien à l’autodétermination.

Or, sans attendre que l’OLP historique, représentant plutôt les exilés et réfugiés, ait mis en oeuvre sa stratégie définie en congrès, à Gaza et en Cisjordanie la résistance s’organise et se développe à l’instigation des communistes et des nationalistes du FPLP, de la gauche démocratique (le FDLP) et du Fatah. Ce « front national palestinien des territoires occupés », créé en août 1973, reconnaît l’OLP comme seul représentant légitime du peuple palestinien mais se prononce contre la ligne politique dite « théorique » de l’OLP et pour une politique de résistance populaire non armée dans les territoires occupés, avec deux fronts sur le terrain :

-  en Cisjordanie, contre le roi Hussein de Jordanie ;
-  un deuxième front à Gaza, le front national unifié, pour résister à l’influence de l’Égypte.

Il faut alors unifier ces différents mouvements de résistance, d’où l’intégration, au sein du comité exécutif de l’OLP, des animateurs du mouvement de résistance en Cisjordanie (essentiellement des éléments du PC jordano-palestinien). L’OLP ainsi « unifiée » en Cisjordanie boycotte les élections municipales de 1972 puis gagne celles de 1976, contre les Palestinien pro-jordaniens.

En 1977, le Rakakh (PC israélien) se rapproche du Parti communiste palestinien et se prononce en faveur de la reconnaissance de l’OLP comme représentative du peuple palestinien, lors d’une rencontre à Prague.

Un autre élément va infléchir la stratégie du mouvement national palestinien : la manifestation pour la terre. Le 30 mars 1976, les Palestiniens de l’intérieur (vivant en Israël) organisent une manifestation sous la forme d’une journée de protestation pour défendre leurs terres et dénoncer les expropriations. Ce mouvement, violemment réprimé (six tués), sera relayé par la suite en Cisjordanie et démontre l’indéracinable attachement du peuple palestinien à sa terre. Alors que son état-major est composé pour l’essentiel de dirigeants issus de la population des réfugiés à l’extérieur du pays, l’OLP est ainsi forcée de prendre en compte ce mouvement de résistance plus politique et ceux qui le mènent, les Palestiniens de l’intérieur, dans sa stratégie de mobilisation et d’action.

En mars 1977, le treizième Conseil national palestinien au Caire se prononce sur les points suivants :

-  priorité à la résistance dans les Territoires occupés ;
-  exercice du pouvoir sur la partie des territoires d’origine qui pourra être libérée ;
-  exigence d’une conférence internationale pour le règlement du conflit ;
-  développement des relations entre Palestiniens et les forces démocratiques et progressistes israéliennes ou juives dans la perspective de coexistence de deux États.

L’essentiel est le paragraphe 11 : « Le Conseil décide de poursuivre la lutte pour récupérer les droits nationaux de notre peuple, et avant tout le droit au retour, à exercer son droit à l’autodétermination et à établir son État national indépendant sur sa propre terre. » C’était une acceptation pure et simple du partage.

La stratégie du mouvement national palestinien est désormais tracée. Son cadre s’appuie sur les décisions du douzième Conseil de juin 1974 et du treizième en mars 1977. Son aboutissement sera la déclaration de novembre 1988 au Conseil national d’Alger avec la proclamation nominale de l’État de Palestine qui prend acte de l’existence d’Israël désormais reconnu de facto.

LES PROBLÈMES STRATÉGIQUES DU MOUVEMENT NATIONAL PALESTINIEN

Les caractéristiques essentielles du mouvement national palestinien de 1913 à 1977

Dès sa création et au cours de son évolution, le mouvement national palestinien est marqué par les caractéristiques suivantes :

-  Il se situe dans le cadre du mouvement national panarabe (l’aspiration à la grande nation arabe), mais avec une expression originale centrée sur la Palestine, très tôt dans son histoire, au début du XXe siècle avec des expressions de journalistes et d’intellectuels se référant à la Palestine comme entité distincte.

-  Le mouvement national palestinien a plus souvent réagi par rapport à une réalité imposée de l’extérieur, qu’il n’a agi (car il n’a guère pris l’initiative et en a encore moins eu la possibilité), que ce soit la politique de l’Empire ottoman par rapport aux vagues d’immigration sioniste, le jeu des puissances mandataires et la naissance d’Israël, la stratégie des États arabes. S’agissant de ces derniers, le mouvement national palestinien a été confronté à deux types d’États : les États arabes constitués de longue date comme l’Égypte qui avaient leur histoire et leur propre stratégie et les nouveaux États arabes en construction comme la Syrie et le Liban qui avaient leurs problèmes à résoudre.

-  Les Palestiniens ont été instrumentalisés par les États arabes (Égypte, Jordanie, Syrie, Irak...) aux profit des seuls intérêts de ces derniers.

-  Le mouvement national palestinien est hétérogène, traversé par de multiples courants facteurs de diversité mais aussi de tensions internes. Au début du XXe siècle, il serait plus juste de parler des identités palestiniennes, reflétant plus les affiliations locales, régionales et religieuses qu’une seule identité nationale, selon l’avis même de l’historien palestinien Issam Nassar. C’est d’ailleurs le cas de nombreuses nations qui se sont constituées et se sont dotées d’un État. En face des Palestiniens, on peut aussi légitimement parler des identités juives et israéliennes, loin de former un tout homogène.

Les constantes dans les problèmes à résoudre

Ce qui caractérise la question palestinienne, c’est la persistance de problèmes récurrents :

-  le combat contre la colonisation et pour la préservation de sa terre ;
-  la démographie ;
-  les réfugiés ;
-  quel type de souveraineté, de pouvoir, pour quel(s) État(s) ?
-  quelle légitimité internationale (cf. les résolutions de l’ONU) ?
-  quelle autonomie par rapport au mouvement panarabe ?

Rien n’est encore réglé après un siècle d’histoire. Les problèmes essentiels subsistent même quand ils sont posés en de nouveaux termes. Exemple : le combat contre la dépossession de la terre, dont la construction du Mur et la procédure engagée devant la Cour internationale de justice ne sont que la plus récente expression du même problème depuis l’origine de la colonisation sioniste. Ces sujets n’ont jusqu’à présent jamais été définitivement réglés, ni par les deux protagonistes, le mouvement national palestinien et Israël, ni par la communauté internationale. Même la légitimité reconnue aux revendications des Palestiniens par le droit international, par les résolutions de l’ONU et par les accords directs avec Israël n’a encore réglé de manière définitive une seule de ces questions. Ceci explique à lui seul le caractère laborieux du processus de formation du mouvement national palestinien et de la maturation de sa stratégie.

Le laborieux processus de formation du mouvement national palestinien et de l’élaboration de sa stratégie

Il subsiste un singulier contraste entre :

-  la revendication simple dont le mouvement national palestinien est porteur : sauvegarder le territoire qu’il considère comme le sien pour instaurer un État souverain ;
-  et des cadres d’action et de prise de position complexes. La question posée au mouvement national palestinien est de savoir comment passer de la révolte spontanée, de la colère, de l’indignation devant l’injustice subie à une résistance organisée, fondée sur une seule ligne stratégique ?

La révolte, souvent spontanée, a toujours été le soubassement du mouvement national palestinien. Encore était-il nécessaire de lui fournir un cadre d’action, parfois derrière les chefs traditionnels (les deux grandes familles), des formes de représentation pour fixer les orientations du mouvement national palestinien, d’élaborer une stratégie et se doter d’une organisation permanente pour sa mise en oeuvre.

De leur côté, le FPLP et le FDPLP prétendaient participer à l’avant-garde du mouvement révolutionnaire mondial qui, avec le recul du temps, apparaît comme ayant été un mythe.

Le processus de maturation du mouvement national palestinien a été long, parsemé d’hésitations, d’erreurs, d’impasses, de souffrances et d’autocritiques. Fondé par des exilés représentant plutôt la population des réfugiés, il véhiculait le mythe de la révolution (FPLP et FDPLP), le peuple palestinien participant à l’avant-garde de la révolution mondiale. Confronté au mouvement des nationalismes,

il a forgé laborieusement sa dynamique politique et sa rencontre avec le mouvement social interne à la population palestinienne en Cisjordanie occupée dans les années 1970 (au sein des élites politiques rurales et urbaines). La confrontation des mythes (révolution, nation arabe) avec la réalité fut une douloureuse mais indispensable épreuve pour le mouvement national palestinien.

Le mouvement national palestinien a été tiraillé entre deux démarches opposées : l’utopie, notamment du retour de tous sur la Palestine dans ses limites territoriales antérieures à 1947, et le réalisme. Or, un mouvement de ce type a besoin des deux, mais de manière raisonnée et équilibrée. De plus, le mouvement national palestinien est riche d’un grand nombre d’intellectuels. Ceux-ci ont été à l’école de la diaspora, de l’UNRWA, des universités des pays étrangers. Deux revendications ont dominé les débats du mouvement national palestinien au long de son histoire : la préservation de sa terre et la souveraineté.

Les principaux problèmes à résoudre

Dès 1948, le mouvement national palestinien a été confronté 

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10 janvier 2009 6 10 /01 /janvier /2009 23:18
Le débat stratégique palestinien

Bernard Ravenel
 

Sommaire :

Mise en perspective historique
Les racines historiques de la Palestine
Le double front du mouvement national palestinien
Vers l’État d’Israël
Un double combat, contre l’occupant israélien, contre les visées hégémoniques des États arabes (1948-67)
L’autonomie du mouvement national palestinien (1968) et l’échec militaire
Vers le tournant stratégique

Les problèmes stratégiques du mouvement national palestinien
Les caractéristiques essentielles
Les principaux problèmes à résoudre
Quelle stratégie possible ?
Une construction progressive
1973-1974 : le grand tournant

Ce cahier est la réécriture d’un exposé présenté à l’« Université d’été » de l’AFPS organisée au cours de l’été 2004. L’objet est de faire mieux comprendre les problèmes spécifiques auxquels a été confronté le peuple palestinien pour faire valoir ses droits. Une histoire terrible. Il s’agit en particulier de mieux comprendre pourquoi le plus légitime des mouvements de libération, représentant un peuple privé de l’essentiel de son territoire pour réparer des fautes qui ne sont pas les siennes, et dont on a toujours tenté de miner la représentativité, a conservé le plein appui de son peuple. Il n’y a jamais eu de Pétain dans les territoires occupés. Il s’agit enfin de voir comment le mouvement national a été amené à prendre en compte la réalité de son ennemi usurpateur : Israël, vrai problème non réso- lu de la conscience européenne. Bien entendu, personne n’imagine pouvoir rouvrir la dispute sur l’existence de l’État d’Israël... C’est une réalité historique dont les origines ont été marquées de trop d’effusions de sang pour pouvoir imaginer les remettre en discussion. Il faut trouver un modus vivendi qui aille dans le sens d’une « coexis- tence égalitaire des ethnies » (Maxime Robinson). C’est ce qu’a proposé, avec quel éclat, le célèbre Conseil national palestinien d’Alger de novembre 1988. Cet itinéraire, exceptionnel pour un mouvement de libération, mérite d’être connu et compris par toute l’opinion européenne dont la conscience devrait être davantage interpellée par l’interminable souffrance palestinienne devrait secouer la conscience européenne.

Bibliographie de base

-  Bichara et Naïm Khader : Textes de la révolution palestinienne 1968-1974, Paris, Sindbad, 1975.

-  Olivier Carré : L’idéologie palestinienne de résistance, Paris, Fondation nationale des Sciences politiques, 1972.

-  Olivier Carré : Le Mouvement national palestinien, Paris, Gallimard-Julliard, coll. Archives, 1977.

-  Alain Gresh : Histoire et stratégies. Vers l’État palestinien. Préface de Maxime Rodinson, Paris, SPAG-Papyrus, 1983.

-  Uri Avnery : Mon frère l’ennemi. Un Israélien dialogue avec les Palestiniens, Paris, Liana Levi, 1986.

-  Nadine Picaudou : Le Mouvement national palestinien. Préface de Maxime Rodinson, Paris, L’Harmattan, 1989.

Les textes de référence cités dans l’exposé, mais aussi des cartes, peuvent être consultés sur le site de l’Association France Palestine Solidarité :

-  Mémorandum du premier congrès des associations islamochrétiennes.
-  Le mandat britannique, juillet 1922 .
-  Le Livre blanc, mai 1939.
-  Résolution 181 sur le partage .
-  Charte nationale palestinienne, 1964 .
-  Charte nationale palestinienne, 1968.
-  Programme politique du douzième Conseil national palestinien, juin 1974.
-  Sommet arabe de Rabat, octobre 1974 .
-  Déclaration du Conseil national palestinienne, 15 novembre 1988 :.

Quand on étudie avec un minimum de prospective historique la question qui a longtemps été appelée « conflit arabo-israélien » mais qui, avec le temps, a pris toujours plus les contours d’une confrontation pour la terre de Palestine entre Arabes ou Palestiniens d’un côté, et Juifs ou sionistes ou Israéliens de l’autre, il est impressionnant de constater combien les constantes sont bien plus nombreuses que les variables.

Une question qui dure depuis plus d’un siècle et qui, dans beaucoup de ses composantes, semble toujours arrêtée à la case zéro. Il en est ainsi pour les données matérielles sur le terrain - les colonies, la démographie, la possession de la terre et de l’eau - et pour les aspects institutionnels de la souveraineté et du pouvoir.

Mais avec le temps, même la dimension plus spécifiquement idéologique - quel État, quelle nation, quels droits ? - reste encore incertaine et objet de passions presque intactes...

Enfin, y compris le problème de la légitimité qui semblait résolu par des actes officiels, comme les résolutions des organismes internationaux - d’abord la SDN et ensuite l’ONU - ou par des accords directs ou par médiation entre les parties, est toujours lourdement présent dans les consciences, interférant sur le jeu de la diplomatie. D’où la nécessité d’une approche historique permettant de mesurer l’évolution, en particulier en matière de stratégie, du principal intéressé, le mouvement national palestinien.

Ce mouvement s’est développé dans un contexte spécifique qu’il faut examiner pour comprendre sa singularité. Il est d’autant plus important de restituer l’histoire de cet acteur politique qu’est le mouvement national palestinien que lui, comme son histoire, ont été longtemps niés. Son histoire a été déformée, combattue et calomniée, ce qui la rend d’autant moins accessible et plus difficile à comprendre.

