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Noesam@Voila.fr

  • : sionazisme
  • : Tout Juif qui se respecte, religieux ou séculier, ne peut plus garder le silence, voir pire, soutenir le régime sioniste, et ses crimes de génocide perpétrés contre le peuple palestinien...La secte sioniste est à l’opposé du Judaïsme. .................... Mensonge, désinformation, agression, violence et désobéissance de la loi internationale sont aujourd’hui les principales caractéristiques du sionisme israélien en Palestine.
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Israèl est contre TORAH

*"Les sionistes me dégoûtent autant que les nazis."
(Victor Klemperer, philologue allemand d'origine juive, 1881-1960)

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L’initiative sioniste de proclamer l’État d’Israël constitue une révolte contre la volonté divine, contre la Torah, une révolte qui a engendré une vague interminable de violence et de souffrance. À l’occasion de la fondation de l’État hérétique, les juifs fidèles à la Torah pleurent cette tentative d’extirper les enseignements de la Torah, de transformer les juifs en une « nation laïque » et de réduire le judaïsme au nationalisme.......Nous déplorons les tragédies que la révolution sioniste a provoquées chez les Palestiniens, notamment des déportations, l’oppression et la subjugation..Que nous méritions que cette année toutes les nations, en acceptant la souverainet

é divine, puissent se réjouir dans une Palestine libre et dans une Jérusalem libre! Amen. Offert par Netouré Karta International : www.nkusa.orglink

                                               


   

 


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FATHER OF SIONAZISJACOB HITLER

La prétendue ascendance juive d'Hitler: Une "explication" par la haine de soi
Une publication parue cette semaine a attiré mon attention. Il s’agit ni plus ni moins de la généalogie d’Adolf Hitler qui aurait des ascendants juifs !! Dans son article, Gilles Bonafi présente une fiche des Renseignements généraux que le magazine Sciences et Avenir a publié en mars 2009, et où on peut clairement lire le deuxième prénom d’Hitler : Jacob. Adolf Jacob Hitler serait le petit-fils de Salomon Mayer Rothschild. Cette information a été divulguée par deux sources de très haut niveau : Hansjurgen Koehler officier d’Heydrich, qui était lui-même l’adjoint direct d’Heinrich Himmler et Walter Langer le psychiatre qui a réalisé le profil psychologique d’Hitler pour l’OSS, les services secrets US pendant la Seconde Guerre mondiale.
SOURCE ;alterinfo

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26 janvier 2009 1 26 /01 /janvier /2009 17:16

Gaza – Médias en guerre (3) : « Bavures » audiovisuelles

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Gaza – Médias en guerre (3) : « Bavures » audiovisuelles




Gaza – Médias en guerre (3) : « Bavures » audiovisuelles

Au moment où cet article paraît, la plupart des médias ont, depuis plusieurs jours, amorcé de légères inflexions dans le traitement de l’invasion israélienne de Gaza : critiques acerbes du blocus imposé aux journalistes interdits de séjour à Gaza par l’armée israélienne, constats moins édulcorés des crimes perpétrés par cette même armée, etc. Et l’annonce, le 18 janvier, d’une trêve d’une semaine par le Hamas et d’un cessez-le-feu israélien contribuera à effacer les traces du traitement médiatique pendant les semaines qui ont précédé.

Raison supplémentaire de lutter contre l’amnésie par le rappel de quelques prouesses : la désinvolture des présentateurs et des interviewers, l’adoption, notamment par le vocabulaire employé, du point de vue israélien sur les raisons et les objectifs des bombardements et de l’invasion (ainsi que sur les résultats escomptés et les risques encourus). Echantillon…

Ce relevé, présenté chronologiquement, de quelques « bavures » significatives, commises entre le 27 décembre et le 10 janvier, ne porte pas sur les commentaires qui se présentent comme tels (et presque tous favorables à la version israélienne) ; il n’est ni exhaustif, ni exclusif de reportages et d’analyses plus ou moins irréprochables que l’on a pu voir ou entendre par ailleurs.

27 décembre : « Plomb durci » contre « le Hamas »

Nous l’avons relevé d’emblée (« Médias en guerre (1) : Sous couvert de neutralité ») les motifs qu’invoque le gouvernement israélien (des « représailles »), les objectifs qu’il affiche (en finir avec les tirs de roquettes) et la cible qu’il prétend fixer à l’armée (le Hamas) sont enregistrés comme des informations indiscutables.

27 décembre 2008 à 20 h. Les titres du JT de TF1 nous apprennent qu’Israël «  bombarde le Hamas à Gaza en représailles contre les tirs de roquettes ». Et comme il va de soi que les bombardements ne visent que le Hamas et n’atteignent que cette cible, TF1 peut affirmer, sans citer la moindre source : « L’opération israélienne de ce matin a touché avant tout des infrastructures de sécurité et des dépôts d’armement des islamistes du Hamas ».

Il faudra attendre quelques jours, quand l’aviation israélienne aura bombardé délibérément trois écoles de l’ONU, pour que les affirmations deviennent moins péremptoires : « Deux écoles touchées » [charmant euphémisme…] titrera France 2, « une école de l’ONU bombardée », précisera TF1 [1] : des titres qui sont subitement mis à la voix passive et évitent de nommer le responsable.

Le même jour, à la même heure, sur France 2, Marie Drucker reprend la même information : « Israël affirme ce soir qu’il n’y avait d’autre solution que la voie militaire. Israël qui a lancé ce matin des raids aériens massifs contre le Hamas à Gaza. ». Mais elle ajoute aussitôt : «  Objectif affiché  : en finir avec les tirs palestiniens de roquettes de ces dernières semaines  », laissant entendre mais sans le dire qu’il pourrait y avoir d’autres objectifs. Encore un effort et l’information sera fournie avec le recul nécessaire !

Des « raids aériens massifs » qui, selon l’armée israélienne, ne viseraient que le Hamas, cela ne va pas sans « risques ». Mais lesquels ?

29 décembre : David Pujadas interroge

Le 29 décembre, David Pujadas reçoit Avi Pazner. Auparavant, un sujet revient sur l’histoire du Hamas et conclut : « Les tirs de roquettes sur les villages israéliens poussent le ministre de la défense Ehoud Barak à bombarder Gaza , ce qui n’est pas sans risque politique ». Le « risque », ou plutôt la certitude, de tuer un nombre conséquent de civils, n’a en effet pas dû peser bien lourd face au « risque politique » (de récupérer quelques points dans les sondages ?) : autant ne pas mentionner le premier de ces « risques ».

David Pujadas pose alors trois questions à Avi Pazner. Trois questions qui permettront à ce dernier de détailler pendant près de deux minutes sa vision, parfaitement neutre, des opérations militaires que le gouvernement dont il est le porte-parole mène depuis trois jours. La première porte sur l’avenir de l’opération « Plomb durci », ce qui permet de ne pas évoquer son passif, notamment en termes de victimes civiles : « Est-ce que l’armée israélienne va entrer dans Gaza, se prépare à entrer dans Gaza ? ». La deuxième s’appuie sur un rappel dont on se demande le rôle exact : « Alors Monsieur Pazner, pensez-vous vraiment que la solution contre le Hamas dont la plupart des pays du monde s’accordent à penser qu’il s’agit bien d’un mouvement terroriste , pensez-vous que cette solution est militaire et uniquement militaire ? ». Quant à la troisième, qui épouse le point de vue israélien (« Mais Monsieur Pazner, est-ce qu’en augmentant la pression militaire sur le Hamas vous n’en faites pas encore plus un martyr, vous ne faites pas finalement son jeu ? »), elle évite soigneusement la question de la « pression militaire » qui pourrait « martyriser » la population civile de Gaza.

29 décembre 2008 : Harry Roselmack comptabilise

Le 29 décembre, 16 minutes et 20 secondes après le début du journal, Harry Roselmack, se résout à « lancer » un premier « sujet » sur la situation à Gaza : « Les raids israéliens se sont poursuivis sur des édifices du Hamas et contre les forces de sécurité du mouvement palestinien . Le dernier bilan fait état de 345 morts parmi lesquels une cinquantaine de civils  » Or le commentaire, dans le « sujet » qui suit, annonce : « les bombardements auraient fait plus de 340 morts dont une soixantaine de civils  ». S’il est vain d’exiger un bilan « exact » – qui serait le même sur toutes les chaînes – dans un contexte où les informations contradictoires se succèdent, un bilan qui de toute façon ne veut pas dire grand-chose, on peut en revanche s’attendre à ce que les titres correspondent au moins aux propos tenus dans les reportages qu’ils annoncent. On objectera peut-être qu’il n’y a « qu’ » une dizaine d’écart. Une dizaine de morts civils. C’est-à-dire autant que les victimes civiles israéliennes en huit ans de « harcèlement » par le Hamas à Sderot, comme le rappelait par exemple un reportage de la veille (et bien d’autres) : « En huit ans, 700 roquettes se sont abattues sur la ville, faisant dix morts et 150 blessés  ». En trois jours, combien d’obus sur Gaza ?

31 décembre : De même que… de même

Sur TF1, le 31 décembre 2008, à 20 heures, 22 minutes et 15 secondes après le début du journal, il est temps d’évoquer la situation à Gaza. Après quelques brèves informations et l’inévitable reportage à Sderot (voir notre article précédent), la transition « équilibrée » est toute trouvée : « Les frappes israéliennes se poursuivent, pour le cinquième jour, de même que les tirs de roquettes palestiniens sur le sol de l’Etat Hébreu. Ce matin, une vingtaine d’engin ont explosé dans différentes localités israéliennes proches de la bande de Gaza. »

1er janvier 2009 : Harry Roselmack interroge

Le 1er janvier 2009, le « 20 h » de TF1 diffuse une interview (enregistrée à l’ambassade d’Israël) de Tzipi Livni, ministre des Affaires Etrangères d’Israël, par Harry Roselmack, qui laisse libre court, pendant 2 minutes 40, à la propagande attendue. Comment pourrait-il en être autrement quand la question la plus informée et la plus effrontée posée à une ministre directement responsable de la guerre que mène son gouvernement est la suivante : « Est-ce que la position, l’argument, de certains évoquant la disproportion des moyens et des bilans dans cette crise… est-ce que ces arguments-là vous les entendez et est-ce que vous en tenez compte ? » Sauf erreur ou omission de notre part, aucune « voix » palestinienne ne bénéficiera d’une interview similaire sur TF1.

2 janvier : Objectif affiché

Sur France 2, le 2 janvier, il est impossible d’évoquer les manifestations des Palestiniens à Jérusalem et dans les territoires occupés par Israël, sans le faire du point de vue du gouvernement israélien et des objectifs qu’il affiche : «  Des milliers de Palestiniens sont descendus aujourd’hui pour soutenir les habitants de Gaza pris sous les bombes israéliennes. [...] Dans tout le territoire palestinien, les frères ennemis du Fatah et du Hamas ont même défilé côte à côte. C’est une conséquence de cette offensive d’Israël , en voulant assurer sa propre sécurité, le pays semble avoir ressoudé contre lui le peuple palestinien dans son ensemble. »

6 janvier : Un premier chef d’œuvre de Jean-Pierre Pernaut

Ce jour-là, le journal est construit autour d’un fil conducteur : le froid et la neige, bien sûr . Mais ce qui est censé nous tenir en haleine, et ce qui fait périodiquement apparaître un sourire prometteur sur le visage de Jean-Pierre Pernaut, c’est le reportage sur Tahiti promis pour la fin du journal. Plus de 9 minutes après le début du journal, JPP rassure les téléspectateurs : il n’a pas fini de parler du froid. Et il leur promet de se réchauffer. Mais entre temps, entre le grand froid et le grand soleil, il faut bien parler d’autre chose :

- Jean-Pierre Pernaut : « Voilà. On reparlera du froid et de la neige tout à l’heure et on ira aussi se réchauffer [un sourire s’esquisse en promettant les alléchantes images] un petit peu comme tous les jours cette semaine à Tahiti. Venons-en maintenant à la situation toujours aussi préoccupante, très préoccupante, au Proche-Orient ».

L’examen de cette situation « préoccupante » et même « très préoccupante » ne préoccupe pas longtemps Jean-Pierre Pernaut qui lui consacre moins de temps qu’au seul reportage sur Bora Bora (qui s’inscrit dans une série de carnets de voyages), et deux fois de temps qu’aux reportages sur le froid et la neige en France qui occupent 14 minutes 24, soit 34 % du journal. Les effets de la météo et le tourisme à Bora Bora ne prennent que 50% de la durée du JT, et si l’on ajoute un reportage d’une longueur inhabituelle sur… le patois bourdonnais, on atteint le chiffre de 24’20, soit 60% du JT. C’est, en effet, « préoccupant, très préoccupant »…

6 janvier : « Bavure » ?

Le 6 janvier sur TF1 à 20 h, Laurence Ferrari interroge Denis Brunetti : « Est-ce qu’on peut dire que cette attaque qu’une école qui a fait 43 morts au moins parmi les civils palestiniens est la première grosse bavure de l’armée israélienne ? » Le délicat vocabulaire de la « bavure » est de retour… Il se répandra partout, notamment dans la presse écrite [2]

Le même jour, France 2 est, elle aussi, saisie par le doute : « Faut-il parler de bavure militaire ? Il est encore trop tôt pour le dire ». Mais il est déjà trop tard pour s’apercevoir que le terme de « bavure » est parfaitement déplacé, que la version israélienne soit confirmée ou non. Plus généralement, ce sont tous les mots de la guerre qui se sont répandus : nous les avions, à propos de l’ainsi nommé « conflit israélo-palestinien », déjà relevés dès 2002 (« Les mots et les images (1) : Des mots innocents ? »), puis en 2007 (« 24 heures d’information ordinaire sur France Culture »), comme nous l’avons fait pour de nombreuses guerres depuis 1999 [3].

6 janvier : Laurence Ferrari s’inquiète

Ce même 6 janvier, sur TF1, il faut attendre 20h09 avant que Laurence Ferrari « s’inquiète » dans les termes suivants : « Situation très inquiétante qui ne cesse de s’aggraver à Gaza. La violence des combats frappe de plein fouet la population civile palestinienne prise au piège entre l’armée israélienne et les combattants du Hamas. L’illustration la plus terrible en a été le bombardement d’une école aujourd’hui. 43 personnes qui s’y étaient refugiées ont trouvé la mort. L’armée israélienne affirme avoir répliqué à des tirs de mortier. »

« Très inquiétant » : qu’en termes délicats, ces choses-là sont dites ! Si les mots ont un sens, il faut comprendre que la population civile palestinienne subit au même titre les combattants du Hamas et l’armée israélienne… qui l’enferme dans Gaza et bombarde ! Et les 43 victimes civiles seraient une « illustration ». Une « illustration » ! Et de quoi ? D’ un « piège » tendu avec le concours des « combattants » du Hamas, et non d’un bombardement de l’armée israélienne, dont la version est livrée sans recul.

7 janvier : Laurence Ferrari perçoit une lueur

Le 7 janvier, à 20 h, 21 minutes après le début du journal, Laurence Ferrari est moins inquiète que la veille : « A Gaza première lueur d’espoir aujourd’hui avec la trêve de trois heures qui a permis aux habitants de souffler un peu et de faire entrer de l’aide humanitaire. Autre signe encourageant, Israël se dit d’accord pour négocier un cessez-le-feu, proposé par Nicolas Sarkozy et le président égyptien Hosni Moubarak. »

Une « lueur d’espoir » ? Mais pour qui ? Pour une population civile martyrisée qui a « bénéficié » à Gaza-ville (et pas sur toute l’étendue du territoire) non d’une « trêve », mais d’une suspension des bombardements, dont les associations humanitaires diront le jour même que sa durée est trop courte pour que l’aide parvienne effectivement à la population ? Un « signe encourageant » ? Comment dire cela alors que le gouvernement israélien s’est déclaré prêt à un cessez-le-feu, mais à des conditions qui le rendent impossible tant que l’opération « Plomb durci » ne sera pas achevée. Même pas une « lueur » puisque on apprend le jour même que l’invasion doit se poursuivre et même s’intensifier.

Le commentaire, dans le reportage qui suit, est du même acabit : « Les bombardements ont cessé pendant trois heures cet après-midi. Un répit durant lequel la population de Gaza a pu souffler, sortir dans les rues, et surtout s’approvisionner après quatre jours d’intenses opérations terrestres… L’armée israélienne a décidé de cesser ses opérations de 13h à 16 h chaque jour dorénavant, pour permettre aux convois humanitaires de circuler. Geste de bonne volonté après la journée d’hier particulièrement meurtrière : la frappe contre une école aux couleurs des Nations-Unies a soulevé une vague de protestation internationale, malgré l’explication israélienne selon laquelle le site aurait servi de zone de tir au Hamas. »

Une vague de protestation sans objet donc, puisque l’armée israélienne a « expliqué »… et « explique » encore, par la voix d’un porte-parole que l’on entend à nouveau : « le Hamas se protège derrière des enfants dont il se sert comme bouclier humain. C’est inacceptable. Chaque fois qu’il y a des morts ils en sont responsables ». Les déclarations de l’ONU contredisant la version israélienne du bombardement de l’école ne sont manifestement pas des « explications », puisque TF1 ne juge pas utile d’en faire état.

Quant à la présentation des positions en présence sur l’éventualité d’un cessez-le feu, elle vaut son pesant d’ « équilibre » : « Pendant l’enterrement des victimes de l’école de Jabaliya, un représentant du mouvement islamique a refusé de soutenir pour l’instant l’initiative franco-égyptienne , un plan de cessez-le-feu qui doit selon lui clairement exiger le retrait des troupes israéliennes au préalable. De son côté le gouvernement Olmert, lui, l’a accueilli avec intérêt, suscitant une lueur d’espoir [image d’un soldat souriant sortant d’un char], à condition que le Hamas cesse ses tirs et que Gaza soit démilitarisée  ». Les conditions mises par le Hamas équivalent à un « refus » ; les conditions mises par le gouvernement israélien n’altèrent pas « l’espoir » : information ou commentaire de parti-pris ?

7 janvier : Renaud Revel interroge…

Au cours de l’émission « J’ai mes sources » sur France Inter, le 7 janvier 2009, Renaud Revel interroge Olivier Rafowicz sur les conséquences de l’interdiction opposée par le gouvernement israélien à l’entrée de journalistes à Gaza. Des conséquences pour l’information ? Nenni. Pour les palestiniens ? Encore moins. Seulement sur l’avantage qui serait ainsi donné à la propagande du Hamas, au détriment de celle de l’Etat israélien :

- Renaud Revel : - « En interdisant les journalistes à pénétrer à Gaza, est-ce que vous ne prêtez pas le flanc à la propagande du Hamas , dans la mesure où si on va sur Internet aujourd’hui, internet regorge d’images effectivement des combats qui ont lieu en ce moment ? Et qui sont données notamment par le Hamas ? »
- Olivier Rafowicz : - «  Vous avez raison au niveau des images, des images qui sont propagées… Vous savez on a ici affaire à une politique médiatique d’un groupe islamiste intégriste. »

Dans une émission qui, selon sa présentation sur le site de France 2, prétend s’interroger sur le « monde complexe » des médias – « Les médias, tous les médias, rien que les médias » –, c’est ainsi qu’on interroge un porte-parole de l’armée israélienne, qui peut s’exprimer sans contradicteur et sans débat sur la « politique médiatique » du gouvernement qu’il représente.

8 janvier : Un second chef d’œuvre de Jean-Pierre Pernaut

Le 8 janvier, au 13h de TF1, après 17 minutes et huit sujets consacrés à la baisse des températures, Jean-Pierre Pernaut conclut, souriant devant les images d’une plage enneigée : « Un bien bel hiver comme on en rêvait depuis longtemps. ». Et enchaîne aussitôt, en se départissant à grand-peine de son sourire  : «  Autre chose, plus sérieux , le conflit israélo-palestinien […] »

Reprenons avec lui : « Autre chose, plus sérieux, le conflit israélo-palestinien et un regain de tension après les espoirs de paix d’hier. » Les espoirs de paix ! Les bombardements se poursuivent, mais JPP découvre un simple « regain de tension ». Lequel ? La précision est donnée dès la phrase suivante : « Pour la première fois dans cette crise [sic], le Hezbollah a lancé des roquettes sur Israël depuis le Sud-Liban. Il y’a eu 5 blessés légers. », informe l’hivernal Jean-Pierre Pernaut qui introduit ainsi un « sujet » qui propose des informations totalement différentes : «  Une personne a été légèrement blessée à la jambe , mais beaucoup ont été seulement choqués. Selon les premiers éléments, ces roquettes anciennes ne proviendraient pas du Hezbollah , mais d’un petit groupe palestinien installé au Liban.  » [4]

Au cours du même JT, les téléspectateurs auront encore quelques informations sur les « objectifs » de l’armée israélienne : « Pour l’instant Israël maintient sa décision de suspendre ses opérations pendant 3 heures chaque après-midi, mais l’offensive générale elle continue avec pour objectif d’aller chercher les forces du Hamas partout où elles se trouvent.  » En revanche, aucune précision sur les effets de la suspension des opérations. Aucun mot sur le bilan des victimes.

8 janvier : Ferrari hiérarchise

Au 20h de TF1, 18 minutes après le début d’un journal dont les titres ne disent pas un mot du conflit, Laurence Ferrari lance un « sujet » dans lequel on apprend que l’agence de l’ONU chargé des réfugiés palestiniens (UNRWA) a « suspendu ses activités après que des obus eurent touché un de ses convois  ». Le communiqué de l’ONU était nettement moins allusif, évoquant des « tirs israéliens contre un convoi », et expliquant que « des travailleurs humanitaires ont été la cible de l’armée israélienne ». Ban Ki Moon a d’ailleurs « condamn[é] l’attaque israélienne contre un convoi de l’ONU qui a fait au moins un mort  », comme le précisera Ferrari après le reportage. Cette « attaque », la condamnation de celle-ci, et surtout la décision aux conséquences dramatiques qu’elle a entraînée n’en ont pas moins été traitées en deux phrases en tout et pour tout. Pourtant ce jour-là, les titres du journal annonçaient que François Fillon avait jugé « la situation inacceptable ». Mais il s’agissait des embouteillages marseillais. Le même avait, ce même jour, jugé « la situation humanitaire à Gaza intolérable ». Mais on ne le saura que 17 minutes après le début du journal, dont une dizaine consacrée, inévitablement, au froid et à la neige…

8 janvier : Les « frappes » d’Elkkabach

Jean-Pierre Elkkabach, sur Europe 1, le 8 janvier 2009, interroge d’abord Jessica Pourraz, responsable de Médecins Sans Frontières à Gaza :

- Jean-Pierre Elkkabach : - « Mais, est-ce que les habitants de Gaza peuvent demander, ou pourraient demander, au Hamas d’arrêter les tirs de missiles qui ont provoqué les représailles d’Israël ? » Question d’autant plus suggestive de la prise de position hors de propos (mais tellement suggestive…) d’Elkkabach qu’elle s’adresse à une organisation non gouvernementale !

Jessica Pourraz pourra cependant, durant quelques minutes, évoquer la situation humanitaire catastrophique à Gaza. Pour maintenir l’équilibre, après l’interview d’une responsable humanitaire qui refuse de répondre à toute question ayant une dimension politique (comme la précédente), Elkkabach s’entretient alors avec… Avi Pazner. Inutile de préciser que, comme sur TF1, aucune voix palestinienne n’aura, avant ou après, le privilège d’être interviewée dans cette émission. De cet entretien, on retiendra en particulier cet échange :

- Jean-Pierre Elkkabach : - « Est-ce que vous vous excusez ? Ou le gouvernement d’Israël présente des excuses pour ce qui s’est passé à l’école des Nations-Unies, Monsieur Pazner ? »
- Avi Pazner : - « Eh bien, je vais vous dire, Monsieur Elkabbach, ce qui s’est passé à cette école : le Hamas a placé une batterie de mortier dans cette école même , qui tirait sur nos troupes. Nos troupes ont répondu sans savoir qu’il y avait là-bas des civils . Nous regrettons… »
- Jean-Pierre Elkkabach : - « D’habitude… »
- Avi Pazner : - « Nous regrettons profondément la mort de civils innocents. Mais il faut bien comprendre que c’est le Hamas qui utilise ces civils comme boucliers humains. »
- Jean-Pierre Elkkabach : - «  D’habitude, Tsahal vise mieux . […]. »

Ce compliment, même sarcastique, est indécent. En tout cas, il vaut manifestement mieux que le démenti que Jean-Pierre Elkkabach, journaliste bien informé, aurait pu opposer aux mensonges éhontés d’Avi Pazner (voir notre article précédent).

10 janvier : Frédéric Barreyre informe

Le 10 janvier 2009, sur France Inter, Frédéric Barreyre évoque la situation à Gaza : « Cet après-midi, la trêve a été violée des deux côtés ». Comme s’il s’agissait d’une véritable « trêve » – qui supposerait un accord entre les deux parties en conflit… Comme si la décision unilatérale d’Israël de suspendre ses bombardements pendant trois heures n’avait pas concerné, du moins pendant plusieurs jours, la seule ville de Gaza (et non pas les quartiers périphériques), sans changement notable pour les populations civiles, comme le relevait déjà Médecins sans frontières… trois jours plus tôt [5], et comme aucun des JT ne l’a précisé. En « cet après-midi », seul Israël a « violé » ses engagements, comme du reste il l’avait fait la veille, selon la même source : des engagements dont on serait au moins en droit d’attendre que nos zélés informateurs se demandent s’ils ne sont pas une composante de la propagande de guerre.

Il est vrai que depuis deux cessez-le-feu distincts ont été annoncés – l’un d’Israël, l’autre du Hamas. La guerre n’est pas finie pour autant…

A suivre, hélas.

Henri Maler et Olivier Poche
- Grâce à la documentation recueillie et aux transcriptions réalisées avec Denis, Jamel et Raul.

Notes

[1] Sur le site de la chaîne. A l’antenne, on est encore plus allusif : « Tragédie humanitaire ». Notons qu’il faut additionner les deux JT pour disposer d’une information exacte : trois écoles bombardées. On aimerait pouvoir en rire.

[2] Quelques exemples. Le 7 janvier, Ouest France relève « de nombreuses bavures ». Le 9 janvier 20 minutes.fr titre « Ces bavures qui commencent à saper l’offensive israélienne ». Et Le Monde, pourtant prompt à dénoncer les « crimes de guerre » du Hamas, de gémir dans un éditorial daté du 8 janvier et titré « Sinistre scénario » : « C’est toujours le même sinistre enchaînement : il faut attendre l’inévitable “grosse bavure”, et l’émotion qu’elle provoque, pour que les solutions diplomatico-humanitaires commencent à être envisagées. » On est prié de mettre entre guillemets les « grosses bavures » de l’éditorialiste anonyme du Monde

[3] Guerre du Kosovo : « Bavures à Libération » ; Guerre d’Afghanistan : « Guerre des mots, mots de la guerre » ; Invasion de l’Irak : « Les mots de la guerre contre l’Irak ».

[4] Et sur le site de TF1, ce « sujet » est résumé ainsi : « Des tirs de roquettes du Liban sur le nord d’Israël fait planer jeudi le risque d’une escalade militaire à la frontière entre les deux pays. Le Hezbollah nie être à l’origine de ces tirs. » Un « regain » de précision !

[5] Lire, sur le site de MSF : « Gaza : “la trêve des bombardements, ça n’a aucun sens” ». Extrait des déclarations de Jessica Pourraz, responsable MSF dans le territoire palestinien : «  La trêve ne change rien . La trêve n’apporte rien de différent. Elle n’a eu lieu que sur la ville de Gaza, pas dans les périphéries urbaines . Les chars ont commencé à rentrer dans les zones urbaines périphériques de Gaza-ville qui sont des quartiers comme Beit Lahya, Beit Hanoun, Sijaya, Zeïtoun. Il y a de plus en plus de civils blessés, c’est là qu’il faut aller chercher les blessés. Il ne faut pas se leurrer, la trêve n’aide en aucun cas le travail des humanitaires et l’accès des gens aux hôpitaux. »


Lundi 26 Janvier 2009

http://www.acrimed.org/article3051.html http://www.acrimed.org/article3051.html
http://www.alterinfo.net/Gaza-Medias-en-guerre-3-Bavures-audiovisuelles_a29022.html
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26 janvier 2009 1 26 /01 /janvier /2009 17:14

dimanche 25 janvier 2009, par Julien Salingue

Julien Salingue, doctorant en Science politique à Paris, militant du mouvement de solidarité avec la Palestine, réalisateur du film « Palestine, vivre libre ou mourir » et co-réalisateur du film « Samidoun » répond aux questions d’Al-Oufok

De toutes les contradictions de la situation en Palestine, quelle est celle qui vous paraît être la plus fondamentale ?

Quelles que soient les évolutions actuelles de la situation en Palestine, je pense qu’il est essentiel de rappeler que la contradiction la plus fondamentale demeure celle qui existe entre le projet sioniste et les droits nationaux du peuple palestinien. L’établissement d’un Etat juif sur la plus grande partie possible de la Palestine a signifié et signifie toujours la colonisation, les expulsions et la répression. C’est cette contradiction qui est structurante, y compris dans la situation actuelle. Evidemment cela ne signifie pas qu’il faille simplifier les choses et faire l’impasse sur les contradictions dans le « camp » palestinien, notamment dans la période actuelle, mais que ces dernières doivent être pensées dans le cadre général de la négation des droits du peuple palestinien par le projet sioniste.

Les deux événements majeurs de ces deux dernières années (la victoire du Hamas aux élections et les « événements » de Gaza) sont le produit des contradictions entre d’un côté les intérêts de la minorité qui a dirigé l’Autorité palestinienne depuis sa création en 1994 et de l’autre les aspirations de la population palestinienne. Cette minorité a été clairement rejetée par la population lors des élections, qui l’a sanctionnée en raison de son abandon de toute perspective de lutte au profit des seules négociations alors que la situation sur leur terrain se dégradait, de ses contacts approfondis et parfois de sa collaboration ouverte avec l’occupant israélien et de la corruption. Dès les jours qui ont suivi les élections, la frange la plus radicale (dans le mauvais sens du terme) de cette minorité de privilégiés, représentée notamment par Mohammad Dahlan, s’est mis en tête de revenir au pouvoir à tout prix. C’est ce qui a conduit aux événements de Gaza en juin dernier.

En effet, le « coup d’Etat » dont beaucoup ont parlé lorsque le Hamas a chassé les milices de Dahlan de la Bande de Gaza est avant tout la conséquence de la tentative de coup d’Etat, bien réelle celle-ci, orchestrée par la frange putschiste de l’Autorité palestinienne, avec le soutien d’Israël et des pays occidentaux. Ces derniers ont organisé le blocus politique, diplomatique et économique du nouveau pouvoir politique, tandis qu’Israël renforçait le siège de la Bande de Gaza, place forte de l’aile militante du Hamas, et reprenait sa politique de liquidation de résistants. De son côté, la frange putschiste de l’Autorité a tout fait pour paralyser le nouveau gouvernement et pour court-circuiter toute tentative d’établissement d’un gouvernement d’union nationale. L’objectif conjoint était de créer les conditions d’un renversement du gouvernement Hamas. Les affrontements, d’abord sporadiques, se sont multipliés dans la Bande de Gaza et, lorsque les milices de Dahlan, armées par les Etats-Unis avec l’accord d’Israël, sont passées à la vitesse supérieure, le Hamas a répondu sur le même terrain et a rapidement chassé les putschistes de Gaza.

On connaît la suite : Abu Mazen a limogé le gouvernement Hamas et créé un « gouvernement d’urgence » dirigé par Salam Fayyad, ancien haut fonctionnaire des institutions financières internationales, dont la liste avait obtenu à peine plus de 2% aux législatives de 2006. Les choses sont maintenant très claires : Abu Mazen et sa clique ont fait le choix de se conformer exclusivement aux exigences des pays occidentaux et d’Israël, sans même faire semblant de se préoccuper du peuple palestinien. Leur seul objectif est de rester au pouvoir et d’être les futurs administrateurs des bantoustans palestiniens, même s’ils doivent pour cela collaborer ouvertement avec les forces d’occupation. Un événement survenu à Jénine à la fin du mois d’août est à ce sujet exemplaire : un soldat israélien qui s’était égaré dans la ville a été pris en charge par les forces de sécurité d’Abbas, qui l’ont protégé de la population et raccompagné jusqu’au barrage militaire le plus proche. On parle bien d’un soldat membre d’une armée d’occupation... Il n’y a qu’un mot pour qualifier ce genre d’agissements : de la collaboration, pure et simple.

Pour ceux qui avaient encore des doutes sur les intentions du clan Abbas, leur positionnement, dans le cadre de la contradiction structurante que j’évoquais plus haut, est sans ambiguïté : ils travaillent sciemment aux côtés d’Israël contre le peuple palestinien.

Quelles sont les formes de résistance possible dans les conditions d’aujourd’hui ?

Je pense que les conditions actuelles sont des plus défavorables quant à l’organisation et la structuration de la résistance :

. Plus de 11 000 prisonniers politiques palestiniens croupissent dans les prisons israéliennes. Rapporté au nombre d’habitants, c’est un chiffre invraisemblable : imaginez qu’en France il y ait près de 200 000 prisonniers politiques. Je ne parierais pas sur un haut niveau de développement des luttes sociales... Et pour ceux qui continuent la lutte, la répression, les arrestations et les assassinats se poursuivent.

. La fragmentation géographique entre les « zones autonomes » palestiniennes constitue un obstacle de taille : séparation complète entre Gaza et la Cisjordanie, encerclement des villes de Cisjordanie, très grande difficulté, voir impossibilité, de se rendre d’une ville à l’autre... Autant d’éléments qui empêchent tout développement ou structuration « nationale » de la résistance.

. La mise en place de l’Autorité palestinienne, consécutive aux Accords d’Oslo, a eu deux conséquences d’ampleur : en premier lieu nombre de militants du Fatah ont été cooptés et intégrés aux structures bureaucratiques en construction en échange de leur renonciation à la lutte, ce qui a affaibli le mouvement national et fait considérablement reculer la conscience politique. En second lieu, la mise en place de ce vaste réseau de corruption et de clientélisme a délégitimé la politique et le politique, renforçant le fonctionnement en réseaux principalement structurés par la captation de la manne financière venue de l’étranger.

. La multiplication des ONG dépendantes des financements de l’extérieur, si elle a pu constituer une alternative, pour de nombreux militants de l’Intifada de 1987, à l’intégration à l’appareil d’Etat, a également participé de cette dépolitisation et de cet affaiblissement de la résistance. En se désinvestissant du terrain de la lutte politique, les militants et dirigeants de ces ONG ont laissé les mains libres à la direction capitularde de l’OLP, nombre d’entre eux se contentant de trouver un modus vivendi avec cette dernière.

. L’attitude attentiste de la gauche de l’OLP (FPLP et FDLP) et son incapacité à formuler un projet de lutte alternatif aux trahisons de la direction de l’Autorité palestinienne a également réduit le champ des possibles pour ceux qui auraient voulu poursuivre la résistance.

. Dans cette situation, c’est le Hamas qui a su tirer son épingle du jeu. Or, bien que ce courant incarne une orientation beaucoup plus combative vis-à-vis de l’occupant et refuse aujourd’hui les compromissions et l’abandon des droits nationaux des Palestiniens, il n’en demeure pas moins que l’idéologie réactionnaire du courant des Frères Musulmans à laquelle nombre de ses cadres et militants se réfèrent est contradictoire avec la construction d’une résistance populaire dans laquelle tous les Palestiniens, notamment les femmes, trouveraient leur place.

Voilà, en résumé, la somme des obstacles à la construction et à la structuration de la résistance. L’asphyxie économique, la fragmentation géographique et politique, la culture de la corruption et du clientélisme et la faillite de la gauche ont favorisé le développement d’un individualisme de plus en plus marqué, au détriment de l’action collective. Qui plus est, l’entreprise de sociocide inhérente au projet sioniste détruit peu à peu la conscience nationale palestinienne. Si dans les têtes le peuple palestinien et ses droits existent toujours, dans les faits la perspective d’une lutte commune de tous les Palestiniens (y compris ceux des camps de réfugiés de Jordanie, de Syrie ou du Liban, ainsi que ceux qui vivent en Israël) autour d’un projet de combat unifiant s’éloigne de plus en plus.