D’ailleurs, encore en 1988, au début de la première Intifada, Shimon Pérès, alors ministre des Affaires étrangères, déniait l’existence du mouvement national palestinien en déclarant que « l’idée selon laquelle il y a un conflit entre Israël et le peuple palestinien est une invention récente et l’agitation actuelle n’est qu’une phase additionnelle de la lutte arabe contre Israël. »

De plus et comme de tous temps, ce sont les vainqueurs qui ont écrit l’histoire de la région du Proche-Orient. Les Palestiniens eux- mêmes éprouvent des difficultés et rencontrent des obstacles pour écrire leur propre histoire et la faire connaître.

Or la Palestine a bien des racines et une histoire propre qui ont donné naissance à un véritable sentiment national, caractéristique de tout peuple qui veut se constituer en nation. Et l’émergence du sentiment national, cette reconnaissance d’une identité nationale, sont antérieures à la colonisation sioniste, même si l’affirmation de leur existence ne relève pas d’une totale évidence. Dans l’histoire vue par les Arabes, le mouvement palestinien est expliqué d’une curieuse façon. Même les manuels d’histoire diffusés en Palestine ne sont pas au clair avec le sujet.

MISE EN PERSPECTIVE HISTORIQUE

Les racines historiques de la Palestine

Au VIIe siècle, au moment de la conquête arabe, la Palestine, partie du pays de Syrie, est une division administrative de l’empire byzantin. Le pays de Filastine est une transcription de la Palaestina romaine pour désigner une région de l’une des provinces de l’empire romain. Entité propre, elle recouvre le sud de l’ancienne Syrie auquel il convient d’ajouter la région située de part et d’autre du Jourdain.

On peut même remonter beaucoup plus loin dans l’histoire pour caractériser l’existence de cette entité, avec la présence avérée des Philistins sur ces territoires il y a plus de trois mille ans, sans aller jusqu’à se référer au mythe selon lequel les Philistins seraient eux- mêmes les descendants de Sem, lui même fils de Noé.

À partir de 1516, les Turcs constituent l’Empire ottoman qui va durer quatre siècles, jusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale et soumettent la Palestine. Celle-ci fait alors partie de la « province de Damas » elle-même divisée administrativement en trois vilayets (qui équivalaient à peu près à des départements dotés d’un préfet) et deux sandjaks (équivalent à une sous-préfecture). À l’intérieur de la province de Damas, la Palestine recouvre la vilayet de Beyrouth et le sandjak de Jérusalem.

Les habitants de cette région sont reconnus comme des Palestiniens à dominante arabophone et musulmane. Il s’agit d’un peuplement ancien, probablement de sangs mêlés notamment avec les familles juives, peu modifié dans sa composition et sa culture par les flux migratoires restés faibles durant la domination ottomane de ces quatre siècles.

Le sentiment palestinien s’exprime dans la continuité du mode de vivre et de la culture transmis entre générations et chanté et écrit par Mahmoud Darwish. Au-delà de ce sentiment, et qui le distingue déjà de ses voisins, c’est l’attachement à « son pays » composé de la Galilée, de Jérusalem et du littoral, plus précisément :

-  son fort enracinement à sa terre, avec un sentiment profond d’appartenance à une région, à un « pays » (au sens où nous l’entendons à l’intérieur de nos régions françaises à dominante rurale), porteurs d’une solidarité de proximité. À ne pas confondre avec l’appartenance à une nation, concept européen exporté ultérieurement au Proche-Orient ;
-  une appartenance à une loyauté nationale à l’intérieur de la communauté musulmane incarnée par Istanbul, siège du sultan (le nationalisme ottoman avec sa composante religieuse dominante) d’où une fraternité à dimension religieuse.

Au XIXe siècle, on observe une montée des nationalismes au sein de l’Empire ottoman, y compris du nationalisme turc, similaire à celle qui se produit en Europe (naissance de l’Allemagne et de l’Italie...). Le nationalisme turc entraîne, par réaction, le développement de nationalismes locaux dans les provinces de l’Empire ottoman. Le concept d’État-nation, avec une identité culturelle, un peuple-un et une langue, s’impose progressivement.

De la naissance du mouvement national palestinien à la diaspora palestinienne de 1948

Le double front du mouvement national palestinien

Contre la colonisation juive

Dans cette région de l’Empire ottoman, se développe une conscience nationale arabe avec comme centre stratégique la Syrie (le grenier à blé de la région) et la Palestine. Le congrès arabe de juin 1913 à Paris marque la naissance officielle du « réveil arabe », nationalisme marqué par un attachement à sa terre et au désir profond de se sentir chez soi. Pour la Palestine, se regrouper en tant que nation arabe prend une signification particulière : il ne s’agit pas seulement de se sentir chez soi mais aussi de ne pas laisser s’échapper cette terre face à la pression croissante des immigrants juifs.

En effet, cette naissance politique du nationalisme arabe dans la région a été précédée de réactions des représentants de la population locale contre les afflux d’immigrants juifs et leur comportement non respectueux de la population locale (accaparement des terres, éviction de leurs exploitants palestiniens...). Ainsi un groupe de notables de Jérusalem envoie-t-il un télégramme dès 1891 pour alerter le sultan, le pouvoir central ottoman, sur le comportement des immigrants juifs russes. Le sultan cherche à limiter cette immigration. Il accepte de nouveaux migrants à la double condition qu’ils deviennent citoyens de l’empire (qu’ils se fondent dans la population locale et renoncent à toute prétention à la création d’un État propre) et qu’ils paient leurs impôts. Dès cette époque commence pour la population palestinienne un combat sur deux fronts :

-  lutte contre l’accaparement des terres par des colons juifs et pour freiner cet afflux susceptible de bouleverser la démographie de la région ;
-  double front puisqu’il faut lutter à la fois contre le colonisateur sioniste et contre les fonctionnaires corrompus du pouvoir central ottoman qui laissent faire cette situation.

Des modifications de la loi ottomane sur la propriété foncière, intervenues en 1867 et en 1869, facilitent l’appropriation de la terre par des étrangers et donc l’implantation des colons juifs au détriment de la population locale, qu’elle soit propriétaire ou simplement ouvrière agricole (expulsion des fellahs des terres qu’ils travaillent au profit du travail réservé aux seuls juifs).

En 1911, se crée le Parti national ottoman (qui regroupe des Palestiniens, mais est dénommé ainsi pour ne pas froisser le sultan). Il a pour programme la lutte contre l’immigration juive, contre les ventes de terres et pour l’égalité de traitement en matière d’impôts, les colons juifs bénéficiant déjà d’exonérations fiscales.

En 1913, la Palestine se trouve donc au centre de l’émergence du nationalisme arabe et à la pointe du combat, car la population palestinienne est directement atteinte et menacée par la colonisation juive alimentée par des immigrants de l’Europe de l’Est et animée par le sionisme politique.

Dans ce contexte déstabilisant pour la région, survient la Première Guerre mondiale. Cette guerre, par le jeu des alliances entre grandes puissances va provoquer une série de bouleversements au Proche-Orient.

La Grande-Bretagne veut investir la région pour étendre son propre empire et protéger la route des Indes. Elle soutient le chérif de la Mecque (Hussein) dans sa quête de création de la future nation arabe avec la promesse de l’instauration d’un royaume arabe indépendant selon des frontières communément admises mais non explicitées de manière précise, pour accélérer la décomposition de l’Empire ottoman. Les Arabes considèrent d’abord la Grande- Bretagne comme un allié qui doit leur faciliter la conquête de leur indépendance par rapport au joug de l’Empire ottoman.

D’un autre côté, la même Grande-Bretagne passe un accord secret en 1916 avec la France « l’accord Sykes-Picot » aux termes duquel les deux puissances se partagent « l’influence » sur la région, le sandjak de Jérusalem devant avoir un statut international.

Toujours la même Grande-Bretagne soutient la prétention du mouvement sioniste à s’implanter durablement dans la région par l’instauration d’un foyer national juif (cf. la déclaration du 2 novembre 1917 de Lord Balfour).

La Palestine va donc connaître deux poussées nationales opposées l’une à l’autre qui se heurtent irrémédiablement dès 1918. En 1919, des notables palestiniens musulmans et chrétiens adressent une pétition commune à la conférence de la paix après la Première Guerre mondiale. Cette pétition est la reprise du mémorandum du congrès des associations islamo-chrétiennes qui s’était tenu à Jérusalem en janvier. Le premier paragraphe de cette pétition se prononce contre la déclaration Balfour et le risque qu’elle représente d’une installation d’un foyer national juif en Palestine. C’est la première manifestation collective structurée du mouvement national palestinien qui associe deux confessions : chrétiens et musulmans.

C’est dans ce contexte que se réunit en juillet 1919, le congrès national syrien, à Damas, qui vote un programme tendant à l’indépendance de la nation arabe unifiée, constituée en État. Cette nation devra recouvrir les territoires actuels de la Syrie, du Liban, de la Jordanie, de la Cisjordanie, de la bande de Gaza et d’Israël. Une délégation palestinienne participe telle quelle à ce congrès, preuve de l’existence d’un mouvement national palestinien et de la spécificité de sa position. Mais la Syrie, par la voix de son dirigeant de l’époque tente déjà d’unifier les « pays de la région » en une nation et un État arabe sous son égide. C’est le projet de la Grande Syrie. Le congrès suivant en mars 1920, proclame Fayçal, roi d’un royaume constitutionnel arabe.

Fayçal, fils de Hussein le grand chef religieux de la Mecque, se considère depuis octobre 1918, après la promesse anglaise de soutien d’un royaume arabe, comme le chef d’une Syrie indépendante, bien que sous mandat français. Il se montre plutôt magnanime à l’accueil d’immigrants juifs mais ne veut pas (et pas plus que le sultan ottoman avant lui) d’un État juif. Par sa position, il introduit déjà la confusion dans la manière de régler le problème, puisqu’au lieu d’envisager les choses sous l’angle d’une Palestine arabe autonome, il se substitue au mouvement palestinien naissant pour projeter une « union arabe syrienne » qui intégrerait les migrants juifs avec tout leur apport pour l’économie de la région.

En avril 1920, à la conférence de San Remo, est officialisé et avalisé le partage franco-britannique de 1916 de l’ensemble arabe, désormais sous régime mandataire instauré par la Société des Nations. À la France, le Liban et la Syrie et aux Britanniques la Palestine et l’Irak. Les troupes françaises arrivent à Damas, les troupes britanniques à Jérusalem. La Grande-Bretagne ne respecte donc pas les délimitations de l’entité palestinienne puisqu’ils la divisent en deux, de part et d’autre du Jourdain, d’un côté la Palestine (à l’ouest du Jourdain - West Bank ou Cisjordanie) et de l’autre côté la Transjordanie (à l’est du Jourdain). Les Britanniques, qui dirigent de fait la région, confient la régence de la Transjordanie à Abdallah, le fils de Fayçal, promu émir de Transjordanie, après avoir évincé, de conserve avec les Français, l’émir Fayçal de Damas et l’avoir nommé roi de Bagdad.

Par contre, la Palestine désormais circonscrite à l’ouest du Jourdain n’a ni émir, ni roi et est soumise directement à l’administration britannique et non pas arabe comme promis par les Britanniques eux-mêmes qui nomment un haut-commissaire.

En 1922, la Société des nations reformule le mandat attribué à la Grande-Bretagne sur la Palestine en 1920, en introduisant la déclaration Balfour et en n’envisageant plus la perspective pour la communauté palestinienne arabe d’une nation indépendante, contrairement à l’esprit du paragraphe 4 de l’article 22 de la charte de la SDN adoptée en 1919. De fait la Palestine va se trouver ainsi sous administration britannique et non pas arabe : les Palestiniens s’estiment floués.

Contre l’occupation britannique

Dès 1922, le conflit colonial est désormais noué avec un mouvement palestinien de résistance contre l’occupant britannique et la colonisation juive. La résistance va s’amplifier et déboucher sur une révolte générale de 1936 à 1939, encouragée par un fort courant d’indépendance chez les peuples arabes.

Mais cette résistance doit se battre sur les deux fronts : l’occupant britannique et les vagues d’immigration sioniste porteuses de visées nationales et étatiques sur la région. Le conflit est bien perçu par ses protagonistes comme un conflit entre nationalismes : la délégation palestinienne composée d’Arabes musulmans et chrétiens qui s’était rendue au congrès de Londres en 1921 avait présenté une motion comportant les mots « une autre nationalité » pour qualifier les Juifs.

Le rejet politique du mandat britannique est un élément constitutif du mouvement national palestinien, qui ne s’est donc pas constitué d’abord contre l’État d’Israël (problème qui ne sera posé qu’à partir de 1948).

Par ailleurs, la Grande-Bretagne persévère dans sa politique de soutien à l’implantation d’un foyer national juif et encourage un morcellement de la Palestine de fait par l’appropriation du sol par les nouveaux colons, notamment les terres agricoles, au détriment de la population autochtone. La Grande-Bretagne permet même aux colons de s’organiser en entité collective autonome (sorte d’État dans l’État) par la mise en place d’un comité et le droit d’élire une assemblée représentative interne à la colonie juive (le Yishouv).

La résistance palestinienne va donc être d’abord une résistance paysanne, de lutte contre l’appropriation des terres par ces colons. Mais ce mouvement de résistance se présente, dans cette lutte, de manière dispersée. Il est composé de forces hétérogènes dans leurs dimensions familiales (claniques), sociales et politiques.

Deux grandes familles palestiniennes dominent la société palestinienne :

-  les Nashashibi, grande famille d’anciens et gros propriétaires, pro-britannique et partisane de la dynastie hachémite (jordanienne et transjordanienne) ;
-  les Husseini, famille du grand mufti de Jérusalem nommé président du Conseil suprême musulman de la Palestine, plus dure à l’encontre des occupants britanniques et des colonies sionistes.

Et puis, à l’intérieur de la société palestinienne, il y a le peuple des villes et celui des campagnes, avec leurs intérêts et problèmes spécifiques qui ne les font pas converger dans une position commune vis-à-vis des occupants. Une population sans direction politique spécifique et plutôt tiraillée et oscillant entre les deux familles. D’où une division interne durable du mouvement de résistance aux occupants britanniques et colons sionistes.

Sur le plan politique, une autre force compte dans la genèse du mouvement national palestinien : le Parti communiste palestinien créé en 1920 paradoxalement au sein d’une colonie juive et regroupant des Juifs et des Palestiniens. Il entend mener la lutte commune au prolétariat pour son émancipation. Il recouvre un réseau de militants implanté plus largement que dans le seul périmètre de la Palestine mandataire et recoupe plutôt celui de la Palestine historique (incluant la Transjordanie). Ce PC particulièrement actif, va exercer une forte influence au cours des années 1920-1930 avant de subir une rupture. Dès 1929, une révolte insurrectionnelle arabe dans plusieurs centres urbains (Hébron, Jérusalem...) mettant aux prises Palestiniens, sionistes et l’occupant britannique, provoque des tensions terribles au sein du parti communiste.

Plus généralement le mouvement national palestinien va être lui-même partagé sur la ligne de conduite à tenir du fait de l’hétérogénéité des forces qui le composent.

Les années 1930 sont les années du nazisme triomphant en Allemagne et par conséquent d’une immigration juive massive en Palestine.

Les années 1935 à 1939 vont alors être marquées par une résistance ouverte et de plus grande ampleur de la population palestinienne contre les occupants, considérée par la population palestinienne pour les uns, comme la première guerre d’indépendance, ou, pour les autres, comme la première Intifada. Les deux grandes familles de notables se trouvent débordées par une jeunesse qui ne voit plus d’avenir dans la situation d’alors, qui critique l’impuissance et la compromission des grandes familles palestiniennes et qui se politise, en se constituant en un ensemble de petites organisations secrètes.

Le congrès national de la jeunesse arabe de 1935 considère la Grande-Bretagne comme l’ennemi principal, la colonisation sioniste n’étant qu’une composante inséparable de l’occupation britannique. En particulier dès 1928, des responsables de jeunesse musulmans (comme son président Ezzedine al Qassam) mettent en place une organisation de résistance clandestine et confessionnelle musulmane (plus tard, le Hamas s’en inspirera). Elle sera particulièrement combative, au point que la Grande-Bretagne va faire machine arrière dans son soutien à l’implantation juive qu’elle entend désormais limiter avec le Livre blanc de mai 1939 (restrictions sévères de l’immigration juive et des ventes de terres) qui ne sera que partiellement appliqué puis remis en cause par la pression exercée par le mouvement sioniste auprès de Londres.

Mais ces succès contre l’occupation vont être balayés par la Deuxième Guerre mondiale et par les actes terroristes montés par les milices sionistes secrètes comme l’Irgoun, créée en 1931. Cette dernière en profite pour prendre le dessus et mener à son tour une guerre d’indépendance contre la Grande-Bretagne et de conquête de nouveaux territoires au détriment de la population palestinienne, jusque après la proclamation unilatérale de l’État d’Israël en 1948.

Dès lors l’affrontement direct entre deux nationalismes est inévitable. Il sera d’autant plus dur, que les Palestiniens sont profondément attachés à la terre de leurs ancêtres et que les Juifs n’ont pas de patrie propre et subissent des persécutions en Europe allant jusqu’au génocide nazi. Du côté juif, c’est la tendance dure de Jabotinsky, qui veut un État purement juif, pour les seuls et pour tous les Juifs. Du côté des dirigeants arabes, ce qui prédomine c’est la peur de perdre la Palestine arabe et aussi de voir naître un État palestinien indépendant, ce qui irait à l’encontre soit du projet de grande nation arabe, soit des visées de tel État arabe sur une partie de la Palestine. Les dirigeants arabes font donc pression sur la Grande-Bretagne pour qu’elle règle le problème.

Sous cette double pression sioniste et arabe, la Grande- Bretagne expose en 1942 un second projet de partition de la Palestine. Celui-ci est rejeté la même année par la « déclaration Biltmore » du mouvement sioniste (congrès du mouvement sioniste mondial à l’hôtel Biltmore de New York), qui exige un État pour les Juifs couvrant toute la Palestine et relié au Commonwealth. De son côté, Judas Magnes, président de l’université hébraïque de Jérusalem constate : « Un État juif ne peut se faire que par la guerre pour gouverner d’autres gens. »

En mai 1943, le Parti communiste palestinien, seul parti judéoarabe, se divise sur une base ethnique, entre les Arabes et les Juifs.

L’idée de partition sera finalement rejetée par les Palestiniens et par les sionistes.

Vers l’État d’Israël

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10 janvier 2009 6 10 /01 /janvier /2009 23:16

La tentative de synthèse entre idées socialistes et sionisme : le sionisme socialiste

Nahman Syrkin (1868-1924). Socialiste, présent au Congrès de Bâle, Nahman Syrkin y a défendu les thèses de l’opposition socialiste. Dans son pamphlet intitulé La Question juive et l’État juif socialiste, il mélange nationalisme et notions socialistes et affirme qu’« une société sans classes et la souveraineté nationale... sont les seuls moyens de résoudre entièrement le problème juif ». Il en appelle au mouvement sioniste pour lancer un programme de « colonisation socialiste à base d’établissements communautaires ».

Ber Borokhov (1881-1917). Intellectuel radical ukrainien issu d’une famille d’Amants de Sion, influencé par le marxisme, Ber Borokhov cherche dans son essai La question nationale et la lutte des classes (écrit en 1905), à étendre les termes du discours marxiste pour expliquer l’existence des nations et du nationalisme. Pour lui, il n’est pas suffisant de parler des rapports de production pour déterminer l’appartenance de classe, il faut ajouter « les conditions de production géographiques, anthropologiques et historiques » qui expliquent l’existence des nations. Pour lui donc, un peuple disséminé comme les Juifs ne peut développer sa conscience nationale et sa conscience de classe que très difficilement. La réalité économique et de classe de l’existence en diaspora était donc nécessairement précaire et même destinée à se dégrader. D’où, selon Ber Borokhov, le caractère inévitable d’une migration des Juifs vers la Palestine où le prolétariat juif pourra mener sa lutte des classes dans des conditions normales comme tous les autres prolétariats nationaux et solidairement avec eux. C’est le « sionisme marxiste ».

On mesure ainsi la pénétration du nationalisme juif dans la classe ouvrière juive. En même temps, le développement d’un puissant courant antisémite au sein même des classes ouvrières d’Europe renforce cette pénétration. Il faut remarquer que malgré l’antisémitisme ambiant et croissant en Europe, le courant sioniste au sein de la population juive d’Europe est resté minoritaire jusqu’à la veille de la Deuxième Guerre mondiale.

Le mouvement sioniste : l’Organisation sioniste

Le Congrès de Bâle, en 1897, a décidé la création d’institutions destinées à l’objectif de création « pour le peuple juif d’un foyer national en Palestine, garanti en droit », en clair d’un État des Juifs. Une Organisation sioniste (OS) est créée pour coordonner les activités nationalistes et pour appliquer le programme de Bâle qu’on peut résumer en quatre points :

1) développement de la colonisation agricole et artisanale en Palestine ;

2) effort d’organisation des Juifs dispersés ;

3) effort pour renforcer la « conscience nationale » de ceux-ci ;

4) démarches pour obtenir les accords gouvernementaux nécessaires.

Les bases sociales du sionisme

Comme pour tout autre mouvement nationaliste de l’époque, le mouvement sioniste est d’abord composé par des couches moyennes cultivées en l’absence des notables traditionnels de la communauté et avec une faiblesse de représentation des couches populaires (artisanales et ouvrières). Un des rares socialistes présents au Congrès de Bâle, Nahman Syrkin, note : « Le sionisme présentait un caractère bourgeois correspondant au groupe social qui en était le promoteur. »

L’Organisation sioniste : l’organe du mouvement national

Le Congrès de Bâle crée donc l’OS, une structure pyramidale, très centralisée, mais qui offre un cadre pour une discussion démocratique et pour l’adhésion de nombreux Juifs - même si ceux-ci resteront longtemps très minoritaires au sein des communautés. Les organisations sionistes locales sont dotées d’une large autonomie et le Congrès sioniste, réuni tous les deux ans à partir de 1901, constitue l’organe suprême du mouvement. Entre deux Congrès, un comité d’action de dix-huit membres, originaires de différents pays, et un exécutif de cinq membres, gèrent les affaires.

Ainsi l’OS est de fait le cadre d’un mouvement national et le Congrès une sorte d’assemblée nationale juive en exil. Des fractions ne vont pas tarder à se constituer et devenir des sortes de partis souhaitant contrôler le mouvement. En 1901, c’est la Fraction démocratique, lancée par Chaïm Weizmann, le futur président de l’État d’Israël (1948-1952) qui va souhaiter une « synthèse sioniste » entre sionisme pratique, sionisme politique et sionisme culturel. En 1902, les sionistes religieux fondent le Mizrahi (qui signifie oriental). En 1903, c’est la « Fraction unifiée » d’Oussiskhine qui se propose de représenter un « sionisme général ». Le douzième Congrès sioniste, qui s’est tenu à Carlsbad en 1921, voit s’opposer trois blocs distincts : celui, dominant, des sionistes généraux, constitué de centristes bourgeois qui entendaient, comme Théodore Herzl, exprimer l’intérêt général de la nation juive, celui des sionistes religieux - de Mizrahi - et enfin les travaillistes sionistes, encore faibles mais qui vont développer des infrastructures en Palestine et vont ainsi acquérir bientôt un rôle dominant dans l’OS.

L’irrésistible ascension du sionisme ouvrier

Entre-temps, entre 1897 et 1920, date de la fondation de la Histadrout (Confédération générale des travailleurs juifs de Palestine), le mouvement travailliste s’est constitué et va progressivement établir son pouvoir économique et politique en Palestine.

L’apparition d’une gauche sioniste organisée se fait entre 1897 et 1906. C’est en 1897 que sont créés, respectivement à Bâle et à Vilna, l’OS et le Bund socialiste. Celui-ci, antisioniste et qui prône l’autonomie culturelle nationale dans le cadre de la diaspora, devient bientôt la force la plus influente parmi les Juifs de gauche d’Europe orientale.

La situation se précipite en 1903 avec l’éclatement en Russie de nouveaux pogroms (assassinat de quarante-sept Juifs à Kichinev) qui se poursuivent jusqu’en 1906. Le bouillonnement politique chez les Juifs de Russie est considérable. Chacune des forces politiques se présente aux masses juives comme le véritable champion de leur avenir. Les sionistes craignent que le Bund parvienne à une révolution socialiste, le Bund que les sionistes dévoient les Juifs sur la seule Palestine...

Une deuxième Aliya - vague d’immigration juive - part de Russie entre 1904 et 1914 vers la Palestine : environ trente mille personnes. Mais pendant la même période presque un million de Juifs russes vont aux États-Unis...

C’est dans ce contexte que Ber Borokhov développe son influence. En 1906, il fonde avec son ami Ben Zvi, le parti social démocrate juif ouvrier/Paole Sion (Ouvriers de Sion). Son sionisme ouvrier se caractérise ainsi : le socialisme, par le moyen de la lutte des classes, constitue le « programme maximal » et le sionisme est le programme minimal ou le « but immédiat ».

Pendant ce temps, en 1905, en Palestine, sont fondés par des jeunes immigrants russes, radicalisés par la révolution russe de 1905, deux partis sionistes travaillistes (Paole Sion et Jeune Travailleur). Pour eux, l’avenir du peuple juif nécessite une normalisation socio-économique garantissant aux Juifs l’accession à tous les rôles économiques loin des limites et de la précarité de la diaspora... Cet objectif fondamental suppose l’installation en Palestine d’une classe ouvrière juive.

Parmi ces immigrants socialistes sionistes, David Ben Gourion, venu de Pologne, joue un rôle déterminant dans la définition des thèmes fondamentaux du sionisme travailliste et d’une nouvelle vision stratégique pour construire la Palestine juive. Pour Ben Gourion, la classe des travailleurs doit se transformer en « nation au travail ». Celle-ci serait donc construite avec le « capital national », c’est-à-dire avec les fonds recueillis par le « mouvement sioniste ». On assiste ainsi à une « sionisation » de la notion marxiste de classe universelle. Ce n’est plus la classe ouvrière qui est le moteur, c’est l’État-nation en construction. C’est le « constructivisme » qui sera une stratégie de développement et d’initiative de caractère public avec un rôle important attribué aux kibboutz et à la Histadrout.

Ainsi la notion de lutte de classes à l’intérieur de la société juive devient secondaire. Bourgeoisie juive de Palestine et ouvriers juifs de Palestine avaient en gros les mêmes intérêts, à la fois face à l’administration britannique et face aux aspirations des Arabes de Palestine : le clivage social entre Juifs se trouve brutalement traversé par un clivage plus violent, un clivage opposant deux nations.

La nature spécifique de la colonisation sioniste (1882-1914) et la Déclaration Balfour (1917)

Une phase de colonisation classique

La construction du mouvement sioniste s’accompagne de l’installation en Palestine d’une sorte de colonisation de peuplement. En même temps, l’influence grandissante du courant sioniste ouvrier - qui deviendra majoritaire dans le mouvement sioniste au début des années 1930 - va donner à cette colonisation un caractère très particulier.

Le début de cette colonisation de la Palestine peut être situé en 1882. Les premiers immigrants sionistes - la génération de 1882-1883 - se heurtent immédiatement aux difficultés climatiques et géographiques. En outre, les autorités turques sont hostiles, sans parler des pillards bédouins. Aussi l’échec économique de l’expérience est-il évident après quelques mois. Pour sauver la colonisation juive, le baron Edmond de Rothschild prête son concours. Sous sa direction, la colonisation s’effectue sur le modèle de la colonisation de l’Algérie. Les colons sont des planteurs exploitant la main d’oeuvre arabe qui travaille sur leurs domaines.