Dans ces conditions, quelle résistance ? Pour beaucoup de militants palestiniens, la tâche essentielle est aujourd’hui double. A terme, il s’agit de refonder la résistance et, pourquoi pas, les structures du mouvement national, en tirant les leçons des échecs du passé et en actant le basculement dans l’autre camp d’une partie de la direction « historique » du mouvement. Mais la condition pour y parvenir, et c’est la seconde tâche essentielle, est de mettre un frein à la dépolitisation et à l’individualisme. C’est ce qu’ont bien compris un certain nombre de militants investis dans les « Centres culturels » des camps de réfugiés. Pour eux, il s’agit, en organisant de multiples activités culturelles, sociales et politiques, notamment pour les jeunes, de perpétuer la mémoire du combat, de lutter contre les tendances individualistes en développant des projets collectifs, de combattre les tendances au repli sur la famille, la religion, en faisant « sortir » les gens de chez eux et en les faisant se rencontrer, le tout en garantissant l’indépendance des initiatives en refusant d’être subventionné par l’Autorité palestinienne ou les pays occidentaux.

Tout cela peut sembler très loin de la conquête par les Palestiniens de leurs droits nationaux. Mais c’est la réalité du terrain et du rapport de forces. Il faut être lucide : il s’agit pour ces militants de reconstruire la résistance, pierre par pierre, au milieu d’un champ de ruines. Tous ceux qui se sentent solidaires des Palestiniens et veulent les aider dans leur combat doivent le savoir : la situation est très difficile et les militants qui, là-bas, s’investissent dans la reconstruction de la conscience nationale et de la résistance ont plus que jamais besoin d’un soutien international.

Sommes-nous au bout de la logique des Accords d’Oslo ?

Tout dépend ce que l’on entend par « la logique des Accords d’Oslo ». Pour tous ceux qui ont perçu et/ou présenté les Accords d’Oslo comme un compromis historique entre une gauche israélienne prête à de vraies concessions et une direction palestinienne sincère et responsable, qui devait mener à terme à l’établissement d’un Etat palestinien indépendant et souverain en Cisjordanie et à Gaza, il est clair que c’est la fin d’une époque. Mais pour ceux, dont je fais partie, qui ont vu dans les Accords d’Oslo une simple réorganisation du projet sioniste , avec comme objectif la mise en place de bantoustans palestiniens dépendants de l’aide internationale et sous contrôle d’un pouvoir inféodé à l’Etat d’Israël, il n’y a pas de surprise ou de « tournant ».

Tanya Reinhart, Universitaire israélienne récemment décédée, écrivait en 1994 ce qui suit :

« Depuis le début, on peut identifier deux conceptions sous-jacentes au processus d’Oslo. La première est que ce processus peut réduire le coût de l’occupation grâce à un régime palestinien fantoche, avec Arafat dans le rôle du policier en chef responsable de la sécurité d’Israël. L’autre est que le processus doit déboucher sur l’écroulement d’Arafat et de l’OLP. L’humiliation d’Arafat, sa capitulation de plus en plus flagrante conduiront progressivement à la perte de son soutien populaire. L’OLP va s’effondrer ou succomber à des luttes internes. La société palestinienne va ainsi perdre sa direction politique et ses institutions, ce qui constituera un succès car il faudra du temps aux Palestiniens pour se réorganiser. Et il sera plus facile de justifier la pire oppression quand l’ennemi sera une organisation islamiste fanatique » .

T. Reinhart n’avait rien d’une prophète. Elle a seulement compris, dès le début, la « logique » des Accords d’Oslo. Pour Israël, la manœuvre était simple : donner l’impression de faire des concessions aux Palestiniens sans prendre aucun engagement sur les questions-clés que sont Jérusalem, les réfugiés et les colonies. Durant les « années Oslo », la colonisation, l’occupation et la répression se sont poursuivies, les Palestiniens qui auraient pu nourrir des espoirs sont vite revenus de leurs illusions. Evidemment, la colonisation avait commencé avant Oslo. Mais en créant l’illusion de la construction d’une structure étatique palestinienne, les Accords d’Oslo ont entraîné un dangereux glissement idéologique, y compris dans le mouvement de solidarité internationale : d’un soutien aux droits des Palestiniens on est passé à un soutien à des négociations de « paix ». Résultat : à partir de septembre 2000, avec le soulèvement palestinien et la brutale réponse de l’armée israélienne, de nombreuses voix se sont élevées pour que l’on en « revienne aux Accords d’Oslo », ce qui signifie concrètement un retour à la situation contre laquelle les Palestiniens se sont soulevés.

La « logique des Accords d’Oslo » n’est pas finie. Il y a eu cependant un changement notable, côté israélien : si en 1994 une partie de l’establishment sioniste pensait que l’appareil de l’OLP était un partenaire crédible, sur le long terme, dans l’entreprise de neutralisation de la résistance, aujourd’hui ce n’est plus le cas. C’est le sens des décisions « unilatérales », dont l’exemple le plus flagrant a été le retrait de Gaza : Israël ne prend pas la peine de discuter avec la direction de l’Autorité palestinienne les décisions les plus importantes. L’idée qu’il n’y a pas de partenaire fiable côté palestinien a fait son chemin en Israël. Abu Mazen et les siens n’ont ni la légitimité ni l’assise sociale nécessaires pour contrôler l’ensemble des villes palestiniennes. Ce qui se profile, c’est plutôt qu’Israël confie, à terme, à des petits chefs locaux la gestion de microscopiques zones autonomes.Israël pourrait en outre en appeler à la Jordanie afin qu’elle administre, d’une manière ou d’une autre, les enclaves de Cisjordanie. Concernant Gaza, la « solution » pour Israël passera nécessairement par une offensive militaire d’ampleur. Sur le fond, Oslo, en tant qu’instrument de liquidation de la question palestinienne, est bien vivant. C’est seulement sur la forme que des modifications ont été opérées.

Si l’OLP est incontournable, comment peut-on envisager son évolution ?

Je ne sais pas si l’OLP est « incontournable ». Yasser Arafat lui-même ne s’est jamais privé de la « contourner ». Il me semble opportun de rappeler ici qu’en 1993, seule une minorité du Comité exécutif de l’OLP s’était prononcée en faveur de la signature des Accords d’Oslo. Cela n’a eu aucune conséquence. Cet événement était l’aboutissement logique d’un choix fait par Arafat et Abbas dans le processus de négociations : à aucun moment les instances de l’OLP n’ont été informées, non seulement du contenu, mais de l’existence même des Accords d’Oslo avant leur signature... La naissance de l’Autorité palestinienne a signifié, selon moi, la mort de l’OLP.

Il ne s’agit pas de faire ici un historique du mouvement de libération national palestinien. Rappelons juste que durant les années 70, au Liban, l’OLP s’est transformée, alors qu’elle était un mouvement de libération national « classique », en un véritable appareil d’Etat, devenant progressivement une énorme structure bureaucratico-militaire employant des dizaines de milliers de personnes aux quatre coins de la planète. Un rapport commandé par Yasser Arafat lui-même indiquait à l’époque : « L’OLP diffère par sa nature des autres organisations qui ont représenté, ou représentent encore, leurs peuples respectifs dans leur lutte de libération nationale. L’OLP n’est pas un parti politique, et elle est plus large qu’un front de libération. C’est une institution qui a la nature d’un Etat ». L’OLP s’est ainsi progressivement transformée en un « appareil d’Etat sans Etat », pour reprendre la formule de Gilbert Achcar, un appareil d’Etat en quête d’un territoire où il pourrait s’établir de façon sûre et définitive. Considérablement affaiblie par son expulsion du Liban en 1982, l’OLP a recréé à Tunis une grande partie de sa bureaucratie et a continué à développer ses représentations diplomatiques à l’étranger. Les Accords d’Oslo ont été suivis de l’installation, en Cisjordanie et à Gaza, de dizaines de milliers de cadres et de militants de l’OLP « de l’extérieur » qui sont devenus les fonctionnaires et les grands commis de l’Autorité palestinienne en construction.

L’appareil d’Etat sans Etat a alors cru trouver son Etat. Les combattants sont devenus des fonctionnaires de l’Autorité palestinienne et l’OLP a achevé son processus de dégénérescence bureaucratique en se transformant officiellement en structure étatique. Les courants de l’OLP qui la considéraient encore comme devant être l’organe fédérant les factions politiques palestiniennes pour coordonner et diriger la lutte ont été de plus en plus marginalisés dans les décisions, de même que les cadres qui avaient fait le choix de rester à l’extérieur. L’essentiel de la décision et de la représentation est en effet passé entre les mains de l’Autorité palestinienne. C’est pourquoi, 13 ans après, je pense qu’il n’est pas exagéré de dire que l’OLP ne représente aujourd’hui plus rien. Elle sert parfois de cache-sexe à Abbas lorsqu’il veut légitimer une décision particulièrement inique ou isoler le Hamas, comme lorsqu’en juin dernier le Comité exécutif de l’OLP a voté une motion exigeant la destitution du gouvernement Hamas et l’organisation de nouvelles élections. Mais cette OLP fantôme n’a plus de légitimité : la motion en question n’a eu aucun écho dans les territoires palestiniens.

Aujourd’hui, parmi ceux qui s’interrogent sur l’état du mouvement de libération national, certains disent qu’il faut « en revenir à l’OLP », d’autres qu’il faut la réformer, et d’autres enfin qu’il faut acter sa disparition et construire « autre chose ». Je pense pour ma part que l’OLP n’a pas d’avenir dans sa forme actuelle et qu’elle a vocation à péricliter tout en demeurant pendant un temps le théâtre de querelles d’individus ou de groupes d’individus pour des petits pouvoirs ou des petits bénéfices. Ce dont le peuple palestinien a besoin aujourd’hui, où qu’elle se trouve, c’est d’une refondation du projet et des structures de la lutte, qui passera par une réorganisation/recomposition de la résistance sous toutes ses formes (politique, culturelle, sociale, armée), à l’initiative de militants et cadres de la gauche, du Fatah, du Hamas, qui feront le choix de l’unité et des intérêts collectifs et non celui de la division et des intérêts personnels. Même si cette perspective peut paraître lointaine et qu’à ce jour très peu d’initiatives allant dans ce sens ont été prises, il n’en demeure pas moins qu’elle est sous-jacente à nombre de discussions en Palestine, chez les militants sincères de toutes les factions politiques et dans la société, chez les Palestiniens des territoires occupés comme chez ceux de 1948 et ceux de l’exil.

Est-il possible de concilier développement démocratique sous occupation ?

Une chose est sûre : il est impossible de construire des structures abouties de démocratie représentative lorsque l’on est sous occupation militaire. S’il a été possible, comme on l’a vu en janvier 2005 (élections présidentielles) et janvier 2006 (élections législatives), d’organiser des élections dans l’ensemble de la Cisjordanie et de la Bande de Gaza dans des conditions à peu près satisfaisantes, avec une participation élevée et peu de fraude, il n’en demeure pas moins que cette « démocratie » reste subordonnée aux intérêts de la puissance occupante et de ses alliés. Après la victoire du Hamas, il n’a pas été difficile pour l’Union européenne, les Etats-Unis et Israël d’empêcher le gouvernement issu des urnes de gouverner et de tenter d’annuler le choix démocratique de la population palestinienne. Tant que l’occupation perdurera, la « démocratie palestinienne » restera dépendante du bon vouloir de l’extérieur.

Mais si l’on entend la démocratie dans une acception plus large, et pas seulement comme la tenue d’élections, il est évident que le développement des pratiques démocratiques est non seulement possible mais indispensable dans la lutte contre l’occupation. J’entends ici le développement des pratiques démocratiques comme la mise en place de structures de gestion de la vie quotidienne et de la lutte qui favorisent l’investissement et la participation populaires. Au début de l’Intifada de 1987, les « comités populaires », mis en place dans la plupart des camps de réfugiés, villages et quartiers des villes, ont joué ce rôle : composés de militants politiques, associatifs ou de « simples citoyens » légitimes dans leur communauté, ils prenaient en charge tous les aspects de la vie quotidienne (organisation des soins, de la scolarité, résolution des conflits entre voisins...) et de la lutte (grèves, manifestations...). C’est ce qui a fait la force de cette Intifada, du moins dans sa première année.

Rien de tel ne s’est produit lors de la « deuxième Intifada » (entre guillemets tant elle a peu de points communs avec l’Intifada de 1987) : la prétention de l’Autorité palestinienne à être la seule direction légitime du mouvement, les consignes données aux militants du Fatah de ne pas renouveler l’expérience des comités populaires et la très rapide militarisation de la lutte ont interdit la constitution de structures locales coordonnées entre elles dans lesquelles tous ceux qui voulaient participer à la lutte auraient pu trouver leur place. L’investissement populaire a donc été très faible et le soulèvement, bien réel en octobre 2000, s’est rapidement essoufflé. Cela n’explique pas tout, mais l’échec de la mise en place de structures de ce type après octobre 2000 a largement participé de la dégradation du rapport de forces en la défaveur des Palestiniens. L’une des tâches centrales, pour ceux qui veulent permettre la reconstruction de la résistance populaire en Palestine, est de contribuer à la reprise en main de son destin par la population palestinienne elle-même, par l’intermédiaire de structures favorisant l’investissement de tous et d’initiatives ayant vocation à dépasser les nombreux clivages qui affaiblissent le combat des Palestiniens.

Je me fais ici l’écho d’observations que j’ai pu effectuer lors de mes séjours en Palestine et de propos que j’ai entendus chez de nombreux Palestiniens. En effet, l’absence de perspective politique et sa conséquence principale, le développement d’une pensée de plus en plus conservatrice dû à un repli sur les valeurs traditionnelles (qui, elles, « ne mentent pas »), causent des dégâts considérables : la manifestation la plus visible est la dégradation croissante de la conditions des femmes, qui se voient de plus en plus exclues de la sphère publique et confinées aux seules activités domestiques et reproductrices. Cette dégradation n’a pas commencé avec l’arrivée au pouvoir du Hamas, mais ce dernier événement n’a bien entendu rien fait pour la ralentir. On comprendra aisément que la non inclusion, dans la lutte, de la moitié de la population palestinienne, ne peut que desservir, à terme, les Palestiniens dans leur ensemble. C’est en ce sens que, même si l’occupation militaire ne le permet que très difficilement, le développement de structures légitimes et « participatives » est une question-clé dans la perspective de refondation de la résistance palestinienne.

Le mouvement de solidarité avec le peuple palestinien est en crise, n’est-ce pas paradoxalement salutaire ?

Il est certain que le mouvement de solidarité ne se porte pas très bien. Cette crise vient de loin et est, selon moi, le produit de deux principaux facteurs : la dégradation de la situation « sur le terrain » et les illusions véhiculées, au sein même du mouvement de solidarité, durant les « années Oslo » et après septembre 2000 .

Il faut en effet faire preuve d’une certaine abnégation pour continuer de se mobiliser alors que, là-bas, la situation se dégrade de plus en plus et que les diverses initiatives prises ici semblent n’avoir aucun impact. Les dizaines de milliers de personnes qui s’étaient mobilisées au moment du massacre de Jénine en avril 2002 n’ont pas disparu mais elles sont découragées ou désabusées et ne participent plus aux initiatives publiques dans lesquelles ne se retrouve souvent que le « noyau dur » des militants de la cause palestinienne.

Les illusions véhiculées quant au processus d’Oslo n’ont pas aidé ceux qui voulaient s’investir dans la solidarité à comprendre l’évolution sur le terrain, que ce soit la dégradation du rapport de forces entre Israël et la population palestinienne ou, plus récemment, la victoire du Hamas et la tentative semi-avortée de putsch d’Abu Mazen et sa clique. Elles n’ont pas aidé non plus, en faisant de la direction de l’Autorité palestinienne la « direction légitime du peuple palestinien », au développement d’une solidarité concrète avec ceux qui, en Palestine, dans les camps de réfugiés, dans les villes et les villages, prenaient et prennent encore des initiatives pour poursuivre la lutte alors que l’Autorité affirme que seule la négociation paie. Ceux qui avaient cru ou fait croire que l’Autorité palestinienne dirigée par Arafat puis par Abbas était le seul représentant légitime des Palestiniens et le partenaire incontournable du mouvement de solidarité ont dû tomber de très haut lors de la victoire du Hamas et lors de la nomination, il y a quelques mois, du banquier Fayyad au gouvernement. D’ailleurs on ne les entend plus beaucoup depuis.

La crise ne sera salutaire que si les bilans sont tirés et si l’on va à la racine des échecs successifs du mouvement de solidarité. Il s’agit, sans faire d’un accord sur l’ensemble des questions un préalable au travail commun, d’en revenir à l’essentiel : quelle solidarité effective avec le peuple palestinien ? Le travail ici n’a de sens que s’il a des effets là-bas. On ne peut se contenter de « faire pression » sur notre gouvernement pour qu’il « fasse pression » sur son allié israélien. En Palestine, 172 ONG et associations ont appelé à une campagne internationale de boycott et de désinvestissement , dans de nombreux camps de réfugiés des Centres culturels effectuent un travail remarquable et ont besoin de soutien, 11 000 prisonniers politiques se sentent particulièrement oubliés dans les geôles israéliennes, les commémorations des 60 ans de la Nakba (la « catastrophe », l’expulsion de 1947-1948) sont en préparation pour une initiative internationale en 2008... Les projets et campagnes qui permettraient de (re)construire la solidarité ne manquent pas. Mais il est certain que l’on trouvera peu de représentants du « camp de la paix » israélien ou de la clique d’Abu Mazen qui soutiendront le boycott, le droit au retour des réfugiés ou la libération inconditionnelle de tous les prisonniers politiques. Ce sont pourtant des revendications centrales pour le peuple palestinien et pour de nombreux militants politiques et associatifs. Un retour critique sur les Accords d’Oslo et sur les illusions qui les ont accompagnés est donc indispensable. Il permettra de passer de la revendication d’une paix virtuelle à la construction d’une solidarité réelle.

( Paris, 06 Septembre 2007 )

http://www.aloufok.net/spip.php?article34

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26 janvier 2009 1 26 /01 /janvier /2009 17:12
1972.

32. Cf. par exemple sabri abdallah, op. cit., (cf. note 26).

33. Ainsi zurayq, op. cit., (cf. note 15) : « Les raisons de la victoire israélienne consistent dans le fait que le sionisme s’enracine dans la vie occidentale tandis que nous autres, pour la plupart, nous restons éloignés de cette vie ou hostile à elle », et tout aussi bien azm, Autocritique, op. cit. (cf. note 27), sur la défaite de juin comme manifestation d’un immense sous-développement culturel, à la différence d’Israël.

34. Cf. l’expression, en France, de ces groupes, par le livre du hussein (Mahmoud). La lutte des classes en Egypte. Paris, Maspero, 1969, et par la récente revue en langue arabe, distribuée chez Maspero, Al-Masîra - revue cataloguée en Egypte parmi les périodiques sionistes ! Les communistes syriens eux aussi, sont depuis 1966 inquiets de cette vague maoïste. Cf. bakdash (Khâlid), Harakat al-taharrur al-watanî wa-al-nidâl fî sabil-al-ishtirâkiyya (Le mouvement de libération patriotique et le combat pour le socia­lisme), Beyrouth, 1971 : pp. 138 sq. (sur le rôle nul de Mao pendant la guerre des six jours).

35. Voir dans abdel-malek (A.), La pensée politique arabe contemporaine, Paris, Seuil, 1970, p. 271, l’article du communiste égyptien Fu’âd Mursî, en 1966, qui terminait la controverse en question. Mursî fut ministre de l’Approvisionnement en 1971-1972.

36. Nous présentons ici, comme synthèse représentative, l’ouvrage de sayf AL-dawla (’Ismat), Al-tarîq lia al-ishtirâkiyya al-’arabiyya, Le Caire, 1968 (La voie vers le socialisme arabe) ; il y a d’autres ouvrages aussi représentatifs, bien sûr.

37. C’est I. Sayf al-Dawla qui, en 1969-1970, donnait en Jordanie une série de conférences ayant pour objet l’intégration du « socialisme particulariste » palestinien dans le « socialisme arabe » unique.

38. Op. cit., p. 45 ; puis p. 79.

39. ’ummara (Muhammad), Al-Mâddiyya wa-al-mithâliyya fi falsafat Ibn Rushd (Ma­térialisme et idéalisme dans la philosophie d’Averroés [1126-1198]), Le Caire, 1971. L’auteur, profitant d’une conférence de Garaudy au Caire sur « Socialisme et Islam », estime que le grand philosophe de Marrakech montre la voie en étant, comme il faut l’être aujourd’hui, « à la fois matérialiste... et croyant » (p. 13).

40. Cf. notamment gardet (Louis), La cité musulmane, Paris, Vrin, 1954 ; 2e édition augmentée, 1969. laoust (Henri), « Le réformisme orthodoxe des salafiyya ». R.E.I. 1932 : 176-224 (sur les suites du mouvement réformiste musulman). gibb (H.A.R.), Modem Trends of Islam, Chicago, University Press, 1947. smith (Canrwell), L’islam dans le monde moderne. Paris, Payot, 1962. Nous ne pouvons pas, dans le cadre de cet article, indiquer dans quelle mesure le discours-type dont nous parlons est redevable à ces orientalistes, ni dans quelle mesure il interprète différemment plusieurs thèmes traditionnels de la pensée politique musul­mane telle que la présentent les islamologues occidentaux.

41.Sur l’usage que font volontiers les communistes arabes des idées socio-politiques islamiques actuellement en cours, cf. rodinson (Maxime), Marxisme et monde musulman. Paris, Seuil, 1972, pp. 172-174.

42.bahiy (Muhammad), Al-fikr al-islâmî wa-al-mujtama’al-mu’âsir (La pensée isla­mique et la société moderne), 2 vol., Le Caire, 1970 : tome II, p. 26. L’auteur est à la fois théologien de l’université de l’Azhar et philosophe formé en Allemagne. Rallié au régime nassérien, il fut l’artisan de la réforme de l’Azhar en 1960-1961, avant de prendre le ministère des Waqf et des affaires islamiques en 1961-1964. Personnalité musulmane assez représentative du courant hérité des Frères musulmans.

43.Op. cit., tome II, p. 35.

44.Op. cit., tome II, p. 94.

45.Op. cit., tome II, p. 95.

46.Op. cit., tome II, p. 98.

47.aqqad (Abbâs Mahmûd), Al-shuyû’iyya wa-al-insâniyya fî sharï’at al-islâm (Communisme et humanisme selon la Loi de l’islam), Beyrouth, 1971 (2e édition), p. 366, puis p. 301.

48.Idée nettement enseignée aux jeunes Egyptiens depuis 1960, dans les dix ma­nuels scolaires d’instruction musulmane. Par exemple, dans le manuel de la classe de cinquième primaire, pp. 60-62 : « ...O Dieu, mène-nous à l’unité ! Rassemble les Arabes en une unique nation ! » Dans la même optique que celle des auteurs de ces manuels, cf. Actes de la Première Conférence du Conseil de la recherche islamique (Majma’ al-buhûth al-islâmiyya), Le Caire, 1964, dont le thème est le socialisme « islamique et arabe ».

49.Cf. ghazali (Muhammad). Al-islâm al-muftarâ ’alayhi bayn al-shuyû’iyyîn waal-ra’smâliyyîn (L’Islam à la croisée des chemins entre les communistes et les capita­listes), Beyrouth, 1968 [Le Caire 1950], p. 10. L’auteur est aujourd’hui directeur au Ministère des affaires islamiques. Les ouvrages des autres Frères notoires, Qutb et ’Awda, que nous citerons, ont été réimprimés ces dernières années à Beyrouth ou à Tripoli de Libye, après de nombreuses rééditions entre 1950 et 1960. Cf. aussi le célèbre : siba’i (Mustafà), Ishtirâkiyyat al-islâm (Le socialisme de l’Islam), Le Caire, s.d. ; Damas 1959 ; et réimpressions à Beyrouth.

50.D’autres cercles musulmans, en Arabie séoudite notamment, militent par la plume contre le communisme, mais aussi contre toute espèce de socialisme. Cf. haqqi (Ihsân). Al-islâm aw al-shuyû’iyya ? Jeddah, 1970, qui est la présentation, la critique, et la traduction intégrale d’un ouvrage soviétique paru en 1956, à Moscou : L’islam, ses bases et sa mentalité sociale, par L.A. Klimovitch, cité dans rodinson (M.), Marxisme et monde musulman, op. cit., p. 166, note 17.

51.Cf. qutb (Sayyid), Ma’rakat al-islâm wa-al-ra’smâliyya (La lutte entre l’Islam et le capitalisme). Beyrouth 1968 [Le Caire 1950] : p. 109 ; ghazali, op. cit. (cf. note 44), p. 10 : L’auteur déclare que les autorités égyptiennes, en 1946, l’accusaient d’être un communiste !

52.Cf. aqqad, op. cit., pp. 323-324 et 334.

53.Op. cit., p. 357. Idée héritée en droite ligne de qutb, op. cit. (cf. note 46) : pp. 25, 36, etc.

54.haqqi, op. cit. (cf. note 45), p. 9.

55.Cf. bahiy, op. cit. (cf. note 37), p. 102. Cf. nabhan (Muhammad F.), Al-ittijàh al-jamâ’î fi al-tashrï al-iqtisâdi at-islâmî, (L’orientation sociale de la législation économique islamique), Beyrouth, 1970 (thèse de doctorat d’un Syrien d’Alep, soutenue à PAzhar, au Caire), pp. 117-120. Thème déjà développé chez qutb (Sayyid), Tafsîr âyât al-ribâ (L’interprétation des versets coraniques sur l’usure), Beyrouth, s.d., p. 9.

56.’awda (’Abd-al-Qâdir), Al-mâl wa-al-hukm fî al-islâm (La richesse et le pouvoir politique en islam), Beyrouth, 4e édition 1971 [Le Caire, 1951], p. 41.

57.nabhan, op. cit. (cf. note 50), p. 121, et sur la zakàt, pp. 187-190.

58.Cf. bahiy, op. cit. (cf. note 37), p. 103.

59.Op. cit., p. 396 ; et nabhan, op. cit., p. 123.

60.Cf. qutb, Ma’rakat ... op. cit. (cf. note 46) pp. 38 à 44. Notamment p. 43 : « L’Etat a le droit de disposer des propriétés individuelles sans autre limite que celle des besoins sociaux et de l’intérêt commun. »

61.Ainsi aqqad, op. cit. (cf. note 42), p. 352, et de conclure : « Aucune législation moderne ne permet plus ce que l’islam interdisait déjà à l’encontre des usuriers. »

62.qutb, Tafsir ... op. cit. (cf. note 50) pp. 8 et 42 principalement et aussi p. 49 où il récuse l’opinion selon laquelle un intérêt modéré, de 4 à 10 % par exemple, ne serait pas du ribâ.

63.Cf. notamment nabhan, op. cit. (cf note 50), pp. 360-369, 380-384. Il s’inspire de qutb, Ma’rakat ... op. cit. (cf. note 46), pp. 43-44 ; et de ’âwda, op. cit. (cf. note 51), pp. 22-24 (sur les deux « lieutenances »). Quant à la conception classique du rôle de Etat dans empire musulman cf par exemple GOITEIN S.D. Minority selfrule and government control in islam Studia islamica XXXI/1970 pp 101-116 et dans empire ottoman cf notamment CHEVALLIER D.) op cit. pp 31 et sq 64 Ibn KHALDUN la fin du xive siècle estimait au contraire que le pouvoir dans les pays musulmans était exercé dans intérêt du gouvernant et non pas dans celui de la communauté Cf Discours sur histoire universelle trad Monteli Beyrouth Commission internationale pour la traduction des chefs-d uvre 1969 616 65 Cf UTAYFI Jamal) Al wa-al-dustûr im La Loi islamique et la Constitution définitive) Al-ahrâm 14 juillet 1971 66 Cf AWDA op cit cf note 51) pp 102 113

64.Ibn khaldun, à la fin du xrve siècle, estimait au contraire que le pouvoir, dans les pays musulmans, était exercé dans l’intérêt du gouvernant et non pas dans celui de la communauté. Cf. Discours sur l’histoire universelle, trad. V. Monteil, Beyrouth, Commission internationale pour la traduction des chefs-d’œuvre, 1969, p. 616.

65.Cf. ’utayfi (Jamâl), « Al sharî’a wa-al-dustûr al-dâ’im » (La Loi islamique et la Constitution définitive), Al-ahrâm, 14 juillet 1971.

66.Cf. ’AwoA, op. cit. (cf. note 51), pp. 102 à 113.

67.Cf. wafi (’Alî A.W.), Al-musâwâ fî al-islâm (L’égalité dans l’islam), Le Caire, 1966, et Al-hurriyya fî al-islâm (La liberté dans l’islam), Le Caire, 1968. Notamment, dans ce dernier ouvrage, pp. 91-108. L’auteur est, rappelons-le, l’éditeur et commenta­teur d’Ibn Khaldûn (édition du Caire, qui fait autorité).

68.’utayfi, art. cit. (cf. note 59). C’est cette phrase qui passa finalement dans le texte de la Constitution de la République arabe d’Egypte du 11 septembre 1971, article premier. Cf. O’KANE (Joseph) « Islam in thé new Egyptian Constitution. Some discus­sions in Al-Ahrâm », The Middle East Journal, vol. 26, n° 2, pp. 137-148.

69.Cf. wafi, Al-hurriyya ... op. cit., pp. 68 à 74.

70.Cf. ’AwDA, op. cit., (cf. note 60) et wafi, op. cit. (cf. note 61) pour tout ce paragraphe.

71.Ainsi est récusée la formule de L. Massignon : « Théocratie laïque égalitaire », re­prise par L. gardet, op. cit., p. 31 sq. et 109 sq. Nous ne pouvons ici approfondir les différences d’interprétation entre islamologues modernes et penseurs musulmans arabes actuels.

72.Cf. ’AwDA, op. cit., pp. 79-88. Et qutb, Ma’rakat... op. cit. (cf. note 46), pp. 56 sq.

73.qutb, op. cit., p. 57.

74.C’est la question que posait rodinson (M.), Islam et capitalisme, Paris, Seuil, 1966, pp. 230

75.Cf. berque (J.), L’Egypte : impérialisme et révolution, Paris, Gallimard, 1967, pp. 705-709.

76.’AzM (S.J.), Nadq al-fikr... op. cit. (cf. note 27), p. 17, et passim.

77.’AzM, op. cit. Dans le même sens, sur ce point-là seulement, SA’AB (Hasan), Tahdîth al-’aql al-’arabî. Dirâsât hawla al-thawra al-thaqâfiyya al-lâzima li-al-taqaddum al-’arabl fî al-’asr al-hadîth (Modernisation de la raison arabe. Etudes sur la révolution cultu­relle indispensable au développement arabe à l’époque moderne), Beyrouth, 1969, p. 162.

78.sa’ab, op. cit.

79.Op. cit., p. 101.

80.Op. cit., p. 15.

81.Op. cit., p. 20.

82.Op. cit., p. 184.

83.nassar (Nâsîf). Nahwa mujtama’ jadîd. Muqaddimât asâsiyya fî naqd almujtama’ al-tâ’îfî (Pour une nouvelle société. Introduction à la critique fondamentale de la société communautariste), Beyrouth, 1970.

84.Op. cit., p. 103.

85.Op. cit., p. 143.

86.Op. cit., p. 162.

87.wardi (Alî). Lamahàt ijtimâ’iyya min târikh al-’Irâq al-hadlth (Regards sociolo­giques sur l’histoire moderne de l’Irak), 2 vol., Bagdad, 1969, 1971.

88.Op. cit., tome I, p. 21.

89.Op. cit., tome I, p. 22.

90.Op. cit., tome I, p. 14.

91.Op. cit., tome I, p. 324.

92.Op. cit., tome I, p. 310.

93.Op. cit., tome I, p. 314.

94.Op. cit., tome I, p. 299.

95.Op. cit., tome I, p. 305.

96.Op. cit., tome II, p. 323.

97.Il est intéressant de remarquer une analyse semblable sur la société musulmane comme « société idéologique » chez rodinson (Maxime), Islam et capitalisme, Paris, Seuil, 1966, pp. 85 sq. Quant au thème de l’ambivalence, c’est une des idées chères à J. Berque. Cf. berque (J.), charnay (J.-P.) et al., L’ambivalence dans la culture arabe, Paris, Anthropos, 1968. Sur l’antinomie entre la culture proche-orientale et l’islam, cf. no­ tamment berger (Morroe), Islam in Egypt today, Cambridge, University Press, 1970, p. 130.

98.Op. cit., tome I, p. 317.

99.khash (Sulaymân), maqdisi [Makdissi] (Antûn), Al-marksiyya. ’Arad watahlîl (Le marxisme. Présentation et analyse), Damas (ronéotypé), Bureau culturel du Parti Ba’ath, 1968 Khash alors ministre de Education nationale écrit dans ce gros cahier que quelques pages sans intérêt.

100.Op. cit., p. 182. .

101.Op. cit., p. 182.

102.OP. cit., p. 235.

103.Op. cit., pp. 235, 240 et 238. Makdissi reconnaît à ce propos sa dette envers Massignon, Berque, Gardet et Paul Ricœur. Comp. Wardî, supra : Makdissi estime que la raison arabe, loin d’être pré-logique et non scientifique, a une logique concrète, expé­rimentale, pratique. 04.Op. cit., pp. 398 sq. Comparaison de Wardî, supra, sur l’individualisme et le communau’tarisme ; pour Makdissi, les deux traits vont ensemble.

105.Op. cit., passim, pour tout le paragraphe qui vient.

106.Op. cit., p. 166.

107.Op. cit., pp. 382 et 383.

108.Op. cit., p. 387.

109.Op. cit., p. 372.

110. De là l’intérêt du récent livre de Hasan sa’ab, ’Ilm al-siyàsa (La science politique). Beyrouth, 1968. Il consacre en effet plusieurs chapitres aux sources arabes de la science politique, depuis Farâbî jusqu’à Ibn Khaldûn. Mais on est loin encore, avec ce manuel de 770 pages, d’une sociologie politique arabe, c’est-à-dire adéquate à la réalité arabe et à l’histoire de la pensée arabe. Plus ambitieuse est l’entreprise de van nieuwen-huijze (C.A.O.), Sociology of thé Middle East. A stocktaking and interprétation, Leiden, E.J. Brill, 1971 (une « sociologie non occidentale » du Proche-Orient, et en particulier du Proche-Orient arabe ; une « spécificité proche-orientale » qui doit sécréter des concepts sociologiques propres et même des méthodes d’enquête et d’interprétation autres que les nôtres. Cf. pp. 15, 20, 26, etc...).

http://www.aloufok.net/spip.php?article35

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26 janvier 2009 1 26 /01 /janvier /2009 17:10

dimanche 25 janvier 2009, par Olivier Carré

La pensée politique arabe évolue-t-elle vers ce qui nous apparaît rationnel, réaliste, compréhensible ? Une pareille évolution préparerait les peuples arabes à des accords de paix définitifs avec Israël, quitte à sacrifier une bonne fois la cause des Palestiniens, tout comme naguère l’Etat français jugeait préférable de sacrifier à son intérêt propre pour le long terme la communauté française d’Algérie. Or, comme l’on sait, les initiatives conjointes de Nasser - chef arabe de la négociation Rogers - et de Hussein - « sacrificateur » de la résistance palestinienne - à l’été 1970, n’ont réussi à emporter l’adhésion ni des peuples arabes ni du peuple israélien. Si l’opération n’était pas crédible, c’est, pour une grande part, que la pensée politique arabe est marquée, depuis juin 1967, par deux courants qui ne vont guère dans le sens du « réalisme » qu’attendent beaucoup d’Occidentaux et d’Israéliens 1.