La colonisation ouvrière

Le tournant de la colonisation sioniste a lieu après le début de la deuxième vague d’immigrants juifs, à prédominance russe, après 1904. Les nouveaux arrivants, imbus de principes tolstoïens (retour à la terre) s’aperçoivent qu’ils n’ont aucun avenir dans les colonies sionistes existantes. Impossible de concurrencer les fellahs dont le niveau de vie est tellement bas qu’ils s’engagent pour une bouchée de pain. D’où, tout naturellement, la volonté de chercher une forme de colonisation adaptée aux nouveaux venus et à leur niveau de vie à l’européenne. Ce sera la colonisation ouvrière. Avec l’aide des fonds sionistes et principalement du Fonds national juif, qui procède à l’achat de terres déclarées inaliénables et d’où la main d’oeuvre indigène est exclue, les immigrants édifient leurs propres colonies basées sur les principes coopératifs et collectivistes (ce seront les kibboutz).

Il s’agit donc de créer non seulement un État juif mais surtout une société purement juive disposant notamment de sa propre base ouvrière. Par là, la colonisation sioniste diffère radicalement du schéma colonial classique. Il n’est plus question d’exploiter les indigènes mais bien de les remplacer. Distinction fondamentale en effet, mais non au point d’ôter au sionisme son caractère colonial. L’hostilité des fellahs est suffisamment violente pour inciter les colons sionistes à établir très tôt des organismes d’autodéfense.

Une nation en formation

Étant donné la nature spécifique de la colonisation sioniste, le développement de la communauté juive en Palestine s’est accompagné de la formation de véritables classes ouvrière et paysanne juives et non pas d’une couche d’exploiteurs coloniaux. Le sionisme spoliait les Arabes, mais il ne les exploitait pas. Ainsi, dès le début du XXe naît, par le processus d’immigration sioniste et la fusion des immigrants avec la communauté juive autochtone, une nouvelle nation dotée d’une langue et d’une économie fermée propres (dont les Arabes sont exclus) : la nation hébraïque-juive de Palestine.

Dès avant la première guerre mondiale, l’entité juive en formation, bientôt destinée à se transformer en État sioniste, fondée sur l’expulsion des Arabes palestiniens, sur la primauté de la nation hébraïque-juive israélienne et sur des limites territoriales arrachées par la force, ne peut être acceptée par le monde arabe. Il lui est donc nécessaire de trouver un protecteur. Ce sera l’Angleterre.

La Déclaration Balfour (novembre 1917)

C’est dans ce contexte qu’éclate la Première Guerre mondiale pendant laquelle l’avenir de l’empire ottoman est une préoccupation constante des chancelleries occidentales, comme le démontrent les accords secrets Sykes-Picot pour ne rappeler que l’un des plans secrets de partage de cette région. Les Britanniques ont d’ailleurs l’habileté de jouer simultanément sur plusieurs tableaux. Tandis que Lawrence d’Arabie et ses amis s’efforcent de canaliser à leur profit le mouvement d’émancipation arabe, les organisations sionistes obtiennent du Cabinet britannique l’engagement de favoriser un protectorat juif en Palestine. C’est la célèbre « Déclaration Balfour » qui représente le triomphe de la politique sioniste qui recherchait depuis des années un protecteur attitré en Palestine. La victoire britannique allait bientôt lui donner force de loi internationale et protection offerte par le mandat britannique approuvé par la SDN (Société des nations).

Conclusion : pour une critique du paradigme sioniste

Ainsi, avec la Première Guerre mondiale s’achève la phase de construction du mouvement sioniste : un discours idéologique, à la fois diversifié et bien rôdé, une organisation technique et politique devenue opérationnelle, un mouvement de colonisation bien enclenché en Palestine ; un triptyque auquel il manquait seulement ce que Théodore Herzl a toujours considéré comme déterminant pour le projet sioniste : le soutien diplomatique d’une grande puissance. En 1917, avec la Déclaration Balfour, c’est fait.

Le mouvement sioniste a alors acquis sa double nature : un mouvement nationaliste européen devenu inséparablement un mouvement colonisateur outre-mer. En même temps, la tâche de construire un État-nation ethniquement homogène dans un environnement hostile à l’expansion européenne ne pouvait être réalisé que par la création d’une communauté séparatiste dont la cohésion devait être garantie par un credo idéologique fort, non traversé par des clivages sociaux trop profonds. Tel fut aussi le sens du sionisme ouvrier et de l’esprit du kibboutz. Parallèlement, le pouvoir colonial britannique fut la condition indispensable de la poursuite de la colonisation juive en Palestine. Pendant le mandat britannique entre les deux guerres, le nombre des Arabes qui vivaient en Palestine est passé de sept cent mille à un million soixante-dix mille et le nombre des Juifs de soixante mille à quatre cent soixante mille.

Si l’on doit s’en tenir aux chiffres, on pourrait affirmer qu’en 1918 le projet sioniste est en échec. Entre 1882 et 1914, ils ne furent que quelques dizaines de milliers de Juifs à choisir l’option Palestine alors que des millions sont partis en Europe de l’ouest et surtout aux États-Unis. Cet échec « numérique » signifie aussi que le discours sioniste n’avait pas convaincu la grande majorité des Juifs candidats à l’émigration.

Cependant, à la fin de la Première Guerre mondiale, le mouvement sioniste se trouve non seulement renforcé par l’appui anglais mais aussi par l’incapacité des autres courants politiques de l’époque (le libéralisme et le socialisme) à apporter une réponse satisfaisante à la question juive contemporaine.

Enfin, il faut prendre en compte aussi la capacité du discours sioniste à expliquer à l’intérieur de sa vision du monde les événements qui vont se succéder au cours de la première moitié du XXe siècle : la fin des empires centraux et l’affirmation des questions nationales, les législations antijuives qui se généralisent dans l’Europe des années 1930, la fermeture aux immigrants d’autres terres d’accueil (établissement de quotas aux États-Unis) et le judéocide.

Il nous faut donc pour conclure s’interroger sur ce qui caractérise ce qu’on pourrait appeler le paradigme sioniste tel qu’il s’est constitué. En effet le sionisme politique n’est pas seulement l’idéologie qui fonde et justifie l’État d’Israël, c’est aussi une vision du monde qui assure au discours sioniste une forte cohérence interne.

Le postulat qui établit cette cohérence est clair : l’existence d’une question juive universelle et éternelle définit la condition juive. À partir de ce postulat se décline un ensemble d’a priori historiographiques qui présentent le sionisme comme la conséquence inéluctable de l’histoire des Juifs :

-  une vision téléologique et linéaire : les événements du passé démontrent la nécessité historique de la fin de la diaspora et de la création de l’État des Juifs ;
-  l’antisémitisme est une réalité éternelle, il est la particularité qui caractérise l’être-juif, sa condition existentielle ;
-  l’unité du peuple juif : le peuple juif représente historiquement un corps unique et bien identifié au milieu des nations des Gentils (non Juifs) ;
-  l’existence d’une nation juive sur des bases territoriales : la nation juive a droit à son propre État qui sauvegarde tout le judaïsme et qui joue le rôle de « centre spirituel » pour les minorités dispersées dans le monde ;
-  le droit historique sur la Palestine : le peuple juif a un droit sur sa propre patrie d’origine.

À tout cela, mais bien plus tard, les nouveaux historiens israéliens ont commencé à répondre. Contentons-nous ici de fixer les plus graves limites de ce paradigme historiographique sioniste :

-  la première porte sur le « droit historique ». Sur ce point, Maxime Rodinson a dit l’essentiel : « À aucun point de vue raisonnable, la première collectivité, qu’un éloignement près de deux fois millénaire, a rendu étrangère à ce territoire, ne peut se voir attribuer sur celui-ci des droits supérieurs à ceux de la seconde qui n’a cessé d’y résider » (cf. Les Temps modernes, mai-juin 1967 : « Israël, fait colonial ? ») ;
-  la deuxième limite porte sur la sous-évaluation - comme dans tout nationalisme - de l’Autre. En d’autres termes, dans le discours sioniste euro-centré (sauf quelques exceptions), les Palestiniens ont été d’emblée exclus et même occultés. C’est le fameux slogan sioniste « Une terre sans peuple pour un peuple sans terre ». Cette lourde déficience à la fois historique, morale, psychologique et politique, que le sionisme n’a pas réussi à combler, constitue l’obstacle principal à l’intégration pacifique des Juifs dans la région ;
-  la troisième limite est à la fois cause et effet de la précédente : c’est la fétichisation de l’État sur des bases ethniques.

Ces limites politiques et idéologiques rendent en l’état peu vraisemblable une coexistence égalitaire entre les deux ethnies en présence sur la même terre.

Bibliographie sommaire :

Sur le sionisme, la bibliographie est énorme. On se contentera ici de présenter quelques références essentielles :

-  Théodore Herzl, L’État des Juifs suivi de Essai sur le sionisme de Claude Klein, La Découverte 1990. Point de départ indispensable.
-  Denis Charbit (présenté par), Sionismes, textes fondamentaux, Albin Michel, 1998, 980 pages de documents.

Trois livres, d’inspiration sioniste, critiques et bien documentés :

-  Walter Laqueur, Histoire du sionisme, Calmann-Lévy, 1973, réédition Gallimard, 1994, 2 volumes.
-  Mitchell Cohen, du rêve sioniste à la réalité israélienne. Préface de Théo Klein, La Découverte, 1990.
-  Alain Dieckhoff, L’invention d’une nation. Israël et la modernité politique, Gallimard, coll. « Essais », 1993.

Deux livres théoriques essentiels :

-  Maxime Rodinson, Peuple juif ou problème juif ?, Petite collection Maspéro, 1981. Recueil d’articles fondamentaux du meilleur connaisseur français du sionisme.

-  Ilan Halévi, Question juive, Éditions de Minuit, 1981.

Un livre d’histoire classique d’inspiration marxiste-trotskiste
-  Nathan Weinstock, Le sionisme contre Israël, Maspéro, 1969.

Enfin, l’itinéraire d’un sioniste devenant progressivement non-sioniste :
-  Uri Avnery, Israël sans sionisme, Le Seuil, 1968.

Documents

Maxime Rodinson : qu’est-ce que le sionisme ?

Uri Avnery : portrait d’un Israélien

Bernard Ravenel, historien est président de l’Association France Palestine Solidarité et membre du comité de rédaction des revues Confluences Méditerranée et Damoclès.
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L’Orient le Jour | 18 avril 2008

Saleh Al Naami | 18 avril 2008

PCF | 18 avril 2008

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17 avril 2008

Reuters, Afp et BBC | 17 avril 2008


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10 janvier 2009 6 10 /01 /janvier /2009 23:13

Donc faiblesse congénitale d’un mouvement qui ne contrôle pas son territoire, qui est dépendant des res- sources territoriales, financières, diplomatiques des États de la région et qui pose des programmes utopiques de reconquête d’une Palestine sur laquelle on n’est pas et sur une fraction de laquelle il y a quelqu’un d’autre : le roi Hussein de Jordanie. Il y a quand même une chose qui est très frappante, l’OLP dirigée par Yasser Arafat après 1969 ne pose pas de revendications explicites sur la Cisjordanie avant les premières années de la décennie soixante-dix (entre 1971 et 1973). La raison fondamentale est que cela aurait signifié entrer en conflit immédiat avec la Jordanie. Le conflit de 1970-1971 justement entre l’OLP et la Jordanie est un double conflit : c’est un conflit de souveraineté (l’État dans l’État là aussi comme au Liban plus tard) mais surtout un conflit autour de la représentation légitime des Palestiniens de Cisjordanie entre Yasser Arafat ou le roi Hussein ? C’est ce débat-là qui se tranche dans le sang dans les rues d’Amman en septembre 1970.

Alors comment passe-t-on du programme de 1969 au programme suivant qui est le grand tournant stratégique de 1974. Le Conseil national palestinien va se doter d’un projet d’installation d’une « autorité nationale combattante » (c’est la traduction la plus littérale qui soit) sur toute partie ou fraction du territoire libérée. C’est un tournant stratégique parce que cela veut dire (sans le dire clairement car la base des militants ne l’accepteraient pas, même dans le Fatah, et a fortiori dans les organisations plus radicales comme le FPLP et les autres) qu’on ne se pose plus comme objectif de libérer toute la Palestine, celle de 1948, mais seulement les territoires occupés depuis 1967. On ne dit pas État mais « Autorité nationale » (aujourd’hui encore on dit Autorité nationale, on emploie exactement les mêmes terminologies) et surtout « combattante » qui veut dire qu’on ne s’en tiendra pas là. S’il y a une première autorité installée en Cisjordanie, ça n’est pas parce qu’on a renoncé à la Palestine de 1948 mais parce qu’on va faire de la Cisjordanie palestinienne un point d’appui pour continuer le combat pour libérer le reste du territoire. Mais entre 1974, date d’adoption par l’instance dirigeante de l’OLP de ce programme, et 1977, on va passer plus ou moins subrepticement à l’acceptation, cette fois, de la création (comme projet toujours) d’un État. Cette fois on est passé d’« Autorité nationale combattante » à « État ». On ne dit pas encore clairement sur la Cisjordanie et Gaza ou sur les territoires occupés, on dit toujours sur une fraction de territoires occupés, mais il est clair pour tout le monde à ce moment-là que l’on parle bien des territoires occupés en 1967 et de ceux là seulement, et de fait très souvent on ne dit plus quel sera le deuxième temps, c’est-à-dire la libération du reste de la Palestine. On reste dans une espèce de silence implicite.

Mais il ne faut pas croire à une histoire linéaire : 1963, 1964, 1969, 1974, parce que chaque évolution et chacun de ces tournants stratégiques provoquent une fracture dans l’OLP. En 1974, les mouvements de l’aile dite radicale refusent le programme et quittent un certain nombre de structures de l’OLP et forment ce qu’on appelle un « front du refus » qui refuse cette évolution.

Alors en deux mots, pourquoi ce tournant stratégique de 1974, qui va se payer du prix d’une première fracture interne à l’OLP (il y en aura beaucoup d’autres par la suite) ? Et bien parce que nous sommes aux lendemains de la guerre d’octobre 1973 qui était une semi-victoire arabe, et égyptienne notamment. La guerre avait été voulue par l’Égypte pour sortir l’Égypte du conflit israéloarabe. La chronologie est claire : guerre de 1973, désengagement israélo-égyptien dans le Sinaï en 1974-75, voyage de Sadate à Jérusalem en 1977, accords de Camp David en 1978, paix israélo-égyptienne en 1979.

La guerre de 1973 est déclenchée par l’Égypte pour en finir avec le conflit israélo-arabe, en disant que les Égyptiens se sont assez fait tuer pour la Palestine d’une certaine manière et que l’Égypte a besoin de ses res- sources pour se développer. C’est fondamental parce qu’il ne pourra plus jamais y avoir de guerre conventionnelle israélo-arabe depuis que l’Égypte s’est retirée. La Syrie est bien trop pragmatique et prudente pour avoir jamais tenté une nouvelle guerre contre Israël directement depuis. Donc le retrait de l’Égypte est fondamental et, d’une manière générale, le chantage qui est fait à l’OLP après 1973 est évident et va conduire au tournant de 1974. Il s’agit en gros de monnayer l’intégration de l’OLP comme acteur normalisé en quelque sorte dans le concert inter-arabe et dans le concert international (1974 coïncide avec le fameux discours de Yasser Arafat à l’ONU avec d’une part le pistolet à la ceinture et d’autre part le rameau d’olivier). 1974 est en effet le début de la normalisation de l’OLP, à la fois régionale et internationale, mais le prix à payer en est le réalisme, le pragmatisme politique, le tournant stratégique de 1974, l’acceptation de centrer le projet sur la construction cette fois territorialisée d’un futur État dans les limites d’une Palestine occupée en 1967.

Je voudrais signaler aussi, sans le développer, que parmi les pressions qui se sont exercées, il ne faudrait pas négliger les pressions palestiniennes venues de l’intérieur, de la Cisjordanie en particulier et notamment d’un organe qui s’appelait le Front national palestinien, FNP, qui était fait de toute une série de personnalités, certaines membres de groupes de l’OLP, venues de l’intérieur des territoires, qui étaient très influencées par le Parti communiste palestinien de l’époque et qui sont des hommes qui ont pressé l’OLP de changer de stratégie et d’entrer dans un processus politique et diplomatique. Ils ont donc pressé l’OLP d’infléchir son programme.

Donc il y a pression internationale, pression arabe et pression venue de l’intérieur des territoires pour cette évolution vers un certain pragmatisme.

Au début des années 1980, la stratégie de lutte armée va tout simplement être totalement obsolète d’une certaine manière parce qu’impossible pratiquement à mettre en oeuvre du fait évidemment d’un autre grand moment qui est 1982, l’invasion israélienne du Liban sui- vie par l’expulsion, au terme de ce terrible siège de Beyrouth à l’été 1982 par l’armée israélienne, de l’étatmajor palestinien de Beyrouth. C’est la dispersion aux quatre coins du monde arabe (Algérie, Yémen, Tunisie). Plus aucune lutte à travers les frontières n’est possible puisqu’on est à des centaines ou à des milliers de kilomètres des frontières israéliennes tout simplement. C’est donc un facteur fondamental qui fait que l’abandon de la lutte armée est consacré de fait par cet exil loin des frontières qui va évidemment être sanctionné par de nouvelles fractures à l’intérieur de l’OLP : éclatement du Fatah en 1983 sur le sol du Liban pour ceux qui y sont restés, éclatement de l’OLP avec la naissance de deux groupes qui vont s’appeler successivement Alliance nationale (cliente de Damas) et Alliance démocratique (l’ancienne mouvance radicale de l’OLP) qui vont fusionner en 1985 dans un Front de salut national palestinien hostile à la direction centrale, hostile aux concessions, hostile à ce qui, pour eux, est une capitulation. Au cours des années 1980, la ligne de fracture continue donc en permanence au sein de l’OLP. Les années 1980, c’est l’éclatement interne, c’est la traversée du désert qu’on oublie souvent.

Qu’est-ce qui va sauver l’OLP et qui va permettre de se recentrer effectivement, et pas seulement symboliquement, sur une territorialité palestinienne ? C’est évidemment l’Intifada, c’est-à-dire quelque chose qui part de l’intérieur et non pas de l’extérieur ( ça ne veut pas dire qui est hors OLP). L’Intifada est lancée en décembre 1987 par des gens du Front démocratique de libération de la Palestine, secondairement des gens du Fatah, mais de l’intérieur. Ils n’ont pas pris leurs mots d’ordre à Tunis dans un tout premier temps. C’est une initiative interne qui va prendre une extension importante qui va passer par une mobilisation civile de masse de la population palestinienne, par toute une série d’expériences innovantes de lutte pacifique (non armée) avec une dégradation finale, au début des années 1990, vers des formes de groupes armés qui vont se substituer à la mobilisation civile. L’Intifada a un projet politique clair : fin de l’occupation du territoire par les Israéliens et autodétermination nationale.

Mais « l’intérieur » continue d’avoir besoin de « l’extérieur » car déclencher le mouvement, c’est une chose, en assurer la survie, c’en est déjà une autre. De plus, seule l’OLP pouvait lui donner une répercussion internationale avec ses structures externes et aussi un projet crédible de construction de l’État.

Au dix-neuvième Conseil national palestinien, réuni à Alger en novembre 1988, va être prise une décision historique, fondamentale : la reconnaissance implicite, semi-implicite, semi-explicite, d’Israël par l’OLP qui va être explicitée un mois et demi plus tard à Genève devant l’Assemblée générale des Nations unies et qui va être assortie bien sûr d’une déclaration symbolique d’indépendance de l’État de Palestine. Tous ces événements-là répondent à quelque chose d’extrêmement précis : fondamentalement ils sont la traduction politique de l’Intifada incontestablement, mais concrètement la cause immédiate est l’annonce, dans le discours du roi Hussein du 30 juillet 1988, de la rupture des liens administratifs et juridiques entre la Transjordanie et la Cisjordanie. Et à partir de ce moment là il y a un énorme danger, c’est le vide politique en Cisjordanie. La Jordanie est ainsi toujours à l’initiative en 1974 et 1988.

Le mouvement national palestinien n’a cessé d’être un mouvement réactif, qui réagit contre, qui se position- ne par rapport à des initiatives qui viennent d’ailleurs, qu’elles soient israéliennes, mais aussi arabes, égyptiennes, jordaniennes, syriennes...

Documents

Charte nationale palestinienne de 1964

Structure de l’OLP

Charte nationale palestinienne de 1968

Déclaration du Comité central du Fath (1er janvier 1969)

Programme politique adopté par le douzième Conseil national palestinien (9 juin 1974)

Déclaration d’indépendance de l’État de Palestine (15 novembre 1988)

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L’Orient le Jour | 18 avril 2008

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10 janvier 2009 6 10 /01 /janvier /2009 23:11
Le Mouvement national palestinien (1950-1988)

Nadine Picaudou
 

Sommaire :

1950 : Naissance des deux filières du mouvement national palestinien

Le Mouvement national palestinien, porte-parole des réfugiés

La stratégie de la lutte armée

Le projet de libération fondé sur la mémoire de la terre perdue

La formation de la seconde OLP

Documents

1950 : Naissance des deux filières du mouvement national palestinien

Le deuxième mouvement national palestinien est né après les événements tragiques de 1948, par l’initiative de ceux que j’appelle « une poignée d’activistes », ce qui n’a rien de péjoratif du tout. Ceux-ci sont, pour l’essentiel, issus de la dispersion palestinienne de l’après-1948 (je dis dispersion et non pas diaspora parce que la question de savoir si en 1950, en 1955, en 1960, en 1970, en 1980, on a une diaspora ou simplement un exil, ou une dispersion, est un débat majeur dans lequel j’ai une position, en gros, qui consiste à dire que la diaspora palestinienne commence ou commencera lorsqu’il y aura un véritable État ou un véritable ancrage territorial quelque part...). Ils vont restructurer le monde palestinien (je dis le monde palestinien et non pas la société palestinienne parce qu’il n’y a plus de société palestinienne, il y a des morceaux éclatés de sociétés palestiniennes. Il n’y a pas une société palestinienne unifiée avec des structures qui fonctionnent comme telles, donc on ne peut pas parler de société) autour d’un projet commun qui est un projet de « libération », selon les termes officiels de la future OLP. Ce mot de « libération » est un mot clé sur lequel on va revenir à différents moments. Cette poignée d’activistes constitue ce qu’on pourrait appeler une nouvelle élite politique dans le champ palestinien. « Nouvelle » parce qu’elle va chercher à se démarquer (dans une certaine mesure seulement parce qu’elle s’inscrira aussi dans sa filiation) de l’élite ou des élites précédentes, celles du premier mouvement national palestinien avant 1948. Celui-ci était organisé dans ce qu’on appelait notamment le Haut Comité arabe, dont le président a été le fameux Mufti Amin el Husseini. Cette nouvelle élite entend donc se démarquer à différents niveaux de l’ancienne et se présenter comme une élite « en rupture ». L’enjeu est clair, il s’agit de ne pas se placer dans la filiation de la classe politique qui a perdu la Palestine en 1948.

Dans ce monde palestinien éclaté et autour de ce pro- jet national, ces activistes se regroupent autour de ce que j’ai appelé deux filières majeures de socialisation et d’organisation politique.

La filière Fatah est de très loin la plus importante en termes quantitatifs et de par l’hégémonie politique qu’elle n’a cessé depuis lors d’exercer sur le mouvement national palestinien. Elle s’est développée en plusieurs étapes : Gaza, Le Caire, Koweït.

Gaza est d’abord un tout petit territoire occupé par l’armée égyptienne depuis 1948 et qui va le rester jusqu’à 1967, date à laquelle l’occupation israélienne, si j’ose dire, prendra le relais. C’est un petit territoire sur- chargé de réfugiés, misérable, et dans lequel la force politique dominante à l’époque, où les premiers hommes du Fatah (qui n’est pas encore le Fatah) vont s’éveiller à la conscience politique, est constituée par les Frères Musulmans égyptiens. Ils ne sont pas la seule force politique à Gaza, ils sont la plus prégnante notamment dans ces camps de réfugiés mais aussi dans les élites urbaines. Ce qui est peut-être encore plus déterminant, c’est l’expérience de la lutte armée palestinienne largement incluse dans l’armée égyptienne, en 1956 lors de la campagne de Suez, à l’occasion de laquelle Israël envahit et occupe la bande de Gaza. Contre cette occupation, l’armée égyptienne, mais en réalité des commandos palestiniens organisés, sous la tutelle de l’état-major égyptien, vont lutter contre Israël. Autrement dit, à Gaza, les futurs hommes du Fatah ont une première expérience concrète de la lutte armée, cela me paraît fondamental. Ils ont affronté directement l’ennemi sioniste, pour employer la terminologie officielle, ce qui ne sera pas le cas de l’autre filière, la filière nationaliste arabe. À Gaza, on retrouve tous ceux qui vont être les futurs fondateurs du Fath : outre Yasser Arafat, Khalil al-Wazir (futur Abou Jilad), Salah Khalaf (futur Abu Iyad), mais aussi Kamal Adwar ou Mohamed Yusuf al-Najjar.

Le Caire c’est le lieu où on peut tout simplement poursuivre des études, ce sera le cas de Yasser Arafat et de beaucoup d’autres, mais c’est surtout un creuset idéologique, le lieu d’un bouillonnement politique et idéologique extraordinaire dans les années cinquante et en particulier après l’arrivée au pouvoir de Nasser en 1952 (en réalité la personnalité de Nasser ne s’affirmera pas avant 1955-56, y compris sur la scène politique égyptienne). Ce bouillonnement, qui réunit à la fois les Frères Musulmans et des mouvements nationalistes arabes types MNA, Baath, etc., va influencer ces hommes incontestablement. Au Caire, ils vont également avoir une première pratique politique au sein de l’Union des étudiants palestiniens, qui a joué d’une certaine manière le rôle de laboratoire de la pratique politique pour les futurs fondateurs du Fatah.

Enfin, Koweït. C’est d’abord le lieu de travail où les étudiants palestiniens se rendent après la fin de leurs études car, à cause de la rente pétrolière, commencent à se développer un certain nombre d’emplois bien payés. Mais le Koweït va leur offrir, outre des ressources matérielles, un espace de liberté parce que le Koweït est loin des déchirements idéologiques de cette zone égyptienne, palestinienne, syrienne. Ils vont y trouver une liberté d’organisation qu’ils ne trouveront pas ailleurs et ce n’est donc pas un hasard si c’est au Koweït que se crée le Fatah.

Il faut savoir aussi que le Fatah n’est pas du tout le seul mouvement qui se crée. Dans une perspective très voisine, d’autres groupuscules se créent pour fusionner plus tard dans le Fatah.

Ces hommes-là ont souvent été qualifiés de petite bourgeoisie palestinienne professionnalisée. C’est une manière d’essayer de leur mettre une étiquette sur le dos mais qui souligne qu’ils sont, en particulier au Koweït ou dans les pays du Golfe, économiquement intégrés et politiquement frustrés pourrait-on dire...

La deuxième filière, que je ne développerai pas, est la filière que j’ai appelée nationaliste arabe. Elle a une racine organisationnelle plus claire. Il y a un groupement politique derrière, qui date des années cinquante, qui est le MNA, Mouvement nationaliste arabe. C’est un mouvement qui, comme toutes les variantes du nationalisme arabe, aspire à la fois à l’unité de la grande nation arabe et à une forme d’organisation socialiste de la dite nation arabe lorsque celle-ci se sera constituée. Il y a cela dit des rivalités, des compétitions entre les nassériens, les gens du MNA, les baathistes, en dépit d’un axe idéologique commun. Le MNA est important car c’est l’origine de tous les mouvements qui vont entrer dans la future OLP : le Front populaire, le Front démocratique... C’est-à-dire des mouvements qui, venus du nationalisme arabe, vont se marxiser dans les années soixante en mêlant nationalistes et marxistes et qui vont être l’aile radicale, pour aller très vite, de l’OLP dans les années qui suivent.