Le premier courant est celui de la résistance palestinienne, avec ses théories de la révolution palestinienne et arabe. L’intrusion de ces théories ranime à la fois et bouscule les mouvements idéologiques établis tels le ba’athisme, le nassérisme et le communisme. La pensée politique arabe de gauche se développe, depuis l’après-guerre des six jours, en fonction de l’idéologie palestinienne de révolution. Un tel développement, nous le verrons, ne favorise guère ce que nous entendons.

Peut-être Anouar ABDELMALEK dans Idéologie et renaissance nationale Paris Anthropos 1969 comme dans La pensée politique arabe contemporaine Paris Seuil 1970 minimise-t-il le thème national-arabe au profit de celui de édification nationale égyp tienne socialiste ou bien au profit de la doctrine tiers-mondiste du nationalitarisme Cf RODINSON M.) Marxisme et monde musulman Paris Seuil 1972 pp 142-143 Nous en trouvons une expression rénovée dans CHEVALLIER Dominique) La Société du Mont Liban époque de la révolution industrielle en Europe Paris Geuthner 1971 Préface et 26 etc KHADDURI Majid) Political trends in the Arab world The role of ideas and ideals in politics Baltimore and London Hopkins 1970 pp 26-27 Précisons que dans cet article nous entendons nullement faire le point des études orientalistes actuelles mais faire connaître quelques ouvrages arabes récents qui la plupart sont venus enrichir la bibliothèque de la Fondation nationale des sciences politiques

Evolution de la pensée politique arabe

par réalisme. Le deuxième courant marquant consiste dans l’évolution du socialisme arabe de Nasser vers le socialisme islamique hérité des Frères musulmans. Un nationalisme arabe porteur d’un socialisme d’ins­piration islamique ne prépare sans doute pas, lui non plus, à ce réalisme politique qui consisterait, pour chaque Etat arabe, à renoncer aux mythes panarabe et panislamique.

Le « réalisme politique » qu’en général nous attendons des Arabes procède, il est vrai, d’un raisonnement dont la prémisse est le principe de l’Etat national. Or au Proche-Orient les loyautés des individus et des groupes s’adressent-elles à des Etats-nations, ou bien plutôt, d’une part à des ensembles provinciaux restreints, et, d’autre part, à un vaste en­semble qui oscille entre la grande communauté arabe et la communauté musulmane mondiale ? De telles sensibilités valent éminemment, nous semble-t-il, en Asie arabe. Quant à l’Etat national égyptien, peut-être ne fait-il exception qu’en apparence, du fait qu’il coïncide avec la province du Nil inférieur. Sa prestigieuse histoire arabo-musulmane depuis le vme siècle, montre combien cette province nilotique se sent concernée par la vaste communauté arabe et musulmane 2.

Cette hypothèse qui n’est pas neuve 3 nous semble expliquer à la fois le succès et le contenu tant de l’idéologie palestinienne de la révolution, que de l’idée d’un socialisme arabe d’inspiration islamique. Aussi tâcherons-nous de mieux la formuler, avec l’aide d’analyses sociologiques de penseurs arabes actuels. En effet plusieurs esprits ont pu risquer, après le désastre de juin 1967, des critiques assez vives, ou tout sim­plement obtenir le droit de publier des manuscrits jusqu’alors interdits par les censures étatiques. Ces ouvrages venaient à point, car chacun, au moins l’espace de quelques mois, fut alors poussé à jeter tout voile et à connaître la vérité de sa société, en-deçà des différents systèmes idéologiques. Cela représente, si l’on veut, un troisième courant marquant de la pensée politique arabe récente, plus important peut-être, moins connu aussi de ce côté-ci de la Méditerranée.



I. LES THÉORIES PALESTINIENNES DE LA RÉVOLUTION

Les principales organisations de résistance existaient depuis plusieurs années et leurs orientations idéologiques mûrissaient déjà quand l’événe­ment de juin 1967 a provoqué l’accélération et la cristallisation de ces orientations. La poursuite des hostilités par la résistance, en même temps que la diffusion de ses textes idéologiques, entre l’été 1967 et l’au­tomne 1970, ont exercé une influence considérable dans le monde arabe. Or chaque citoyen de chaque Etat arabe vaincu aurait fort bien pu se serrer autour de son gouvernement, de son Etat, en laissant les autres, et notamment les Palestiniens, s’en sortir tout seuls. L’activité et l’idée de résistance palestinienne auraient alors dû ne rencontrer qu’un faible écho dans les peuples syrien, libanais, jordanien, égyptien, etc. Tel ne fut pas le cas, bien au contraire, et les chefs d’Etat ont dû tenir compte du prestige de la Résistance au point de sacrifier parfois, pour un temps, l’intérêt de leurs Etats. Pourquoi ? C’est que, d’une part, la Résistance concurrence directement tout Etat arabe qui a interrompu les hostilités pour sauver, bien mal d’ailleurs, son territoire et son gouverne­ment. Et d’autre part - ce qui est la même chose, lue plus en profondeur - elle exprime à la fois une loyauté provinciale restreinte, et une ample et profonde loyauté nationale arabe.

Voyons d’abord d’un coup d’oeil rapide les textes fondamentaux du Front populaire de libération palestinienne (FPLP) et du Front démocra­tique et populaire (FDPLP), qui représentent la pensée la plus révolu­tionnaire de la résistance, celle aussi qui, graduellement, a inspiré de plus en plus les congrès du Conseil national palestinien. Puis nous nous pencherons sur des écrits plus modérés émanant des milieux, fort divers, du Fath et de l’Organisation de la libération palestinienne (OLP). Enfin, nous aurons intérêt à signaler les réactions des formations établies à cette intrusion idéologique palestinienne.

Résistance et révolution selon le FPLP et le FDPLP

La doctrine du FPLP 4 comporte premièrement une théorie de la révolution anti-impérialiste en Palestine, dans une optique mondiale.

Cette révolution, c’est actuellement la guerre populaire animée par l’idéo­logie marxiste-léniniste et organisée par le parti révolutionnaire, en l’occurrence le FPLP. Deuxièmement, le FPLP a une théorie de la lutte des classes. Cette lutte germe dans la misère extrême du peuple pales­tinien. Elle se fortifie et s’affirme dans l’expérience de résistance, car la Résistance est d’abord une éducation sociale et culturelle du peuple en armes. La Résistance lutte donc contre plusieurs ennemis à la fois : Israël, l’impérialisme, le sionisme, les capitalistes et les classes exploi­tantes arabes. Impérialisme et Etat israélien sont liés de très près, et le sionisme mondial soutient Israël et l’aide, depuis longtemps déjà, à expulser et à opprimer le peuple palestinien. Certes, affirme le FPLP, il y a une très forte cohésion des patriotes israéliens qui, tous, défendent à mort leur survie nationale. Cependant, au sein d’Israël, une classe exploitée importante est susceptible de faire la révolution, de menacer l’unité de l’Etat israélien, de contrecarrer le mouvement sioniste et de soutenir l’idée d’une Palestine nouvelle. D’autre part, parmi les classes exploitantes arabes, la petite bourgeoisie arabe ou palestinienne est utilisable dans la phase de lutte patriotique 5, pourvu qu’on l’empêche de prendre les commandes de la Résistance. L’objectif de cette dernière, en effet, est l’accession au pouvoir des ouvriers et des paysans, eux seuls, en Palestine comme dans le monde entier. Le FPLP annonce enfin, au sein du mouvement révolutionnaire mondial, une Palestine égalitaire pour Juifs et Arabes, et intégrée dans la nation arabe. En effet le natio­nalisme arabe représente, pour le FPLP, une inspiration et une fin fondamentales, qu’il tâche d’accorder à la théorie marxiste-léniniste. Si Mao Tsé-toung et le général Giap sont les ’autorités le plus fréquem­ment citées, l’inspiration baathiste est au moins aussi importante.

Nâyîf Hawâtméh, chef du FDPLP 6, en organisant autrement les mêmes principes, et en privilégiant le thème de la démocratie, entend dépasser le nationalisme arabe lui-même. Le peuple palestinien, dit-il, a droit à l’indépendance dans tout son propre pays. Il faut donc une lutte patriotique palestinienne, qui sera soutenue par la petite bourgeoisie nationale. Toutefois Hawâtméh se concentre sur l’analyse des contra­dictions de classe. Les masses exploitées sont éveillées par l’idéologie critique. Grâce à un programme correct, elles se livrent et se livreront à la révolution, qui débute par la guerre populaire. Celle-ci constitue l’ouvrage propre du peuple et, sur un horizon de révolution mondiale, elle est une fin en soi. Si la petite bourgeoisie lui est utile, radicalement toutefois elle refusera une guerre populaire de longue durée. Ainsi, pour Hawâtméh comme pour le FPLP, la lutte patriotique n’est qu’un échelon de la lutte des classes exploitées. La révolution, sur laquelle débouchera cette lutte, est le pendant exact de l’impérialisme, localement incarné dans l’agression sioniste.

Mais, ajoute Hawâtméh, dans la phase actuelle de la révolution, qui est la guérilla des commandos et des milices, le plus important c’est la démocratie. C’est elle qui doit régler les différends idéologiques au sein de la Résistance et assurer le régime quotidien de la guérilla palestinienne. C’est grâce à elle que l’on devra liquider et remplacer le commandement petit-bourgeois exercé par le Fath et par l’OLP. La guérilla palestinienne est une école quotidienne de démocratie. Quant à l’avenir, c’est la démocratie qui exige la mutation de l’Etat israélien en un Etat palestinien démocratique, sans chauvinisme et sans confessiona-lisme politique - ce qui est tout autre chose que la perspective multi-confessionnelle des déclarations du Fath. Par conséquent, il n’y aura plus besoin d’une partition territoriale. Cet Etat démocratique abolira à la fois le sionisme - mais non la culture juive, précise Hawâtméh - et l’arabisme réactionnaire - mais non pas, bien sûr, la culture arabe. Cette idéale Palestine ne sera plus dominée par une classe privilégiée. Ce sera « un Etat palestinien de démocratie populaire » 7, paré des beautés de la révolution en marche. Il servira de base, non plus à l’impérialisme mondial, mais à la révolution mondiale, par le relais d’une nation arabe unifiée entièrement anti-impérialiste et non bour­geoise. A la réalisation de ce projet sont conviés les révolutionnaires du monde entier, et singulièrement les groupes israéliens non sionistes et anti-impérialistes (Hawâtméh pense au groupe « Matzpen », notamment.)

Cependant, dira-t-on, comment donner pleine valeur aux droits politiques et culturels de l’ethnie juive dans une Palestine intégrée à la nation arabe ? Hawâtméh entend dépasser à la fois le chauvinisme juif et le chauvinisme arabe. Il propose, il annonce, un Etat épuré de tout nationalisme exclusif, un Etat pour ainsi dire dénationalisé. Et la nation arabe elle-même, Hawâtméh la voit sous la forme d’un Etat, fédéré ou confédéré, démocratique, populaire, révolutionnaire, mais sans caractère nationaliste. Point d’Etats nationaux, dirons-nous, mais un Etat palestinien démocratique et populaire intégré à un Etat arabe unifié démocratique et populaire. Plus de nationalités (qawmiyyât) en Palestine, mais une citoyenneté (wataniyyà) palestinienne unique. A la différence du FPLP, Hawâtméh n’utilise pas en bonne part le ternie : nationalisme (qawmiyyà), mais il l’associe au concept péjoratif de : chauvinisme 8.

Ainsi les théories palestiniennes de pointe font appel aux deux loyau­tés dont nous parlions. Les solidarités locales restreintes, tout comme la large solidarité arabe, voire proche-orientale, sont comme vivifiées par le formidable mythe de la révolution mondiale qui, au Proche-Orient, sera et palestinienne et arabe. Cette mondialité là, qui n’a plus pour prémisse l’Etat national, redonne vigueur, sans contradiction, aussi bien au sentiment national - arabe qu’à la solidarité locale - en l’occurrence palestinienne. Concédons que l’invitation de Hawâtméh à une sorte de « dénationalisme » bouleverse le sens de cette double loyauté, mais c’est bien sur elle qu’il s’appuie encore. Quant aux Etats du monde arabe actuel, il n’en est question que de manière négative, car ils sont censés avoir contribué à disperser les Palestiniens et, en même temps, à diviser la nation arabe.

Patriotisme, nationalisme et socialisme, dans les cercles palestiniens modérés

A l’OLP et au Fath, ou dans les cercles indépendants, on s’effarouche souvent des théories de la lutte des classes et de la révolution mondiale contre la bourgeoisie. On parlera d’une Palestine laïque plutôt que populaire, dans un langage qui s’inspire de la tradition démocratique occidentale. Ainsi, dit Nabil Sha’âth 9, « la population de cette nouvelle Palestine inclura tous les Juifs résidents et tous les Palestiniens, qu’ils soient exilés ou soumis à l’occupation, qui choisiront de vivre en Palestine en acceptant un statut égal pour tous, sans droits spéciaux ni privilèges ». Cette Palestine fera partie intégrante d’un « futur terri­toire arabe fédéral ». Dans cette fédération arabe unie, les Palestiniens juifs jouiront de « pleins droits politiques, culturels, religieux ». Le conférencier précise ensuite que « le triste article 6 de la Charte nationale palestinienne » devra être amendé en conséquence 10. La solution démocratique est possible aujourd’hui puisque la population juive de Palestine et la population palestinienne dispersée ou résidente sont à peu près égales. Quant au régime politique, et au système économique ; « une véritable application de la démocratie d’un Etat requiert l’entière participation démocratique des résidents juifs pour décider de la forme de gouvernement de la nouvelle Palestine ». Le conférencier estime que tous les mouvements de résistance palestinienne, y compris le Fath, sont d’accord avec de telles vues.

Dans la Cisjordanie occupée elle-même, la voix de Abu Shalbâya et de ses amis, bien qu’exprimant des vues différentes, est de la même veine, puisque, dans le premier ouvrage politique publié depuis 1967 dans la Jérusalem arabe, il milite pour un Etat palestinien en Cisjordanie et à Gaza qui coexisterait avec Israël et serait ultérieurement intégré dans une « Union des Républiques arabes qui inclura ledit Etat pales­tinien, l’ensemble des Etats arabes actuels, et aussi des Etats de minorités nationales tels que les Juifs en Palestine », etc. 11. Comme N. Sha’âth, il cherche une coexistence. Moins ambitieux, il ne croit pas à la possibilité d’un Etat judéo-palestinien unitaire, mais à celle d’une confédération.

Quant à ceux des Palestiniens qui, plus ou moins marxistes, se sentent concernés par le Fath et l’OLP, voici à peu près leurs idées 12. La guerre des partisans palestiniens s’enracine dans un sentiment patrio­tique profond. C’est ce qui importe, car l’essentiel d’une guérilla réside dans l’homme et dans ses énergies intérieures. Peu importe que, géogra-phiquement et démographiquement, la Palestine ne soit ni le Viet-Nam ni l’Algérie. La résistance palestinienne n’est pas encore une lutte de classe. Ultérieurement un parti prolétarien pourra se constituer et « transformer le mouvement de libération patriotique en une révolution démocratique à orientation socialiste »13. Mais cela n’est pas certain, car dans les pays arabes la classe prolétaire consciente est très faible. D’autre part, le prolétariat israélien, quant à lui, n’est pas automatiquement anti-impérialiste et anti-sioniste. Une telle analyse critique assez clairement le gauchisme d’un Hawâtméh.

L’une des grandes questions débattues en 1969-1970 dans les publications arabes, c’était celle du rapport entre le patriotisme local (palestinien en l’occurrence) et le nationalisme arabe. Allûsh affirme que c’est le peuple arabe tout entier qui lutte en Palestine, et que les bases militaires de la guérilla en pays arabe ne sont pas des bases exté­rieures. Toute la nation arabe est mobilisée, et les armées arabes régu­lières doivent se préparer à une guerre complète dont le terrorisme palestinien n’est que l’un des aspects. Il faut même préparer toute la population arabe à une guerre populaire généralisée. Voilà comment la lutte palestinienne, locale certes, aura « une existence nationale-arabe », et « la Palestine sera le chemin de l’unité arabe » 14. En conséquence, il faut mettre fin à la politique traditionnelle des Etats arabes, qui s’exerça toujours au détriment des Palestiniens. C’est la révolution palestinienne qui remplacera le nassérisme, en détruisant toutes les « théorisations étatiques »15. Il faut en même temps se méfier ajoute Allûsh, des purs nationalistes-arabes, selon lesquels la province restreinte n’aurait aucune consistance propre, de sorte qu’il ne faudrait rien entreprendre avant l’unification étatique totale de la nation arabe. En réalité, conclut-il, la révolution palestinienne est l’incarnation locale, concrète et non utopique du nationalisme arabe en marche.

Ainsi Allûsh, à propos de l’expérience palestinienne, décrit les deux traits que nous estimons caractéristiques des sensibilités politiques proche-orientales. La révolution palestinienne est vue expressément comme provinciale et nationale-arabe à la fois, mais non étatique. Aurait-elle, en conséquence, une force mobilisatrice plus adéquate à la réalité arabe que les idéologies établies qui, selon Allûsh, sont trop éta­tiques et d’un nationalisme arabe trop abstrait ?