Le Mouvement national palestinien, porte-parole des réfugiés

Cette élite parle au nom des réfugiés. C’est un point essentiel. Ces hommes qui sont passés par le triangle que j’ai évoqué, Gaza/Le Caire/Koweït, vont appeler à la lutte armée à partir de Beyrouth, qui n’est pas un des lieux où ils ont été socialisés ni où ils sont présents dans les années cinquante. Mais au Liban il y a une population civile réfugiée dont une majorité se trouve installée dans une douzaine de camps. C’est de Beyrouth en effet qu’est lancé pour la première fois en 1961, dans un organe politique qui s’appelle Filastinuna, « Notre Palestine », un appel, non pas encore à la lutte armée qui ne va commencer que quelques années plus tard, mais à prendre en mains son destin en quelque sorte. Cet appel est adressé aux réfugiés par les récents fondateurs du Fatah qui sont encore des hommes peu connus et largement clandestins. Ils en appellent aux « fils de la Nakba » pour qu’ils se redressent et reprennent en main leur destin.

Le discours officiel du Fatah va capitaliser sur l’idée largement fausse (mais peu importe, tous les slogans de mobilisation sont faux) que les réfugiés sont « une nouvelle classe ». C’est une vision idéologique qui consiste à essayer de montrer que, au fond, il n’y a plus d’ouvriers, de paysans, de classe moyenne, de bourgeoisie, qu’il n’y a plus de groupes sociaux parce que l’exode de 1948 a en quelque sorte laminé ces différences sociales et qu’il y a un groupe nouveau, inédit, non partagé par des clivages, des conflits de classe et qui s’appelle le groupe des réfugiés. C’est évidemment faux mais il s’agit de mobiliser sur la dépossession qui a été, à des degrés divers, effectivement une expérience commune à tous les groupes sociaux. Il est clair cependant qu’entre le grand bourgeois de Jaffa ou de Haïfa qui est parti dès décembre 1947 par exemple ou janvier 1948 et la masse de la paysannerie qui va partir après le mois de mai 1948 en pleine guerre, chassée en général par des combats ou par des politiques israéliennes d’expulsion ou par les deux, il y a un monde de différence. Ce n’est pas la même dépossession. La bourgeoisie palestinienne a pu transférer (tout cela demande à être nuancé) des capitaux mais aussi un capital de relations familiales dans les autres villes du Proche-Orient, ce qui n’est pas forcément le cas du paysan de Galilée. Donc l’exode n’aplanit pas toutes les différences. Il y a d’ailleurs des exodes, et des mobilités divergentes après l’exode. Mais du point de vue politique, en termes de mobilisation, l’idée est que « nous sommes tous des réfugiés, nous avons tous subi le traumatisme de la dépossession et de l’humiliation ». En réalité c’est une espèce de classe nouvelle de dépossédés sur laquelle capitalisent ces mouvements pour assurer leur mobilisation.

Alors bien entendu, ces mouvements, au premier rang desquels le Fatah, prétendent à une espèce de commencement absolu, comme si tout commençait dans cette fin des années cinquante et surtout ce milieu des années soixante avec le lancement de la lutte armée. Elle va effectivement commencer en janvier 1965 d’après l’historiographie officielle du Fatah qui rappelle que c’est le 1er janvier 1965, dans la nuit du nouvel an, qu’un premier objectif israélien est visé par la première opération de commando.

Donc dans cette idée de commencement absolu figure toujours l’idée de rupture avec le passé, de rejet des élites qui ont perdu la Palestine et de volonté de laver l’humiliation de la dépossession, c’est-à-dire de l’exode et de la perte de la terre.

La stratégie de la lutte armée

La stratégie qui est mise en oeuvre est une stratégie de lutte par les armes. « Lutte armée » est un terme délibérément vague. Quand on étudie les textes de l’époque, on s’aperçoit qu’il y a tout un florilège d’autres terminologies qui sont tantôt guerre populaire, tantôt guerre de partisans, tantôt guerre de commandos, tantôt guérilla et qu’en général on passe allègrement, au moins dans les cercles Fatah, de l’un à l’autre sans y mettre grand chose de très précis ou de très différent. Ce n’est pas le cas pour les mouvements marxistes ou nationalomarxistes que j’évoquais tout à l’heure qui, eux, reprennent, je dirais, une terminologie marxisante des années tiers-mondistes, qui garde une certaine rigueur idéologique au moins dans le discours. Dans le Fatah, tout ceci est à peu près la même chose et au fond l’important est de prendre un fusil pour libérer la Palestine, quel que soit le type de lutte qu’on met concrètement en oeuvre sur le terrain.

Il est important de s’arrêter un moment sur la question fondamentale du choix de cette stratégie du Fatah. Il y a évidemment beaucoup de raisons... J’en ai sélectionnées quelques-unes qui m’intéressent plus ou que je considère, à tort ou à raison, comme déterminantes.

La première raison, il me semble, était de refaire l’unité, pas d’une société toute entière, mais d’un champ politique proprement palestinien c’est-à-dire d’un champ politique « palestinien » et non « arabe ». Autrement dit la lutte armée est l’un des moyens pour désarabiser le combat contre Israël. Dés-arabiser (entendons-nous, pas totalement) mais pour enlever ou tenter d’enlever ou commencer à enlever aux régimes politiques arabes la cause palestinienne.

Pour comprendre la suite, il est nécessaire de revenir au mois de mai 1964. Quand je dis dés-arabiser la question de la Palestine et la cause palestinienne, c’est parce que depuis 1948 et jusqu’au milieu des années soixante, il n’y a pas de véritable mouvement national palestinien. Tout au plus, il y a ces petits groupes qui sont extrêmement peu nombreux quantitativement, qui sont extrêmement minoritaires et notamment avant la guerre de juin 1967. C’est une poignée d’hommes, quelques centaines de militants. En 1967, après la défaite cinglante des régimes arabes et l’ébranlement de l’idéologie nationaliste arabe qui est consécutive à cette affaire, il est clair que les effectifs vont brutalement augmenter, passant d’une centaine à des milliers.

Donc entre 1948 et le milieu des années soixante, il n’y a pas de mouvement national palestinien et la question de la Palestine est aux mains des régimes arabes, en particulier de ces régimes qui se revendiquent aussi de l’idéologie nationaliste arabe (Égypte de Nasser, la Syrie baathiste, l’Irak du Baath, etc.). Donc mis à part la Jordanie et les pays du Golfe, les élites en place dans les autres pays se réclament du nationalisme arabe elles aussi et vont en quelque sorte instrumentaliser le soutien, largement rhétorique, à la cause palestinienne comme argument de légitimité interne dans leur propre pays. Cet argument de légitimité interne va également leur servir dans une espèce de combat pour la puissance régionale. Et c’est justement cela qui explique la naissance de l’OLP en 1964. En effet, plusieurs pays sont en compétition pour savoir quelle va être la puissance régionale autour de laquelle va se cristalliser l’unité de la future grande nation arabe. Parmi les compétiteurs, il y en a au moins deux extrêmement importants au début des années soixante : l’Égypte de Nasser, bien entendu leader du camp nationaliste arabe, mais aussi l’Irak postrévolution de 1958, qui a renversé la monarchie hachémite inféodée aux Britanniques et qui l’a remplacée par un régime militaire à la tête duquel se trouve d’abord le colonel Qassem qui va faire une surenchère terrible au soutien à la cause palestinienne à partir de 1959. Il faut savoir que la première unité militaire palestinienne à l’origine de l’ALP, Armée de libération de la Palestine, a été créée à Bagdad par Qassem en 1959, avant même qu’il y ait une OLP. Cette unité militaire n’a strictement rien à voir avec les petits commandos type Fatah et les autres groupes. Cela montre qu’il y a une surenchère nationaliste arabe manipulée par les différents régimes à des fins de légitimité interne et à des fins de domination régionale.

En 1959, l’Égypte réplique à ces surenchères irakiennes notamment, en poussant la Ligue des États arabes à adopter le principe - c’est la première étape de ce qui va devenir la création de l’OLP - d’une entité palestinienne (kiyân). C’est le même mot qu’on emploie dans le discours palestinien pour dire l’entité sioniste. Mais « Kiyân » c’est tout sauf quelque chose de concret, c’est justement pour ne pas dire un État. C’est une sorte d’espace institutionnel à l’intérieur des relations interarabes si l’on veut. Il n’y a aucune autonomie palestinienne dans cette initiative.

L’occasion immédiate qui va faire passer du « Kiyân » de 1959 à la création de la première OLP (celle de 1964) se trouve dans toute une série de tentatives israéliennes dont le « couronnement » est, en 1963, la tentative de détourner, en partie au moins, les sources du Jourdain. En 1963, le programme de détournement des sources du Jourdain par Israël atteint le point de non retour qui exige une réaction arabe. Elle va prendre la forme du premier sommet arabe. C’est contre le projet de détournement des eaux du Jourdain que va naître une nouvelle forme d’institution qui est l’institution « Sommet arabe », sommet des chefs d’État arabes. Ce premier sommet des chefs d’État arabes se réunit en Égypte sous la houlette de Nasser, en janvier 1964. Il va évidemment prendre une série de décisions liées à l’affaire du Jourdain et va créer un commandement arabe unifié qui servira ultérieurement dans la guerre de 1967, mais aussi, pour ce qui nous intéresse, va donc décider de la création de l’OLP. La première OLP, l’OLP pro-arabe si vous voulez, l’OLP des notables disent certains, l’OLP dirigé par le trop fameux Ahmad Choukeyri, un Palestinien c’est vrai, mais qui a eu une carrière arabe, ce qui veut dire qu’il a été au service de différents régimes arabes, par exemple représentant de l’Arabie saoudite à l’ONU, et qui a eu des phrases malheureuses sur le renvoi des Juifs à la mer qui l’ont rendu tristement célèbre, ou au contraire qui, aux yeux de certains, lui ont assuré une gloire immortelle.

Quoi qu’il en soit, ce qui m’intéresse au-delà de la personne de Choukeyri, c’est donc l’idée que ce n’est pas une OLP palestinienne si vous voulez, c’est une OLP de notables, soutenue par les régimes nationalistes arabes. Le projet de sa création naît au sommet arabe de janvier, mais elle va être créée dans une autre réunion, en mai 1964, à Jérusalem, la Jérusalem jordanienne de l’époque, et sous la haute présidence du roi Hussein de Jordanie. La création de l’OLP est aussi un défi à la Jordanie. C’est un défi de Nasser à la Jordanie. Commence à se poser là un problème qui ne trouvera sa résolution que dans le sang dans les rues d’Amman en 1970 et dans les montagnes du Nord de la Jordanie en 1971 : c’est la question cruciale de la représentation légitime des Palestiniens de Cisjordanie. Est-ce l’OLP à l’époque où nous nous plaçons qui est quand même palestinienne, même si ce sont des Palestiniens sous tutelle arabe, ou est-ce le roi Hussein de Jordanie puisqu’après tout la Cisjordanie à l’époque fait partie intégrante du territoire jordanien depuis 1950. Cette question ne cessera de se poser comme on le verra par la suite.

Le choix de la lutte armée s’explique donc par deux raisons :

suite

Le choix de la lutte armée s’explique donc par deux raisons :

-  il s’agissait de restructurer un champ politique palestinien dés-arabisé en quelque sorte, pour enlever aux États arabes la question palestinienne qu’ils manipulent via l’OLP de 1964 (qui l’ont manipulée autrement avant mais en dernier ressort par l’OLP de 1964), pour rendre aux Palestiniens leur propre combat civique ;

-  le choix de la lutte armée repose aussi sur ce que j’ai envie d’appeler un culte de l’action pour elle-même. À l’époque où je préparais ma thèse, j’ai fait un certain nombre d’entretiens avec des leaders et des cadres supérieurs et moyens, on va dire, des organisations palestiniennes de l’époque. C’était un peu a posteriori, au début des années soixante-dix, la lutte armée avait cinq, six ans. Ce qui m’avait beaucoup frappée c’était le culte de l’action pour elle-même. Le discours tournait autour de : « Nous on agit, on ne parle pas. » Autrement dit, c’était la réaction contre les rhétoriques arabes et on retrouve le point précédent qui est lié à celui-ci, bien entendu, de discours de libération qui en fait sont instrumentalisés et ne débouchent sur aucune action concrète. Nous on n’a pas de grands discours et on pose des faits concrets ; et de surcroît des faits concrets qui ne sont pas simplement destinés à être le pendant d’une rhétorique arabe vide et inefficace, mais qui sont aussi des faits qui cherchent à montrer au monde que nous existons. C’est un discours permanent, c’est-à-dire poser sur le plan régional et international l’existence du peuple palestinien qui vous fait glisser, pour reprendre la terminologie officielle, de « réfugiés » à « peuple », ce qui n’est pas forcément la même chose.

Du coup s’est développée une véritable mystique de la lutte armée, de la lutte armée pour elle-même, indépendamment de ses objectifs. Cela consiste à considérer qu’on n’avait pas d’objectifs très clairs, sinon de prendre les armes pour s’affirmer. C’était presque de l’ordre du : « Je prends les armes donc j’existe. »

Pour susciter des questions sur des comparaisons avec la question de la lutte armée aujourd’hui, on constate qu’il y a beaucoup de différences et beaucoup de points communs. Il y a peut-être aujourd’hui plus de projets politiques qu’il n’y en avait à l’époque, mais il reste qu’il y a une composante commune de la lutte armée comme affirmation existentielle et dans certains milieux aujourd’hui en Palestine, la lutte armée comme affirmation à partir d’un désespoir et non pas comme affirmation sacrificielle (les attentats suicide, les kamikazes, etc.). Le terreau, c’est un terreau de désespoir, à tous égards, mais ça n’est pas forcément pour autant du suicide, c’est de l’affirmation, c’est la seule affirmation qui leur reste.

Je reviens aux années soixante pour dire qu’il y avait cette très forte dimension de l’action pour elle-même, l’affirmation existentielle qui était forcément de l’ordre de la rédemption. J’emploie volontairement ce terme qui n’est pas du tout une recherche de ma part mais qui est presque la traduction littérale du mot « feddayin » : c’est le rédempteur, celui qui se sacrifie pour sauver le monde, pour sauver la communauté. L’idée de rédemption n’est donc pas surajoutée par des interprétations extérieures, elle est consubstantielle à la terminologie et à l’esprit de l’ensemble de cette lutte armée. La lutte armée est véritablement le moyen par excellence pour inverser, je dirais, la figure négative du réfugié humilié, blessé, dépossédé, qui n’est plus rien, en figure de combattant, c’est-à-dire en une figure positive qui prend les armes pour laver son humiliation et pour exister à nouveau.