Les réactions de la gauche arabe aux idées palestiniennes de résistance et de révolution

Les théoriciens du nationalisme arabe sont particulièrement réceptifs aux idées palestiniennes. « La question palestinienne ne diffère pas de la question nationale-arabe ... Elle en est toutefois le point le plus important », écrit Michel Aflâq, le fondateur et secrétaire général du Ba’ath 16. La défaite de juin 1967, selon lui, est due essentiellement à l’immense retard de la société arabe : il faut s’attaquer à ce retard et prendre le temps qu’il faudra 17. Toutefois c’est le massacre d’Amman en sep­tembre 1970 qui, estime Aflâq, est beaucoup plus grave, pour la nation arabe dans sa marche vers l’unité et le socialisme, que le désastre de juin 1967, parce que, à Amman, l’impérialisme intervient, contre toute la nation arabe, du sein même des Etats arabes. Aussi « le chemin de la victoire passe-t-il par Amman » 18, à l’aide de cette « lutte populaire armée » que le Ba’ath préconisait déjà il y a 25 ans, assure Aflâq 19. Davantage même, écrit un autre ba’athiste, le combat palestinien est la seule chance qui reste à la nation arabe pour forger son unité nationale ; celle-ci en effet a absolument besoin d’un combat, dur, long, commun 20. C’est alors seulement que l’unité nationale, accrue et devenue cons­ciente, pourra aboutir à une unité politique réelle et permanente, car il ne s’agira plus d’une hégémonie étatique quelconque, comme ce fut le cas jusqu’à présent. Evidemment les penseurs du Ba’ath demandent aux Palestiniens de se garder d’une solution séparatiste 21, puisqu’aussi bien la reconquête de la Palestine est impossible sans la mobilisation de toutes les capacités arabes 22. Cette méfiance à l’égard de tout provin­cialisme (qutriyyà) caractérise l’idéologie du Ba’ath, comme l’on sait, et sur ce point l’expérience palestinienne la bouscule quelque peu.

Les communistes arabes montrent un malaise beaucoup plus prononcé devant les théories palestiniennes qui, à leurs yeux, ne respectent pas les étapes de la révolution socialiste et communiste. Il est erroné, disent-ils, de prétendre édifier le socialisme au cours même de la lutte de libération patriotique 23. La Résistance, « c’est des paroles sans contenu, des contenus sans définition » 24, c’est « de l’idéologie pure et simple », c’est « du gauchisme » ; « elle n’a aucun rapport avec le marxisme ». La « guerre populaire de libération » n’est qu’une « invi­tation au sinistre rite qu’elle charrie : la sépulture ». De toute façon, la cause palestinienne est déjà sacrifiée, pour la simple raison que « l’Egypte de la révolution a atteint l’âge de raison » constate encore E. Morqos. Les communistes arabes, même si tous n’ont ni l’autorité intellectuelle ni la sinistre lucidité d’un Morqos, tâchent de présenter de manière pas trop inacceptable pour l’opinion arabe, une vue étatique plutôt que nationale-arabe, des relations -avec Israël.

L’Etat israélien est une réalité, disent-ils. C’est un Etat national. « Une nation israélienne existe ... et elle a le droit, à l’instar du peuple arabe, de déterminer son propre destin » 25. Le parti communiste israélien - en majorité arabe - nommé Rakâh, exprime à peu près les mêmes idées 26. Donc un Etat, si possible unitaire, réellement démocratique, en Palestine, est la solution d’avenir, concèdent les communistes arabes à la résistance palestinienne 27. Mais il faudra au préalable que l’on parvienne en Israël à définir une nationalité israélienne, plutôt que juive comme telle 28. Pour l’instant du moins, ajoute Sabrî Abdallah, rien n’empêche une coexistence permanente entre l’Etat israélien et les Etats arabes, même sans reconnaissance mutuelle en bonne et due forme : l’expérience internationale en offre quelques exemples.

Le désaveu de « la révolution palestinienne » est la conséquence inévitable de ces vues communistes dans leur ensemble, même s’il ne s’exprime pas avec autant de brutalité que sous la plume de E. Morqos. Cette logique des Etats, caractéristique des communistes arabes, est peut-être la raison profonde de la présence, depuis peu, de ministres communistes dans les gouvernements égyptien, syrien et irakien.

En tout cas, nous voyons qu’aussi bien la ferveur pro-palestinienne des ba’athistes et autres nationalistes arabes, que la réserve ou l’hostilité des communistes et de plusieurs marxistes, s’accordent sur la nécessité d’une rencontre avec Israël d’une manière ou d’une autre. L’action et l’idéologie palestiniennes ont réussi à acclimater dans l’opinion arabe cette idée, qui nous semble neuve en tant qu’elle est publique et non plus seulement diplomatique ou réservée aux cercles communistes arabes depuis 1947. Le fougueux damascène SJ. ’Azm ne se contente pas, dans deux ouvrages fameux 29, de faire le procès de tous les régimes arabes et de l’ensemble des partis communistes, ba’athistes, nassériens, il s’efforce encore de traiter de la question, essentielle selon lui, du nationalisme juif israélien ; celui-ci, estime-t-il, a des caractéristiques originales, et un dynamisme dont le sort funeste des Arabes témoigne amplement. Il y a en Palestine, écrit-il, depuis des années déjà, « une société israélienne intégrée, ayant des classes sociales définies et un Etat national moderne muni de toutes les institutions et de tous les instruments d’action re­quis » 30. L’on s’efforce aussi, tentative neuve en terre arabe, d’analyser la psychologie collective juive israélienne, et l’on va jusqu’à reconnaître un sentiment national juif au sein de l’expérience séculaire d’antisémitisme 31. Il faut donc, conclut-on, reconnaître dans Israël un Etat national de mo­dèle européen, une nation en formation s’étant enfin incarnée dans un Etat, lequel à son tour fortifie le nationalisme. Ainsi l’idée tabou d’une na­tion juive et d’un nationalisme juif est abordée et publiquement présentée, alors que les communistes arabes - les moins anti-israéliens pourtant parmi les formations arabes, dès 1947 - se contentent encore de re­connaître une nationalité israélienne, non pas juive proprement dite, en formation, l’Etat israélien n’étant pas, à l’origine, le résultat d’une poussée nationale, mais d’une pure entreprise colonialiste européenne 32.

Pour conclure, constatons d’un côté que l’idéologie palestinienne de résistance et de révolution, dans son succès relatif comme dans son contenu, correspond aux sensibilités politiques qui seraient spécifiquement proche-orientales : loyautés locales restreintes et, en même temps, loyauté envers la vaste nation arabe. Mais, d’un autre côté, plusieurs réactions arabes, notamment dans les milieux communistes, tâchent d’infléchir cette idéologie vers une logique fondée sur le concept de l’Etat national,

dont Israël est l’exemple à la fois prestigieux et hostile 33. Fécondée à nou­veau par les idées palestiniennes, la pensée politique de la gauche arabe oscillera peut-être, désormais, entre, d’un côté, une sensibilité politique nettement occidentalisée, que les communistes encouragent autant que les libéraux formés en Grande-Bretagne ou aux Etats-Unis, et, d’un autre côté, une sensibilité politique proche-orientale réveillée par la résistance palestinienne non étatique. Du coup, les théories gauchistes et maoïstes, véhiculées par certaines organisations palestiniennes, semblent s’acclimater aux sensibilités politiques proche-orientales 34. Ne serait-ce pas que, pré­cisément le concept européen d’Etat national n’est plus la prémisse de ces théories révolutionnaires ?

Dans ce débat entre d’une part l’idéologie palestinienne et d’autre part le Ba’ath, les communistes arabes, les groupes gauchistes et maoïstes, est-ce que le nassérisme est exclu ? Disons plutôt que le nassé­risme, dès la défaite de Nasser en juin 1967, puis après la mort du maître en septembre 1970, se cherche, non pas dans la direction ba’athiste ni communiste, mais dans celle d’un socialisme d’inspiration islamique hérité des Frères musulmans. Examinons cette orientation qui nous a paru constituer le second trait marquant de la pensée politique arabe récente.

II. UN SOCIALISME ARABE EN QUÊTE D’ISLAMISATION

Le nassérisme voulant être une fidélité à un grand homme, il tolère les deux orientations principales actuelles, l’une qui se réclame d’un socialisme arabe, et l’autre qui s’efforce de récupérer l’essentiel d’un so­cialisme islamique que les Frères musulmans ont naguère élaboré. Or il semble bien que ce soit la branche islamique qui accapare l’héritage du nassérisme. Non point qu’il y ait un retour de l’intégrisme islamique des Frères, mais il s’agit plutôt de l’influence d’idées socio-politiques isla­miques élaborées dans les milieux des Frères, sur le socialisme arabe hérité de Nasser. Du côté musulman, on est heureux d’avoir à nouveau voix au chapitre, et de l’autre côté on éprouve le besoin de racines doctrinales et historiques auxquelles suppléait souvent la personnalité de Nasser, homme d’action plutôt que de doctrine.

Le socialisme arabe hérité du nassérisme

II y eut quelques années de controverse assez libre en Egypte, juste avant juin 1967, entre les communistes égyptiens ralliés au quasi-parti unique nassérien (l’Union socialiste arabe), et d’autres penseurs formés au socialisme par l’expérience égyptienne postérieure aux nationa­lisations de juillet 1961. Qu’est-ce que le socialisme, le socialisme scien­tifique, le socialisme spécifique ou « authentique » (entendre : fidèle à la société historique qui le secrète et l’adopte), le socialisme arabe ? Qu’entendre, en terre musulmane, par propriété privée, nationalisation, propriété collective, coopération, planification économique ? Comment adapter le principe de la lutte de classe, comment définir le prolétariat en terre arabe ? Qu’est-ce que la lutte patriotique et nationale dans une optique socialiste ? Que deviendra la religion et singulièrement l’islam, qui est lié de si près à la culture et à l’histoire arabes ? Quel est l’apport du « socialisme islamique » dont les Frères musulmans ont élaboré une doctrine fervente ? Toutes ces questions furent débattues à la suite des premières études critiques de la Charte d’action nationale de 1962, docu­ment souvent considéré dans le Proche-Orient comme le credo du « so­cialisme arabe » 35. Cette controverse permit à beaucoup d’intellectuels égyptiens de tendance laïque de justifier et de définir avec assez de précision leur « socialisme arabe ». Voici comment 36 :

Comme la nationalité arabe est, dit-on, essentielle à l’homme arabe, le socialisme du Proche-Orient arabe est arabe dans son essence. En outre, comme la nation arabe se veut une, il ne peut y avoir qu’un socialisme arabe, et non point une série d’expériences socialistes locales. En consé­quence, le socialisme de Bourguiba est, en fait, un faux socialisme, tout comme le socialisme israélien ou un éventuel socialisme palestinien 37. Pareillement, déclare-t-on, le marxisme est inadéquat, parce qu’il conteste radicalement les nationalismes, qui sont le propre de l’homme. C’est que le matérialisme dialectique ignore la primauté de l’homme. Le socialisme arabe ne saurait donc être la simple application arabe du socialisme marxiste, dit scientifique. En effet, on n’est vraiment scientifique, dit-on, que si l’on se fonde sur « le facteur fondamental des phénomènes so­ciaux ». Or, ce facteur est l’homme et la dialectique de l’homme, non pas la matière et la dialectique de la matière. C’est donc, conclut-on, le « socialisme humain » qui seul sera scientifique, grâce à la connaissance critique des sociétés humaines. La dimension nationale étant essentielle aux sociétés, le socialisme humain, selon les tenants du « socialisme arabe », ne sera pas uniforme, mais polymorphe, conformément à la vérité des nations. Voilà pourquoi le socialisme scientifique, c’est, dans la nation arabe, le socialisme arabe. C’est lui seul qui, pour l’homme arabe, découvre et suit « les lois globales et nécessaires des influences mutuelles, des mouvements et des évolutions qui déterminent la Nature-en-tant-que-l’Homme-y-est » 38.

Qu’est-ce donc que le socialisme arabe ? « II est la maîtrise du peuple (arabe) sur les moyens de production, grâce à la planification économique confiée à un Etat démocratique, en vue de réaliser le bien-être ». Le pro­blème premier, c’est le développement économique de pays retardés. Toutes les richesses locales doivent être socialisées pour l’ensemble des Arabes. L’impressionnante force démographique égyptienne aussi bien que les ressources pétrolières considérables des émirats et royaumes, sont propriété arabe. D’autre part, le socialisme arabe sera étatique, sa grande tâche étant la planification autoritaire. Celle-ci réalise la maîtrise du peuple sur les moyens de production. Dans le socialisme arabe, dit-on encore, producteurs et ouvriers participent effectivement à la direction de la production, grâce à l’Etat, aucune classe n’ayant de rôle privilégié, pas même les ouvriers. Nous percevons nettement ici l’éloge du système de Nasser, qui comportait une assemblée nationale composée pour moitié d’ouvriers et de paysans.

Ce socialisme de la nation arabe a en effet pour modèle étatique l’Egypte nassérienne, et il débouchera, disent les nassériens, sur une Union des Républiques arabes socialistes, avec un gouvernement central assez fort pour appliquer une planification économique globale et pour « socialiser » - les auteurs entendent en fait « nationaliser » - tous les moyens de production de l’ensemble de la région. Tous les particularismes locaux, disent-ils, sont à exclure. Le seul ferment affectif sera le sentiment national-arabe, et l’objectif prioritaire un développement économique ra­pide et prestigieux en harmonie avec les valeurs propres de l’homme arabe. Quelles sont ces valeurs, et quel rôle peut y jouer l’islam, les te­nants du socialisme arabe ne le disent guère. En quelques mots ils assurent que les valeurs islamiques favorisent à la fois le nationalisme arabe et l’humanisme socialiste. Ils utilisent à cette fin des concordismes assez grossiers, fréquents dans la production littéraire arabe progressiste. Pa­reillement, diront-ils, la tradition musulmane s’accorde bien avec la limi­tation de la propriété privée afin que, publique ou privée, toute propriété soit en définitive « propriété sociale », grâce à un système coopératif, c’est-à-dire de gestion collective en suivant la ligne du plan économique. Or l’islam n’est-il pas éminemment coopératif et social ? Davantage même, le vrai penseur musulman n’a-t-il pas le privilège de pouvoir être à la fois matérialiste et croyant ? 39. De telles justifications, en général hâtives et mal informées, indiquent du moins le désir qu’éprouvé ce so­cialisme arabe de s’enraciner dans des garanties islamiques qu’il aimerait connaître mieux et exploiter davantage.

L’héritage du socialisme islamique

Le champ s’ouvrait donc à l’héritage des Frères musulmans. Certaines de leurs idées réapparaissent au cours de l’élaboration de la nouvelle Constitution égyptienne en 1971, et Kadhafi se présente comme l’authentique interprète du nassérisme en identifiant socialisme arabe et socialisme islamique, interprétation pour le moins tendancieuse si l’on se souvient que l’expression « socialisme arabe » visait très précisément, dans la bouche de Nasser, à se démarquer à la fois du socialisme islamique et du socialisme marxiste. Quelles sont aujourd’hui les principales idées issues des Frères musulmans ?

Ce sont, bien entendu, des thèmes que nous connaissons bien, en Occident, par les études, déjà anciennes, d’éminents orientalistes 40. Ce que nous allons présenter ici, c’est un réseau de concepts socio-politiques mu­sulmans exploités souvent de manière tendancieuse, dans une perspective apologétique et avec force concordismes. Ce réseau simple constitue un discours type, utilisable à volonté, et utilisé de plus en plus, tant par les auteurs musulmans cultivés, que par les penseurs arabes socialistes ou communistes 41. Il se résume dans cet énoncé : socialisme et islam authen­tiques s’accordent parfaitement. Par rapport à la doctrine traditionnelle de la Cité musulmane, l’ensemble d’idées dont nous allons parler a d’une part un accent économiste, marqué par le socialisme étatique de Nasser, et d’autre part un accent nationaliste-arabe qui n’est plus contesté par l’universalisme musulman. Nous pouvons grouper ces idées autour de la question nationale, de la question sociale, et de la question politique.

Nationalisme et islam

La première critique touche le sécularisme hérité de la société euro­péenne contemporaine. Quant aux nationalismes européens, « ils rem­placent Dieu comme facteur de cohésion des individus dans leur société... et la patrie prend la place de Dieu » 42. L’Etat, en Occident, qu’il soit libéral et capitaliste ou totalitaire et socialiste, tient lieu d’Eglise. Enfin le marxisme se présente et s’impose comme « une religion de l’humanité, le genre humain total remplaçant et Dieu et l’Eglise », au nom de la Science 43. Cette théorie s’est, dit-on, transmise au monde musulman, et la communauté musulmane (ummd) se voit divisée en nationalismes multiples, tout comme la nation arabe doit affronter plu­sieurs Etats arabes. Pourquoi cela est-il advenu ? A cause d’un affaiblis­sement de la pensée islamique dès avant « l’invasion européenne », assure-t-on. Le remède est clair : au lieu d’une « pensée islamique malade... il faut restaurer l’islam comme troisième force mondiale » 44, face aux nationalismes capitalistes et au marxisme. En effet le monde musulman n’a aucun motif intérieur pour singer l’Occident. La philo­sophie hégélienne de l’Etat et la divinisation marxiste du prolétariat sont une évolution « entièrement étrangère à l’Orient, à sa mentalité, à ses conditions d’existence et à sa vie propre » 45. Autrement dit, l’authen­ticité ne réside pas dans le nationalisme mais dans « les valeurs isla­miques » 46 et dans « la personnalité musulmane » 47. Celle-ci se carac­térise, affirme notre théologien philosophe, par l’absence de toute médiation religieuse ou politique entre la personne et Dieu, de sorte que le profond « sentiment de fraternité » musulmane n’est voilé, nor­malement, par aucun sentiment de classe ou de clan. Pourtant, précise-t-il, cette fraternité islamique ne se dilue pas dans un internationalisme sans racines locales et biologiques. Nous retrouvons ici une belle expression de la double fraternité, provinciale et restreinte d’une part, nationale et, virtuellement, mondiale, d’autre part. La fraternité « nationale » est ici musulmane et non pas arabe, mais les docteurs musulmans ralliés à Nasser identifient volontiers les deux, ou du moins ne les opposent plus 48.

Un socialisme d’inspiration islamique

L’expression : « socialisme islamique » a été fabriquée par certains Frères musulmans 49, dont les écrits sont réimprimés aujourd’hui. Nous en dirons les traits essentiels.

Au préalable, bien entendu, cette doctrine sociale critique vivement le communisme 50. Certes, il existe plusieurs points d’accord, en matière économique et sociale, entre l’islam et le communisme 51. Mais ce dernier, par une erreur de principe, néglige toute religion, comme tout enracinement patriotique et national. Aussi ne tient-il pas compte de la religion sociale par excellence, l’islam 52. Le système social de l’islam est en fait le seul et unique concurrent sérieux du marxisme. Il n’y a que deux types possibles de société : une société islamique, une société communiste 53, et « c’est l’islam et les musulmans qui remporteront la victoire » 54. Quels sont, du moins, les principes de cette société islamique idéale ?