La lutte armée palestinienne, qui est lancée dans les années soixante, s’inscrit dans une filiation historique. On n’est pas ici dans la rupture avec l’avant 1948, on est dans une filiation historique palestinienne, celle des mouvements de Qassam au milieu des années trente en Palestine qui a été le premier mouvement, ou l’un des premiers, qui ait lancé la première tentative de lutte armée en 1934-35, à la veille de ce qui va devenir ce qu’on appelle la grande révolte arabe de 1936 à 1939, qui va se manifester par une espèce de guérilla rurale qui va durer jusqu’à l’éclatement de la Deuxième Guerre mondiale. Le Fatah a d’ailleurs failli s’appeler « brigade Qassam », « mouvement Qassam ». C’est d’autant plus extraordinaire qu’aujourd’hui les brigades Qassam sont la branche armée du Hamas. Cela n’est pas extraordinaire du tout, la composante qu’on appelle aujourd’hui tous islamo-nationaliste, ce qui est la meilleure définition qu’on puisse trouver de ce que représente le mouvement Hamas aujourd’hui n’est pas du tout loin de l’esprit du fondateur du Fatah dans les années soixante. Et le fait qu’une fraction significative d’entre eux vienne des Frères Musulmans boucle d’ailleurs la boucle.

Qassam est revendiqué à la fois par les mouvements islamistes et par le mouvement Fatah et il se place dans cette généalogie de lutte armée proprement palestinienne qui est le mouvement des années trente.

Le projet de libération fondé sur la mémoire de la terre perdue

C’est donc une nouvelle élite politique qui parle au nom des réfugiés, qui choisit une stratégie de lutte armée au nom d’un projet de libération fondé sur la mémoire de la terre perdue. Ça a l’air d’être une évidence, une banalité, c’est plus intéressant que cela. Il faudrait pouvoir vous expliquer quels sont les contenus de cette mémoire de la terre et c’est plus compliqué qu’il y paraît. En deux mots simplement. La mémoire de la terre perdue est quelque chose qui apparaît de manière très directe dans le discours des réfugiés dans les années cinquante et encore aujourd’hui avec beaucoup de différences selon que l’on a à faire à des enquêtés de la première génération (ceux qui ont vécu l’exode), de la deuxième, voire de la troisième génération. Il existe une énorme littérature sur l’histoire orale palestinienne qui s’est accumulée depuis trente ou quarante ans et qui fait apparaître dans le discours des réfugiés cette omniprésence écrasante de la mémoire de la terre perdue. Si on regarde d’un peu plus près comment se dit cette mémoire de la terre perdue, on est frappé, par exemple, par le fait que ce n’est pas tant, comme on pourrait le penser, une terre mère, une terre nourricière, autrement dit la terre des paysans, la terre qui donne des fruits, la fécondité, mais beaucoup plus la terre comme support des groupes humains, la terre des ancêtres, la terre de la généalogie, la terre des hommes qui s’y sont succédés à travers les générations. C’est la terre de la communauté villageoise comme interaction entre des hommes qui, outre les solidarités de parenté qui sont premières, ont des solidarités aussi de voisinage à l’intérieur du village. Ceci est fondamental puisque les camps palestiniens se sont tous organisés - toutes les études le montrent - selon les lignes de solidarité de la parenté d’abord, du village d’origine ensuite, qui ont fait comme des espèces d’îlots juxtaposés dans les camps. Derrière le mot terre, c’est moins le sol comme simple support que des hommes sur ce sol et des hommes qui, par des générations successives qui remontent à un temps immémorial, se sont succédés et qui sont liés par des liens à la fois de parenté et de voisinage. Bien-entendu, cela demanderait à être développé davantage.

Dans le discours des réfugiés, on trouve une autre dimension de la terre : la terre comme paradis perdu, comme âge d’or du passé avec une espèce de pastoralisme bucolique. On retrouve ici l’abondance des fruits de la terre, des sources, de la beauté du village, etc., avec un certain nombre de thèmes qui sont devenus des lieux communs, des stéréotypes dont on ne sait pas très bien en fait d’où ils viennent parce qu’ils reviennent de manière extrêmement répétitive avec une même forme sur le plan lexical et narratif.

Le paradis perdu, l’âge d’or, situe alors beaucoup plus la terre dans le temps. C’est autant, sinon plus, un temps passé qu’un espace perdu. C’est la nostalgie d’un moment, d’une époque, d’une manière justement immémoriale de vivre et d’entrer en relations les uns avec les autres.

Mais cette mémoire, comme toutes les mémoires, n’est pas qu’une mémoire spontanée. On y trouve, en effet, les mêmes thématiques, jusqu’aux stéréotypes. C’est une mémoire qui est largement une mémoire reconstruite. C’est une mémoire collective, ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas des variantes individuelles, qu’il n’y a pas des formes d’individualité de mémoire qui ont fécondé la mémoire collective. Mais comment distinguer l’un de l’autre, comment se fait cette articulation entre l’individuel et le collectif dans le domaine de la mémoire ?

Cette mémoire est aussi passée par le filtre et la médiation du discours du mouvement national. Quelle est donc la part de « spontanéité » de cette mémoire et quelle est la part qui est reconstruite autour d’un certain nombre de thématiques de mobilisation qui ont été celles du mouvement national dans les années soixante ? Par exemple, l’idée que les Palestiniens, les réfugiés de Palestine, s’identifient à la figure du paysan de Palestine : omniprésence des thèmes liés à la ruralité (ça va de l’olivier, des collines de Cisjordanie et jusqu’aux robes brodées des femmes, à toute une forme de chansons, de littérature orale) thématique également présente durant la première Intifada avec la valorisation du patriarcalisme, de la culture villageoise à un moment où, en Cisjordanie, il y a longtemps qu’il n’y a plus de villages et très peu de villageois qui ne vivent que de la terre. Même en 1948, il n’y avait pas que des paysans, mais une foule d’employés, de classes moyennes, de petits artisans, etc. Cela signifie qu’on est dans une sorte de réduction idéologique de la réalité. Le mouvement national choisit comme signe de ralliement le keffieh, c’est-à-dire la coiffure du paysan. Le mouvement national des années soixante n’invente pas le keffieh du paysan comme emblème national du combat, il le reprend aux révoltés de la révolte de 1936. Mais ce qui est très intéressant, c’est que les révoltés de 1936, et surtout des années qui suivent, ne l’utilisent pas seulement comme on réutilise un emblème paysan, mais comme emblème d’une paysannerie militante, c’est-à-dire comme l’emblème de la jacquerie. En 1939, par exemple, ils investissent Jaffa et ils obligent les notables de la ville (ceux qui ne sont pas partis chassés par la peur) à ôter le fez, le tarbouche, et à le remplacer par le keffieh. Autrement dit, le keffieh a une connotation de lutte sociale extrêmement forte en 1938-39. Quand l’OLP reprend à son compte cet emblème, il en fait l’emblème d’une espèce de paysan désincarné socialement - et non plus un acteur d’une lutte sociale - qui est devenu la métaphore du peuple palestinien tout entier. Il y a donc une reconstruction de la mémoire autour de l’archétype du paysan, par exemple, qui est largement une reconstruction due au mouvement national, qui est vidé du contenu social et qui est sûrement très réducteur par rapport à la richesse des mémoires palestiniennes des réfugiés.

La formation de la seconde OLP

Assez vite, les groupes armés Fatah, Front populaire, Front démocratique et autres vont investir l’OLP de 1964 de l’intérieur. À partir de 1968-69, entre les deux Conseils nationaux palestiniens de 1968 et 1969, apparaît la deuxième OLP, avec à sa tête, à partir de février 1969, Yasser Arafat comme secrétaire général. C’est un investissement de la structure institutionnelle OLP première version, une subversion intérieure par les hommes des commandos. L’OLP de 1964 avait une peur panique d’être débordée par ses propres activistes et, d’une certaine manière, ces nouveaux activistes, eux, avaient intérêt à intégrer une structure déjà existante qui était une espèce de parapluie fédérateur pour l’ensemble des groupes. Cette intégration des commandos, qui prennent en charge l’OLP de l’intérieur, est importante car en même temps elle parle de mettre en place dorénavant un groupement national qui est donc fédéré sous un parapluie unique, mais l’OLP est aussi une coalition de groupes qui vont tout au long de leur histoire essayer de trouver un équilibre fondé sur des rapports de force avec toutefois une hégémonie Fatah sur les autres groupes qui va être en permanence dénoncée par les autres, avec toute une série de luttes internes de courants mais qui n’ont jamais débouché, avant les années 1980, sur des liquidations physiques, à la différence du FLN algérien par exemple. L’OLP est un mouvement plein de rivalités entre groupes qui n’ont jamais réussi à unifier leurs forces armées, ce qui veut dire que l’initiative de lancer une action de commando est soit Fatah, soit FP, soit FD, et non OLP. Alors d’un côté on va garder les brigades de l’Armée de libération de la Palestine dépendant de l’OLP et de l’autre côté on a une série de groupes dépendant chacun d’un état-major distinct, fédérés dans une OLP qui a par ailleurs une vie institutionnelle réelle mais qui est divisée de l’intérieur et toujours dans l’équilibre ou le déséquilibre, dans le rapport de forces interne mais sans violences physiques.

Le projet de libération qui est mis en oeuvre et qu’on peut suivre à travers les textes (cf. charte de l’OLP de 1964, charte remaniée de 1968, programme dit « programme en sept points » de 1969 du Fatah qui va devenir à partir de 1969 d’ailleurs le nouveau programme OLP connu sous le nom de Programme de l’État démocratique) n’est pas un véritable projet de reconquête territoriale. Il s’agit bien de libérer la terre de Palestine du Jourdain jusqu’à la mer - d’une certaine manière toute la Palestine de 1948 - mais l’objectif principal de la mobilisation par la lutte armée n’est pas véritablement un projet territorialisé. Il s’agit d’un projet de libération, c’est-à-dire un projet de retour au statu quo ante, autrement dit d’élimination du sionisme pour revenir à une Palestine d’avant. Alors d’avant quoi ? Peut-être pas seulement d’avant 1948 immédiatement. La charte de 1968 parle de « avant l’invasion sioniste ». Mais quand commence l’invasion sioniste ? En 1948, en 1917 (déclaration Balfour) ou alors avec la première alya en 1880-82 ? Donc ce projet de libération, c’est un projet de retour au statu quo ante d’une certaine manière et c’est l’absence de pro- jet politique clair sur la lutte pour un État par exemple sur un territoire donné. Les mots autodétermination, souveraineté, ne figurent pas dans la charte de 1964, ils figurent de manière allusive et sans précision de la nature de l’État qu’on veut construire dans la charte de 1968 et ne figurent pas du tout dans le projet de 1969.

Le programme de 1969 me paraît pourtant être une étape fondamentale, ce programme dit d’État démocratique (le mot est très mauvais parce que, je viens de le dire, on ne fait pas de projet d’État). Derrière le mot État, ce n’est pas le mot dawla qui figure mais le mot mugtama’ (société), ce qui n’est pas tout à fait la même chose. Mais c’est pourtant un tournant vers quelque chose qui va être infléchi petit à petit dans les années qui vont venir vers un projet d’État territorialisé en Palestine.

Ce projet est important parce qu’il fait, pour la première fois dans l’histoire du mouvement national palestinien post-1948, une différence nette entre Juifs et sionistes en disant : « Nous ne combattons pas les Juifs comme communauté ethnique et religieuse, nous combattons le sionisme. » Ceci pose un autre problème, celui de « dé-sioniser » les Juifs d’Israël..., débat central dont je ne parlerai pas faute de temps.

Le deuxième volet important de ce projet est la manière de poser une société cette fois non pas du passé (retour au statu quo ante) mais de l’avenir en disant « nous voulons bâtir une société, (pas un État) où musulmans, chrétiens et juifs (en utilisant des définitions confessionnelles ou communautaires) vivraient ensemble, etc. ». C’est cela qu’on appelle à tort le projet d’État démocratique. C’était la volonté de créer à terme (au terme du projet de libération) une société (non un État) multiconfessionnelle plutôt que binationale.

Là-dessus, un autre mouvement palestinien, le Front démocratique de libération de la Palestine, a produit un autre projet qui affine le précédent, qui se veut non pas un projet multiconfessionnel mais binational, mais qui en fait ne réfléchit pas beaucoup à la binationalité parce qu’il la pose dans une espèce d’horizon très utopique là aussi qui est celui de la grande nation arabe socialiste qui naîtra un jour et dans lequel au fond les dénominations nationales n’auront plus de sens à terme.

Donc on est dans les deux cas, à des niveaux tout à fait différents, dans une espèce d’utopie qui ne précise pas un projet extrêmement précis, ni pour le Fatah, ni pour le Front démocratique.

Mais pour que ce projet devienne un véritable programme politique, un programme de reconquête d’un territoire, il faut faire la différence fondamentale entre deux mots : terre et territoire. Jusqu’à maintenant on n’a parlé que de la terre, maintenant on est en train de parler de territoire. Le projet de libération d’avant 1969 est typiquement un projet de libération de la terre ; il s’agit de la nostalgie de la terre, d’une terre vécue, ancestrale, etc., avec laquelle on a un lien immémorial. Mais quand on parle de territoire, on va l’employer comme fondement d’une communauté politique qui, de fait, prendra normalement la forme d’un État. C’est donc graduellement après 1969 qu’on va passer de projet de libération de la terre à un projet de construction d’un État.

Mais comment voulez-vous aspirer à un territoire si vous en êtes radicalement et physiquement exclu ? Comment voulez-vous vous réapproprier un territoire lorsque vous en êtes exclu ? La grande faiblesse historique objective c’est que voilà un mouvement national qui s’est construit en dehors de son territoire. Voilà sa grande faiblesse ; elle est congénitale, elle est dramatique. Il dépend des régimes arabes pour le territoire, pour une partie de son financement, pour un soutien éventuellement diplomatique et politique, il est dans la dépendance totale des États arabes. Vous n’imaginez pas qu’on aurait pu construire une telle institutionnalisation de l’OLP dans les années soixante-dix à Beyrouth, une sorte d’État dans l’État, un embryon d’État sur le territoire libanais, une enclave quasiment extra-territoriale, mais avec effectivement de véritables départements quasi ministériels, une bureaucratie si l’on veut, une administration, sans l’argent du pétrole, donc l’argent arabe.