Le principe de base, c’est que les biens sont confiés aux hommes en lieutenance (khilâfà). Aussi nul n’est-il totalement propriétaire d’aucun bien 55, « l’homme ne possédant en définitive que le droit d’usage des biens » 56. De là découle que la propriété privée a une nature sociale, et, par conséquent, une fonction sociale. C’est en ce sens seulement que l’islam reconnaît et exige le droit de propriété individuelle. Voilà pour­quoi la Loi islamique (sharî’a) confère « aux pauvres des droits sur les biens des riches » 57, par l’aumône canonique (zakàt) qui, selon ces auteurs, s’apparente à un impôt sur les revenus et sur les capitaux. Cette obligation de la zakàt est vue comme le pivot de la doctrine sociale isla­mique, comme la clef à la fois religieuse, morale, et juridique, de la solidarité sociale. C’est un principe vraiment révolutionnaire 58. Les Frères musulmans et leurs héritiers estiment qu’à la zakàt le Coran ajoute d’autres prescriptions du même ordre, qui autorisent un système fiscal étendu, nécessaire à un régime socialiste étatique. Ce sont les « dépenses pour Dieu ».

Un autre principe juridique dont ils font grand usage aussi, c’est l’intérêt commun (maslahd) qui, devant toujours l’emporter sur l’intérêt des individus, peut conduire à des confiscations ou expropriations pro­visoires 59, ou même définitives si les droits des pauvres l’exigent et si l’intérêt commun requiert une refonte complète des structures sociales 60. Enfin, dernier principe central, tout profit usuraire (ribâ) est sévèrement prohibé par l’islam. Certains limitent cette prohibition à des taux d’intérêt vraiment usuraires 61. D’autres reconnaissent le ribâ dans tout prêt à intérêt, car cette opération assure, disent-ils, un profit sans travail et sans risque. Le système capitaliste est alors condamné en bloc comme « système de ribâ ». En revanche, l’on prétendra qu’il existe un système de placements libres et d’investissements utiles sans nulle trace d’intérêt automatique 62. Ce système serait un système bancaire typiquement islamique.

De ces principes sociaux, les Frères musulmans et leurs héritiers tirent, d’une manière beaucoup plus poussée que les docteurs réformistes, une conséquence politique assez neuve, croyons-nous, en tradition musul­mane classique 63. Ils confient en effet au chef politique des pouvoirs économiques et sociaux très étendus. L’Etat ne se contentera plus de lever l’impôt et de conduire l’armée, mais l’Etat islamique moderne sera arbitre, gestionnaire, provident. Il redistribuera la zakàt. Il contrain­dra, fût-ce par la force armée, les récalcitrants à payer cette aumône obligatoire. A lui aussi de saisir les marchandises accaparées et monopo­lisées dans des buts spéculatifs. A lui d’instaurer et de contrôler un système bancaire sans ribâ. A lui de fixer les prix des biens et services, dans certaines circonstances. A lui d’évaluer où est l’intérêt commun, et en conséquence, d’exproprier et de nationaliser certains biens, ou de lever de nouveaux impôts. Bref le chef est le lieutenant (khalijd) poli­tique de Dieu, chargé d’appliquer autoritairement tout ce qu’exigé la lieutenance (khilâfà) économique que les hommes exercent sur la terre. Le politique est au service de l’économique, lequel est au service de Dieu - c’est-à-dire, pour nos auteurs, au service de la communauté 64.

Ce bref aperçu de ce que l’on appelle parfois le socialisme islamique permet de comprendre qu’il n’est pas étranger, dans ses orientations et ses conséquences, au « socialisme arabe ». Certains juristes musulmans, libérés aujourd’hui du fanatisme et de l’intégrisme des Frères, s’adresse­ront aux tenants du « socialisme arabe » à peu près en ces termes : Certes le socialisme est un système économique moderne, dont l’islam, bien sûr, n’a point parlé, mais reconnaissez que le droit islamique est loin de le contrecarrer, au contraire 65 ; et ce que nous recommandons ne se réduit pas à une simple bienfaisance individuelle, puisque nous don­nons de larges pouvoirs économiques et sociaux à l’Etat. Tout comme le socialisme arabe, le socialisme islamique se veut étatique et autoritaire. Il ajoute la force mobilisatrice de la foi musulmane.

Un régime politique islamique moderne

L’intégrisme des Frères tenait surtout à leur revendication politique. L’Etat islamique est, disaient-ils, sui generis, car on ne peut l’inclure dans aucune des espèces connues de régime politique 66. En même temps, par une tendance apologétique qui abonde dans les écrits musulmans modernes, ils assuraient que le régime politique islamique serait éminem­ment conforme aux exigences modernes de démocratie, d’égalité et de liberté. Cette tendance apologétique et concordiste a infléchi l’intégrisme des Frères les plus doctrinaires. Les milieux musulmans reconnaissent aujourd’hui que la doctrine politique islamique ne s’appuie pas, comme le fait la doctrine sociale, sur des textes coraniques clairs et précis. Elle relève d’une tradition historique et juridique qui débute avec l’âge d’or des quatre premiers califes (632-661). Par conséquent les inter­prétations modernes de la politique islamique peuvent varier et suggérer des solutions assez souples 67. L’héritage des Frères en cette matière semble abandonner la tentative de déduire toute une théorie politique moderne de la seule prescription coranique explicite en la matière, celle de la consultation ou conseil (Shûrà). Cette tentative permettait de pro­clamer : Notre Constitution c’est le Coran ! La tendance actuelle, plus cultivée et plus modérée, s’en remet, comme il est de tradition, à l’en­semble des autorités juridiques musulmanes post-coraniques qui forment la Loi islamique (sharî’d). Celle-ci contient plusieurs principes de gou­vernement qu’il faut considérer comme « l’une des sources principales du Droit », mais non l’unique 68. Nous voici loin de l’intégrisme des grandes années des Frères, quand ils estimaient que ne point appliquer la totalité de la sharî’a, c’était pour le chef être impie et apostat, passible de la peine de mort, l’Ordre islamique formant un tout intégral. Bien sûr, pour les Frères, Nasser était cet impie, malgré son hypocrite bonne volonté. Aujourd’hui, au contraire, reprenant l’idée des réformistes de la fin du xixe siècle, la pensée musulmane égyptienne insiste sur la chance actuelle et le devoir d’un nouvel « effort d’interprétation » (ijtihâd) 69, afin d’édifier une synthèse de droit public et civil à la fois authentiquement islamique et moderne. "L’ijtihâd prend ainsi le sens d’un effort de rénovation idéologique, et non plus d’un retour étroit à la tra­dition primitive (fondamentalisme des Frères, à la suite de R. Rida).

Voici les traits principaux que l’authenticité islamique apporterait à cette synthèse 70. Premièrement, la source du pouvoir est la communauté, le peuple, qui doit s’exprimer par des élections. Rien n’empêche que de nos jours le vote se fasse au suffrage universel, même si, en doctrine traditionnelle, c’est un groupe de spécialistes et de notables qui est habi­lité à désigner le Chef. Deuxièmement, le Chef est normalement élu à vie. Les électeurs font envers lui un acte d’allégeance que l’on ne reprend que si son activité va clairement et gravement à rencontre de Dieu. Ce régime, assure-t-on dans ce milieu de pensée, n’est point théocratique, car le pouvoir ne vient pas de Dieu directement, mais du peuple 71. Il s’agit d’une démocratie originale, conclut-on, car ce régime n’est point monarchique puisque le pouvoir, de soi, n’est point héréditaire en islam. Remarquons, pour notre part, qu’il s’agit quand même d’un régime abso­lutiste, puisque l’allégeance est à sens unique, de bas en haut : il n’y a point de contrat proprement dit. Et d’autre part, reconnaissons que le pouvoir est personnel, car le Conseil (Shûra) qui doit aider le souverain, ne signifie pas, dans la tradition, une sorte de Parlement élu, mais plutôt un Conseil restreint de personnalités religieuses et politiques dévouées à la fois à la Shari’a et au souverain. Certains jugent toutefois qu’aujourd’hui la shûrâ devra prendre la forme d’une Chambre de députés élus, tout comme le sera le souverain, au suffrage universel. Ils seront chargés de conseiller, mais aussi de contrôler le gouvernement du souverain, du président.

Quant aux tâches de l’Etat, nous avons déjà rapporté l’opinion la plus marquante dans la pensée politique et sociale héritière des Frères : ce sont des tâches économiques et sociales, dans le sens d’un socialisme d’Etat. La tradition de la politique islamique s’harmonise bien, selon cette opinion, avec l’absolutisme, tempéré d’un certain contrôle démocra­tique, qu’exigé le socialisme autoritaire en vue du développement écono­mique. Voilà donc ouverte la voie à « l’exercice du pouvoir par l’islam » 72, car cet exercice, assure-t-on, est congénital à l’islam et, en même temps, il est indispensable au succès du socialisme en terre arabe. C’est que, à la différence du christianisme, l’islam « est une foi qui prend forme dans une Loi (Shari’a, et une Loi qui n’est autre que l’interprétation et l’application de la foi » 73.

La postérité de la pensée sociale et politique des Frères musulmans semble bien devoir contribuer, dans les années qui viennent, à un système qui pourrait s’appeler : socialisme arabe d’inspiration islamique. Cette idéologie, qui, des deux côtés de son inspiration, a en priorité un projet économique dont l’urgence est évidente, parviendra-t-elle à mobiliser les populations, à leur communiquer cette ferveur de produire et de grandir, que jusqu’à présent aucun régime arabe - faute d’idéologie mobilisatrice sans doute - n’a réussi à susciter 74 ?

En tout cas le mouvement de retour aux inspirations sociales et politiques islamiques ne nous semble pas obligatoirement intégriste et fanatique. Tout comme la révolution palestinienne a pu représenter une reprise de l’authenticité proche orientale, de même, mais tout autrement, le courant islamique postérieur aux Frères musulmans représente, depuis 1967, une remontée de l’authenticité islamique. Nouveaux avatars d’un double mouvement déjà nettement perceptible dans les années 50, et dont le mystérieux incendie du Caire le 26 janvier 1952 fut un symbole 75. Le premier courant tire aujourd’hui parti des théories révolutionnaires mondiales héritées de Marx et de Mao, le second courant sollicite la théorie du socialisme arabe qui, lui-même, cherche des racines historiques, traditionnelles. Dans les deux cas la pensée politique héritée de l’Occident est contestée, non seulement en fait mais de manière consciente et explicite. Le courant islamique actuel, en effet, offre à chaque citoyen arabe musulman de s’identifier à la vaste communauté musulmane ou du moins à la communauté arabe comme communauté musulmane pri­vilégiée. Après quoi, la doctrine sociale et politique de cette umma (communauté, nation) est appelée à être interprétée et appliquée avec ardeur dans les diverses provinces grâce à des Etats modernes d’inspi­ration islamique dont la tâche prioritaire est économique et sociale. La mission de chacun de ces Etats est nationale-islamique, mais aucun d’eux, bien entendu, n’est perçu comme un Etat qui coïnciderait avec la « nation musulmane ».

Cette double remontée aux sources, proche-orientales d’un côté et islamiques de l’autre, nous rend-elle l’Orient arabe plus étranger qu’il n’était ? Il n’est pas impossible que d’autres courants de la pensée arabe, moins marquants depuis 1967 mais solidement établis, l’emportent et retrouvent un nouveau souffle. La logique des Etats nationaux peut fort bien s’imposer, à l’aide des communistes arabes et des hommes de gouvernement. Mais pour combien de temps, si les racines culturelles du Proche-Orient arabe et musulman ne sont que peu touchées et mobilisées ? Aussi nous faut-il revenir à la formulation de notre hypothèse, et chercher comment des penseurs arabes l’ont exprimée et expliquée récemment.

III. MÉDITATION ARABE SUR LE PROCHE-ORIENT ARABE

Un souffle d’autocritique a saisi les esprits arabes à la suite de juin 1967, pour donner forme à des méditations déjà anciennes, souvent non publiables en langue arabe. L’essentiel de telles méditations concerne, bien sûr, l’identité arabe, et particulièrement l’identité de l’être politique arabe. Sans doute nous aideront-elles à mieux connaître, à comprendre peut-être, ce que, par hypothèse, nous appelions une sensi­bilité politique proche-orientale spécifique.

Un premier cri de révolte contre soi-même annonce que l’islam, « forme inséparable de nos conduites et de nos coutumes », est inconci­liable avec la science moderne 76. Il faut s’attaquer directement et sans partage à cette mentalité religieuse, sans attendre d’effet magique ni de l’évolution économique ni du nationalisme arabe nassérien ou ba’athiste. La catastrophe de juin 1967 est due en tout et pour tout à la dualité, dans la conscience arabe, entre la science et la mentalité religieuse. Ce n’est pas à la matière ni d’abord à l’économique qu’il faut s’en prendre, mais à l’esprit, à la raison, à la culture, aux valeurs 77. Une autre nuance du même cri consiste à prêcher l’urgence d’un renouvellement profond des conceptions islamiques 78 : que l’on découvre que le Coran, Parole créatrice de Dieu, somme l’homme de répercuter politiquement et socialement la formidable créativité divine ! Que l’on perçoive la Loi révélée (Sharî’d) comme ce qu’elle est, « un principe permanent de dynamisme et de renouvellement » 79.

Or, les sociétés arabes ont un besoin pressant de renouvellement, à commencer par celui de la raison et des méthodes de pensée. En effet, « la raison arabe est encore pré-scientifique, pré-expérimentale » 80. Telle est la clef du sous-développement de la région. Le sursaut politique arabe des cinquante dernières années ne s’est pas accompagné d’un sursaut scientifique. La recherche scientifique dans les pays arabes est très faible. Plus radicalement, on en reste à des formes de pensée abs­traites et médiévales au lieu d’une culture scientifique expérimentale. Il faut donc une mutation des modes de pensée, « une révolution culturelle, afin d’accéder au progrès technologique » 81. Il faut insuffler dès l’en­fance « une conscience du développement économique ... une éducation à la planification » 82, grâce à l’école et grâce à un Etat fort. Pour ce faire, on a le droit de recourir à la violence, mais le risque d’anarchie serait grave.

Après cette double interpellation, soit anti-religieuse, soit réfor­miste et mystique, tâchons, grâce à trois études remarquables, d’analyser plus profondément les structures profondes des sociétés arabes actuelles.

1. Communautarisme et pensée poétique

Les deux premières recherches sont sociologiques et s’inspirent d’Ibn Khaldûn, tant il est vrai que les sociétés arabes ne peuvent être aujourd’hui comprises sans une connaissance préalable du grand sociologue, historien et jurisconsulte musulman. Nâsif Nassâr, comme Alî al-Wardi, avaient en effet déjà produit, en arabe ou en français, des études approfondies sur Ibn Khaldûn.

Le premier entreprend maintenant une étude critique de « la société communautariste » 83. Il n’y est pas question seulement de ce que l’on est convenu d’appeler le confessionnalisme, mais d’une structure socio­culturelle communautariste (tâ’ifiyyà) à laquelle le confessionnalisme sert de base. Au préalable, dit l’auteur, admettons que les deux constituants essentiels d’une société sont, d’une part, la civilisation matérielle, et d’autre part, la culture comme esprit d’une société. Par exemple, la société industrielle est d’abord un esprit, une culture, industrielle. Or le communautarisme n’est pas un élément phénoménal ou partiel des sociétés arabes, mais un « fait social global » 84, qui affleure dans tous les domaines de la vie sociale. Il est faux de croire à la disparition progressive automatique de cette structure socio-culturelle par l’effet de l’évolution économique.

Le communautarisme se nourrit d’un attachement quasi instinctif et d’un esprit de corps (’asabiyya, concept de Ibn Khaldûn), dont l’origine est la naissance et la tradition familiale. C’est le même esprit que l’esprit tribal, lequel s’est perpétué dans les communautés confession­nelles et locales lors de la disparition des tribus au cours du Moyen-Age. Le communautarisme est le phénomène central de l’histoire du monde arabe, ancienne et moderne. « Par l’appartenance communautaire, on est plus proche de son frère de communauté que de son concitoyen non frère » 85. Et si la politique a toujours tenu une grande place dans la sensibilité arabe, c’est toujours par la médiation des « communautés », et non par un sens civique direct. Le système politique et administratif libanais actuel correspond au degré maximal du communautarisme.

Face au communautarisme, les classes sociales au sens propre s’ébauchent à peine. Parlons plutôt de « formations de classe ». Et « le sentiment de classe, s’il existe, reste toujours plus faible que l’esprit de corps communautariste » 86. Le concept de lutte des classes est inadéquat, dans le monde arabe actuel, pour aider la société à briser le carcan communautariste.

A l’inverse, le parti politique peut jouer un rôle moteur, révolu­tionnaire. En effet, il possède tous les éléments constitutifs de la commu­nauté : foi, attachement irrationnel, organisation solidaire, et, en outre, une cohésion interne plus forte que dans la communauté, puisque l’adhésion est personnelle, par libre décision et non par acte de naissance. L’obstacle, c’est que les partis, en général, émanent directement des communautés - tel est le cas de la plupart des partis libanais. Un parti non confessionnel ni « communautariste », mais nationaliste, serait exactement ce qu’il faut pour surmonter le communautarisme sur son propre terrain, avec un esprit de corps semblable au sien.

Il faudra encore combattre la culture communautariste, et la rem­placer par une culture laïque et scientifique. La culture communautariste est à la fois théologique et « sensualiste ». Elle adopte en effet, et en même temps elle apprécie toutes choses, non pas d’après une mesure universelle, mais d’après les sensibilités immédiates de la communauté. Il reste donc un long travail à accomplir. Le communautarisme politico-administratif finira par céder, mais le communautarisme lui-même ne cédera pas de si tôt. La seule voie efficace, c’est l’industrialisation, qui apprendra à produire les objets et pas seulement à les consommer. La planification économique doit faire partie d’une vaste révolution politique et culturelle sous peine de tomber dans les schèmes communautaristes. Se contenter, comme l’a fait naguère l’IRFED au Liban, de prêcher la justice sociale, c’est répéter à qui veut l’entendre qu’il y a des disparités géographiques, autrement dit des rivalités entre régions, entre commu­nautés. Or, les vertus sociales, chacun désire les pratiquer, mais dans le cercle bien précis de sa communauté propre.