Donc faiblesse congénitale d’un mouvement qui ne contrôle pas

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10 janvier 2009 6 10 /01 /janvier /2009 23:11
Deir Yassin, 60 ans après
publié le jeudi 17 avril 2008

Dominique Ballereau
 
Commémoration du massacre de Deir Yassin sur les lieux-mêmes de la tragédie, soixante ans après (10 avril 2008)

Le massacre de Deir Yassin, le 9 avril 1948, fut l’un des plus hauts faits terroristes de la communauté juive de Palestine (le Yichouv) contre la population arabe locale. Ces actes barbares avaient pour but de provoquer l’un des premiers nettoyages ethniques de l’après-guerre.

La veille du massacre, le chef militaire palestinien Abdel Kader al-Husseini meurt au cours de la bataille du Castel, sur la route reliant Tel Aviv à Jérusalem. Les combattants arabes sont démoralisés et se replient de la région. Deir Yassin, petit village musulman proche du lieu de la bataille, est livré à lui-même.

Le 9 avril au matin, deux bandes armées juives, l’Irgoun et le Lehi, attaquent le village, mais face à la résistance de ses défenseurs palestiniens, des éléments de la Haganah et du Palmach prêtent main forte aux assaillants et achèvent sa conquête. Les deux groupes terroristes juifs attaquent alors la population civile sans défense et laissent plus de 100 victimes sur le terrain.

L’histoire de six dames âgées et d’un vieux monsieur

Ce 10 avril 2008 à 16 heures, nous nous retrouvons dans le quartier de Givat Shaul, à quelques kilomètres à l’ouest de Jérusalem. Le rendez-vous a été fixé au croisement des rues Kanfei Nesharim et Azulay. La commémoration du massacre de Deir Yassin est une initiative de l’association israélienne des droits de l’homme « Zochrot » (souvenir en hébreu) et de « Deir Yassin Remembered », une organisation américaine pour le souvenir. Les militants de Zochrot portent des tee-shirts noirs marqués du nom de leur association, en arabe, en hébreu et en anglais. Autour de nous, des journalistes interrogent les militants, filment le regroupement. Une horde de soldats et de policiers, parfois en armes, nous entourent, et retransmettent en direct nos faits et gestes.

A l’écart et assis dans un minibus, six dames âgées et un vieux monsieur, tous palestiniens, attendent que le cortège démarre. Ils ont entre 70 et 80 ans, et sont parmi les derniers témoins de la tragédie de Deir Yassin. Zochrot les a invités à participer à cette marche du souvenir, et leurs témoignages seront essentiels.

Omar est un sympathique Palestinien d’Israël, la quarantaine sportive et énergique. Il mène le cortège jusqu’au village martyre, en alternant interviews des 7 témoins palestiniens et haltes de recueillement devant les ruines aujourd’hui abandonnées dans les herbes folles. Eitan Bronstein, le Directeur de Zochrot, parlemente avec la police pour un bon déroulement de la marche. Il distribue pancartes, panneaux et banderoles.

Il y a de nombreux Israéliens, souvent jeunes, des étrangers. J’ai noté la présence de 4 Français de l’AFPS-Rouen. Trois panneaux portent les noms de la centaine de victimes, écrits en arabe et en hébreu. Bientôt les 7 invités palestiniens nous rejoignent et le groupe d’une soixantaine de personnes commence sa lente marche. Nous traversons la rue Kanfei Nesharim puis la suivons sur la gauche sur environ deux kilomètres.

Omar et le vieux monsieur palestinien se tiennent par la main. Il s’appelle Abdelkader Zidane. De sa main libre, et pendant qu’ils marchent lentement, Omar tient un micro devant la bouche de son compagnon. Celui-ci raconte, la voix éteinte et hésitante, ce que fut le calvaire de son village tandis qu’Omar traduit ses paroles en hébreu. Pour moi, qui ne comprends aucune de ces langues, je demande aux jeunes Israéliens présents de me délivrer quelques bribes de traduction en anglais, ce qu’ils font avec dévouement.

Les passants israéliens qui nous croisent lisent attentivement les panneaux et banderoles. Si la plupart repartent sans commentaire, d’autres abreuvent les organisateurs israéliens d’insultes : « quand les Arabe seront une majorité dans notre pays, que diras-tu ?... » Nos amis israéliens ne répondent pas à ces propos racistes.

Au bout d’une heure de marche, apparaît sur notre gauche un vaste terrain vague où nous observons un chaos de blocs détruits au milieu d’une végétation à l’abandon. Avec sa canne, Abdelkader nous montre les anciennes maisons, une à une. « Ici habitait… » Les caméras de télévision tournent pratiquement en continu. Les 6 dames, timides, hésitent à répondre. Puis peu à peu, leurs langues se délient. Dans des sanglots à peine retenus, elles racontent les cauchemars de enfance.

Nous poursuivons la marche puis tournons sur notre gauche, rue Katsenelenbogen, en longeant sur son côté perpendiculaire le terrain vague précédent. Des automobilistes furieux nous claxonnent, mais nos policiers leur font signe de se calmer. Au bout de 100 mètres, nous trouvons sur notre droite les restes du village de Deir Yassin, aujourd’hui transformé en asile psychiatrique. L’entrée est barrée par une porte mobile, et nous ne rentrerons pas sur le site sacré. Deux gardiens nous observent d’un air rigolard. Ils ont parfaitement compris l’objet de notre visite.

Puis nous longeons le village, entouré d’une haie métallique parallèle à la rue. Nous remarquons de vieux murs délabrés, immédiatement identifiés par Abdelkader. Au bout de 300 mètres, la haie se sépare de la rue et se dirige vers une petite colline, qui domine des terrains de sport où jouent des adolescents. Arrivés au sommet, nous faisons une longue halte qui nous permettra de dialoguer avec nos invités palestiniens.

Les trois panneaux couverts des noms des martyrs de Deir Yassin sont posés contre la haie, et chacun s’écarte pour former un demi cercle. Les 6 dames aux regards absents, belles dans leurs longues robes, s’en approchent et, lentement, lisent les noms un à un. Des doigts se tendent vers un nom, puis un autre. « C’était ma mère, mon père, mon frêre, ma soeur… » Le silence est chargé d’émotion et de dignité. L’une des dames tombe en sanglots, aussitôt entourée et réconfortée par ses amies. Soixante ans de deuil et de douleur remontent à la surface, et nous souffrons tous avec elles.

Puis Abdelkader nous raconte les événements du 9 avril 1948 avec une étonnante mémoire. Membre de la garde armée qui protégeait le village, il a fait le coup de feu contre ceux qui voulaient les anéantir. Après la tuerie, les Palestiniens rescapés partent pour des camps de réfugiés. L’une des Palestiniennes vit aujourd’hui dans un camp proche de Jérusalem, mais on veut l’expulser une nouvelle fois pour construire une route. Le long dialogue entre Omar et son compagnon se poursuit, riche en récits de première main.

Bientôt, il faut nous résoudre à clore la cérémonie. Nos 7 amis palestiniens nous remercient du fond du cœur. Fatma, l’une des six dames, s’approche de moi, me prend par le bras et me dit : « choukrane ». Ce geste restera précieux pour moi. Abdelkader a droit à la conclusion : « Nothing but memory ». Le groupe se fragmente, les caméras se rangent, les voitures démarrent et la colline est rendue à ses promeneurs habituels alors que le soleil décline sur l’horizon.

Dominique Ballereau (CVPR, Comité de Vigilance pour une Paix Réelle au Proche Orient)

Le CVPR (Comité de Vigilance pour une Paix Réelle au Proche Orient) intervient dans les domaines de l’information et la sensibilisation de l’opinion publique,du droit international et agit auprès des élus et responsables politiques

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10 janvier 2009 6 10 /01 /janvier /2009 23:10
1978 : « Israël n’a jamais eu la moindre visée sur le Liban »
// 1978 : "Israel has never had any designs at all on Lebanon"

Publié le 17-04-2008


A l’aube du 15 mars 1978, l’armée israélienne envahit le Liban avec plus de 20.000 hommes, et occupe la partie sud du pays.

Officiellement, l’opération « Litani » est conduite en représailles d’un attentat terroriste palestinien qui a tué 37 civils israéliens ; elle se traduit par la mort d’un millier de Libanais et Palestiniens, principalement des civils, avec au moins trois cas de massacres de masse de villageois (à Abbasieh, Khiam et Kounin) par les troupes terrestres de « Tsahal ». Près de 300.000 habitants, Libanais et Palestiniens, sont contraints à l’exode, vers le Nord.

Le 19 mars, le Conseil de sécurité de l’ONU vote la résolution 425 qui instaure la création d’une force internationale d’interposition, la FINUL, et ordonne à Israël de se retirer. « Nous ne voulons pas un kilomètre carré du Liban, et pas un litre de son eau », clame le gouvernement israélien, dont l’occupation du Liban ne cessera pourtant que 22 ans plus tard, sous les coups de boutoir de la résistance dirigée par le Hezbollah. Au cours de cette longue occupation, déléguée aux milices alliées que sont « l’Armée du Liban Libre », puis « l’Armée du Sud Liban », Israël tentera, sans succès, d’intégrer la région à son propre marché, tout en exerçant les pires violences contre la population.

Le Liban est en réalité inscrit, presque depuis le début, à l’agenda du mouvement sioniste. A la veille de la guerre de 1948, le leader du mouvement, David Ben Gourion, prie pour la « libération » de la totalité d’Eretz Israel (« la terre d’Israël »), une zone devant comprendre, non seulement la Palestine, mais aussi la Jordanie, le désert du Sinaï et la partie méridionale du Liban, jusqu’au fleuve Litani. Il rêve dès cette date de la disparition du Liban, avec Israël annexant le sud, et un micro « Etat chrétien » confié à une marionnette (« un simple capitaine de l’armée suffira », écrit-il) au nord.

Les choses ne se dérouleront pas exactement ainsi, mais l’objectif ne sera pas oublié. En 1948, l’armée israélienne conquiert déjà 7 localités, dont les habitants sont expulsés voire massacrés comme ce fut le cas pour les villages de Houla et de Sulha, et elle procède ensuite à des dizaines d’agressions entre 1949 et 1964, c’est-à-dire une époque où la guerilla palestinienne n’était pas encore née. Lorsque l’OLP s’implante au Liban et lance des opérations armées contre Israël au départ de ce pays, après la guerre de 1967, Israël ne réserve pas ses coups à la seule population des camps palestiniens et à ses combattants. L’Etat juif attaque aussi, systématiquement, des objectifs strictement libanais, pour saper l’infrastructure du pays. Le dynamitage de toute la flotte de la compagnie d’aviation civile libanaise MEA, fin 1968 à Beyrouth, illustre bien cette volonté : « le Liban ne doit pas exister »

C’est la même volonté qui conduit le général israélien Dan Halutz, lorsqu’il lance une guerre totale contre le Liban en juillet 2006, sous le prétexte fantaisiste d’obtenir la libération de deux de ses soldats capturés dans un incident de frontière, à promettre : « Nous ramènerons le Liban vingt ans en arrière ».

par CAPJPO-EuroPalestine


ENGLISH TEXT----------------------------

1978

"Israel has never had any designs at all on Lebanon"

On 15 March 1978 at daybreak, 20,000 Israeli army troops invaded Lebanon and occupied the southern part of the country. The official story was that the "Litani" operation was a reprisal for a Palestinian terrorist attack which had killed 37 Israeli civilians ; but the "Tsahal" ground troops proceeded to kill one thousand Lebanese and Palestinians, mostly civilians, and there were at least three cases of mass murder, carried out in the villages of Abbasieh, Khiam and Kunin. Some 300,000 inhabitants, both Lebanese and Palestinians, were forced to flee northwards.

On 19 March, the UN Security Council voted Resolution 425 creating an international intervention force, the UNIFIL, and ordered Israel to withdraw. "We don’t want one square kilometer of Lebanon, and not one litre of her water", declared the Israeli government. And yet the occupation of Lebanon was to last for 22 years, until it was forced out by the Hezbollah-led resistance. During this lengthy occupation, contracted out to allied militias, i.e. the "Army of Free Lebanon" and then the "Army of South Lebanon", Israel tried in vain to integrate the region into its own sphere of power, all the while practising the worst forms of violence on the population.

Lebanon had in fact been included, almost from the start, in the agenda of the Zionist movement. On the eve of the 1948 war, the leader of the movement, David Ben Gurion, prayed for the "liberation" of the whole of Eretz Israel ("the land of Israel"), a region supposedly comprising not only Palestine but also Jordan, the Sinai desert and the southern part of Lebanon as far as the Litani river. Ben Gurion was already dreaming about the disappearance of Lebanon, with the south annexed by Israel and a tiny "Christian state" in the north, to be entrusted to a puppet ("a mere army captain will do", he wrote).

Things didn’t go quite according to plan, but the aim was never to be forgotten. In 1948, the Israeli army had already conquered seven areas, whose inhabitants were expelled, if not slaughtered as in the case of the villages of Houla and Sulha ; the army subsequently carried out dozens of attacks between 1949 and 1964, during a period when the Palestinian guerrilla movement hadn’t yet been born. When the PLO installed itself in Lebanon and launched armed operations from that territory against Israel after the 1967 war, Israel did not confine its attacks to the Palestinian camps and fighters. The Jewish state also systematically attacked targets which were purely Lebanese, in order to damage the country’s infrastructure. The dynamiting of the entire fleet of MEA, the Lebanese civil aviation company, at the end of 1968 in Beirut, was a demonstration of its desire for Lebanon’s destruction.

This same yearning led the Israeli general Dan Halutz to vow "We will knock Lebanon back twenty years" when he launched total war on Lebanon in July 2006, on the supposed pretext of freeing two Israeli soldiers captured during a border skirmish.

By CAPJPO-EuroPalestine

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