C’est le même type d’analyse sociologique que mène Alî Wardî, à partir, cette fois, de l’histoire irakienne, ou plus généralement de l’histoire moderne du monde arabe 87. Il constate d’abord les fonctions et les évolutions de l’esprit de corps (’asabiyyà), si bien analysées par Ibn Khaldûn. L’esprit de corps tribal se transforme en « esprit de corps du quartier, lequel se transforme éventuellement en un esprit de corps plus large, que nous nommons l’esprit de corps communal » 88. A ces deux niveaux, s’ajoute « le confessionnalisme qui n’est rien d’autre qu’un modèle déterminé d’esprit de corps... En effet, il repose sur l’appartenance sociale plutôt que sur le principe religieux ou sur le désir de préserver les enseignements de la religion... Chaque faction confessionnelle se représente elle-même comme une tribu » 89. Le triba­lisme, ou la « bédouinité » - expression précise et précieuse d’Ibn Khaldûn -, n’est certes pas confiné à la vie nomade ou rurale ; il qualifie toute la vie sociale, même les activités urbaines les plus variées : commerce, artisanat, travail industriel, criminalité, politique, religion, logique. Arrêtons-nous à ces trois dernières fonctions.

Dans la vie politique, le sens patriotique est inexistant à l’époque ottomane, et à peine sensible aujourd’hui. C’est que l’intercession reli­gieuse et la médiation politique ou administrative constituent l’attitude essentielle. « Le principe de l’intercession provient de la nature du pouvoir à laquelle les gens sont accoutumés depuis des siècles, et qui se reflète par une croyance religieuse » 90. C’est que les habitudes sociales engendrent les pratiques religieuses des masses, qui, à leur tour, en­traînent la caution inévitable des hommes de religion. De la sorte, une éthique religieuse et politique, qui n’est nullement islamique, s’est impo­sée avec un succès durable indéniable. Dans la vie politique actuelle, chaque citoyen, gouverné ou gouvernant, pratique avant toute chose la médiation, l’intervention, la recommandation. Politique et religion s’allient à une logique propre qui se ramène volontiers à la dialectique classique et à la rhétorique. Le but est toujours apologétique, car la raison du groupe est a priori la raison véridique, conformément à l’adage bédouin fondamental : « Secours ton frère, qu’on lui fasse ou qu’il fasse tort ».

Nous atteignons par là les racines de l’esprit de corps, de la bédouinité, du tribalisme, en tant que structure socio-culturelle. C’est ce que Wardî désigne comme « mode de penser poétique » 91, ou comme « raison fervente ». Le poète, mais aussi le penseur et le discoureur, depuis la société arabe anté-islamique jusqu’à nos jours, exercent la fonction sociale de « soutien de la tribu » 92. « Ils ont élargi le cadre de la tribu en en faisant le peuple, la patrie, la nation... Seule la forme de l’esprit de corps a changé, tandis que son contenu reste inchangé. Les poètes considèrent toujours leur peuple, leur patrie, leur nation, à la manière dont le poète bédouin regardait sa tribu » 93. Cette manière de raisonner est aux antipodes de la raison politique moderne. La guerre n’est plus une affaire de ferveur ou de poésie. L’économie moderne de développement s’oppose 94. En exprimant autrement la même chose, la politique, l’administration, l’économie, bref la civilisation moderne, exigent le principe individua­liste : « II faut considérer l’individu sans plus tenir compte de l’esprit de corps, des liens de parenté et de voisinage, de l’amitié ou de la préférence personnelle... » 95.

Ce serait une grave erreur, ajoute Wardî, que de croire à la concilia­tion des deux systèmes de valeurs. « II y a une contradiction entre la civilisation moderne et nos valeurs anciennes, car celles-ci se sont formées dans une société bédouine ; si elles dominaient une société moderne, elles mèneraient à la décadence et à la destruction de cette société ». Voilà pourquoi, dit Wardî, le trait principal de la culture arabe actuelle, c’est l’ambivalence. « Tout homme arabe tant soit peu cultivé a une personnalité ambivalente - sinon psychologiquement dédoublée. Il contredit quotidiennement, dans sa vie, les principes et les valeurs de la modernité, qu’il défend mordicus dans ses paroles et ses écrits. Cela n’est d’ailleurs qu’une nouvelle forme d’ambivalence qui succède à l’antinomie traditionnelle des sociétés musulmanes comme de toute société idéologique » 96. L’auteur a déjà parlé précédemment de l’anti­nomie entre l’islam et les coutumes tribales et religieuses non islamiques 97.

Comment envisager l’avenir des sociétés arabes ? Non pas en prê­chant « la cité vertueuse » utopiste, dans la tradition des philosophes arabes classiques, ni en aménageant l’ambivalence à l’aide d’un clergé musulman habile à la casuistique. Cela ne sert de rien, écrit Wardî. Il n’y a pas de mutation de la nature humaine, et le même esprit de rivalité bédouine et tribale fera toujours partie de cette nature, tout particulièrement dans le monde arabe, dont la géographie et l’histoire ont accentué ce trait. Si la religion décline, « elle est remplacée par le nationalisme, de manière inconsciente », ou par « l’idéologie commu­niste antinationaliste ». « II serait temps, dit A. Wardî, de se concentrer sur les sociétés locales réelles - irakienne, syrienne, etc. - et non plus seulement sur la société nationale-arabe qui fait l’objet de sermons plutôt que de présentations en termes objectifs » 98. Là réside en grande partie la cause de la catastrophe de juin 1967 : la défense de la nation arabe était un but trop abstrait.

Le ton de A. Wardî n’est guère optimiste. Mais l’important, de notre point de vue, c’est que, par une analyse différente, il retrouve ces sensibilités politiques arabes que N. ’Allûsh avait soulignées grâce à l’étude de l’expérience palestinienne actuelle. D’autre part, comme N. Nassâr, le sociologue irakien invite à une nécessaire et douloureuse mutation socio-culturelle, mais l’un et l’autre entendent partir des structures mentales et sociales existantes. H. Saab cherche même à puiser dans le dynamisme propre de l’islam, vécu à nouveau et en profondeur.

2. Parole et nation

La troisième étude dont nous parlions est une recherche de philo­sophie politique du philosophe syrien Antûn Makdissi, à propos de réflexions sur le marxisme 99. D’où vient « l’incompréhension entre nous, Arabes, et les Occidentaux quand ils contestent notre arabisme et notre concept de nationalisme arabe » 100 ? C’est que l’Europe, certaine, depuis fort longtemps, de détenir la vraie civilisation et l’humanisme vrai, a une certaine idée de la nationalité sous sa forme juridique, étatique, « tandis que, pour nous, le concept de nation (ummd) signifie bien davantage » 101. Le malaise s’accentue encore du fait que les penseurs arabes aujourd’hui s’alignent sur la conceptualisation occidentale. Ainsi la devise du Ba’ath : « Une nation arabe une, détentrice d’une mission éternelle », selon Makdissi, provient de l’ambiance romantique nationaliste de l’Europe du xixe siècle, précisément pour répondre au défi européen. Le défi lui-même imposait à la riposte son langage à lui. De là vient ce tragique dédoublement de la personnalité arabe aujourd’hui : deux langues, deux cultures, deux êtres pour ainsi dire 102. Comment redire avec exactitude le caractère propre de la culture arabe, sémitique, proche-orientale, se demande Makdissi ?

La caractéristique de cette culture, c’est, dit-il, la parole, la mani­festation claire, le « kérygme » - mot qui lui semble bien rendre le bayân de l’arabe. L’Occident, par son héritage grec, se concentre sur le concept et sur la praxis, encore que, par son héritage sémitique qu’il doit au christianisme, il se voit aussi ouvert à la contingence, à la liberté et au langage comme signe personnel. Cet héritage chrétien dessine en Occident un courant de pensée et de sensibilité où le dialogue et la compréhension avec les Arabes sont possibles. C’est même peut-être le sens sémitique de la contingence des êtres, et donc de leurs liaisons réciproques à la manière de signes et de signifiés, qui a permis à l’Occident de bouleverser la logique conceptuelle des Grecs et, par suite, d’entrer dans la voie des grandes recherches scientifiques modernes. Ainsi l’Occident n’est pas étranger à l’Orient sémitique, il s’en faut. Seulement il a réussi une synthèse du sémitique et de l’hellénique, que la culture arabo-islamique n’a nullement réussie 103. En bref, dit Makdissi, la raison arabe s’attache à l’individuel et au singulier plutôt qu’au groupe et au concept, à la liberté plutôt qu’à la raison, à la connaissance auditive plutôt qu’à la vision, au dévoilement d’une volonté plutôt qu’à la déduction rationnelle, à la contingence continuelle plutôt qu’à la nature et à l’organisation stable des choses, à une mission confiée d’en haut au jour le jour plutôt qu’à une Nécessité ravie aux dieux une fois pour toutes 104.

La philosophie politique arabe découle de cette mentalité 105. La révo­lution islamique du VIIe siècle s’y enracine profondément puisqu’elle réussit à soumettre les libertés individuelles (des personnes et des groupes familiaux) à la liberté supérieure de Vumma (communauté de la foi), dit Makdissi. L’organisation tribale et aussi bien celle de l’islam classique, sont essentiellement individualistes ; Vumma islamique élargit seulement la solidarité, sous un chef prophète. S’il y a révolution, elle est homogène au milieu. Là est l’origine propre de la nation dans le monde sémitique, et singulièrement de la nation arabe dont le grand moment fut la révolution islamique. Comme A. Wardî, A. Makdissi donne raison à Ibn Khaldûn, selon lequel le nerf de l’Etat arabe c’est l’esprit de corps (’asabiyyà), tandis que chez Aristote c’est la Constitution ou la Loi - la raison et non l’affectivité.

Rien d’étonnant à ce que, dans l’expérience arabo-musulmane, l’appartenance soit toujours personnelle. Chaque citoyen appartient de plus ou moins près au prince, au calife, et c’est le degré d’appartenance politique qui détermine les classes sociales. Rien d’étonnant non plus à ce que Makdissi voie dans l’Etat une volonté de puissance et pas seulement une rationalité. « L’Etat est aussi, dit-il, l’institution qui détient en propre le droit légitime d’exercer la violence, en tant que c’est lui qui décrète et dit le sens » 106, idée chère à Ibn Khaldûn encore une fois, et qu’on trouvera aussi en Occident mais sur un mode mineur (cf. Nietzche et M. Weber). Ainsi, dans la philosophie politique arabe, à la différence de la grecque et de l’européenne, la citoyenneté n’est pas l’appartenance première, et l’Etat n’est pas d’abord et surtout une Loi mais l’un des cercles d’appartenance et de loyauté, ou encore l’Etat n’est que l’une des expressions de l’appartenance nationale. Makdissi récuse donc les théories occidentales de la nation, qui correspondent à une expérience historique et à une culture particulières. Marx lui-même, dans son projet internationaliste et, finalement, anti-étatique, reste foncièrement national selon Makdissi, en tant que toute son analyse et son champ d’expérience sont exclusivement occidentaux. Certes la nation arabe n’échappe pas aux définitions et descriptions occidentales classiques, mais elle y est à l’étroit. Pour connaître le nationalisme arabe, il faudra commencer par créer de nouvelles méthodes d’analyse socio-politique. Makdissi s’y essaye.

La nation, dit-il, premièrement « c’est une unité sociale », c’est-à-dire essentielle à la sociabilité en tous temps et tous lieux, même avant l’organisation d’Etats au sens occidental complet. « La nation arabe, par conséquent, s’est formée avant l’établissement d’une entité politique unifiée et s’est perpétuée après l’éclatement de cette unité politique » 107. La nation, c’est en effet, deuxièmement, un donné historique, et le palier des aspirations est décisif, car c’est elles qui élaborent, à chaque âge, de nouvelles significations. « Le passé s’ouvre ainsi de l’intérieur afin de se mettre au service de l’avenir arabe » 108. La nation c’est donc surtout une surrection (Ba’th) à l’intérieur d’une tradition, d’une conti­nuité. Troisièmement enfin, la nation est expression, par des institutions et un Etat, par des œuvres de culture et une langue. En bref, la nation telle que l’entend un Arabe, « c’est un donné social et historique à divers paliers intégrés, chaque palier ayant sa spécificité et aussi son évolution propre, sans que l’on doive pourtant l’isoler des autres » 109. Trahirons-nous Makdissi en disant que, pour lui, la nation c’est la culture (par opposition à : nature) en tant qu’elle porte un destin et un projet politiques, au sens large de ce terme ? Cette manière d’aborder la question nationale et le problème du politique nous paraît promet­teuse pour quiconque, Arabe ou non, sémite ou grec, désire mieux connaître, et comprendre peut-être, la politique arabe et le nationalisme arabe.

Conclusion

En compagnie de certains des jeunes penseurs arabes, sociologues ou philosophes, nous cherchions à ausculter la vie politique arabe en nous départissant quelque peu de la logique européenne en science politique. Le courant de pensée récent qu’animé l’idée palestinienne de résistance et de révolution, accentue, nous semble-t-il, la distance que prend l’Orient arabe vis-à-vis du principe de l’Etat national et de la logique qui en découle. Pareillement, la remontée au grand jour de la doctrine sociale et politique islamique moderne, héritière des Frères musulmans et, au-delà d’eux, du mouvement réformiste de la fin du xix6 siècle, redonne vigueur à la méfiance instinctive à l’égard de la philosophie occidentale de l’Etat, de la nation, ou même de l’internationalisme européen d’un Marx. Notre hypothèse de recherche aide-t-elle à comprendre moins mal le succès relatif et le contenu de ces deux courants d’idées les plus marquants de l’après-guerre éclair ? Elle est en tout cas exprimée en profondeur par les études critiques que nous avons analysées dans les dernières pages. Ces études nous montrent d’une part les racines des sensibilités politiques proche-orientales : ce sont les traits propres d’une raison sémitique, proche-orientale, arabe. Mais d’autre part elles insistent sur le désir d’une mutation très grande de l’Orient arabe, à commencer par sa raison, sa mentalité, alors que les orientalistes ont souvent tendance à figer l’Orient dans des invariants, des structures socio­culturelles propres définitives. Les deux points principaux de la difficile et urgente mutation culturelle concernent, selon ces études critiques, la science et l’Etat. Il faudra faire craquer de l’intérieur les structures tribales, communautaristes, qu’a prises le sentiment de loyauté locale, familiale, interpersonnelle. L’Etat national à la mode occidentale repré­sente alors un modèle possible, qui se trouve d’ailleurs réalisé à peu près en Israël. Mais le patriotique, le local, le provincial, n’a pas de sens complet en dehors du national-arabe ou islamique, même pour l’Etat égyptien qui, à première vue, vérifie le modèle occidental. Pour l’appartenance à la vaste communauté, l’Occident n’offre pas de modèle satisfaisant. Sa théorie de la nation dans ce cas est étriquée et juridique. Le malaise intellectuel profond des Arabes en quête de construction nationale, c’est, sans doute, qu’il leur faut eux-mêmes, du sein de leur expérience et de leurs structures sociales actuelles en mutation, élaborer une théorie politique et une sociologie proprement arabes, car la réalité sociale et nationale du Proche-Orient arabe échappe en grande partie à la sociologie et à la science politique apprises en Occident 110.

Ce malaise intellectuel a des répercussions politiques tangibles, notamment à propos du type de relation avec l’Etat national israélien de marque européenne plus que de caractère sémitique, à propos aussi du genre d’union politique à laquelle la nation arabe voudrait accéder, étant entendu que le modèle hégémonique nassérien, malgré l’enthou­siasme de son disciple Kadhâfî, est ressenti comme erroné, à propos enfin de la poussée « patriotique » palestinienne. Si un jour les Arabes atteignent ce qu’ils cherchent ainsi, alors, comme certains de leurs penseurs le croient, leurs découvertes réveilleront peut-être en notre Occident cette veine sémitique qui fait aussi partie de notre culture.

Olivier Carré
Revue française de science politique, Année 1973, Volume , Numéro 5

Notes

1. Ainsi dans l’anthologie, en langue arabe, de l’Israélien Josofât harkabi, Tayyàràt fi al-siyàsa wa-al-ijtimà’al-’arabî ba’ad hazîràn 1967. Tel-Aviv, Dàr al-nashr-al-’arabî, 1971 (Trad. du titre : Les courants de la politique et de la société arabes depuis juin 1967). De même dans les chroniques de Nissim rejwan, en Israël, dans New Outlook, notamment au vol. XV, n° 8, octobre 1972 : 27-34. Dans les deux cas, on est à l’affût de l’occidentalisation des Arabes et, espère-t-on, de leur réaliste volonté de coopérer avec Israël.

2. Peut-être Anouar abdelmalek, dans Idéologie et renaissance nationale, Paris, Anthropos 1969, comme dans La pensée politique arabe contemporaine, Paris, Seuil, 1970, minimise-t-il le thème national-arabe, au profit de celui de l’édification nationale égyp­tienne socialiste, ou bien au profit de la doctrine « tiers-mondiste » du « nationalitarisme ». Cf. rodinson (M.), Marxisme et monde musulman. Paris, Seuil, 1972, pp. 142-143.

3. Nous en trouvons une expression rénovée dans : chevallier (Dominique), La Société du Mont Liban à l’époque de la révolution industrielle en Europe. Paris, Geuthner 1971, Préface et p. 26, etc. ; khadduri (Majid), Political trends in thé Arab world. The rôle of ideas and ideals in politics. Baltimore and London, J. Hopkins, 1970, pp. 26-27. Précisons que, dans cet article, nous n’entendons nullement faire le point des études orientalistes actuelles, mais faire connaître quelques ouvrages arabes récents, qui, la plupart, sont venus enrichir la bibliothèque de la Fondation nationale des sciences politiques.

4. Al-Istràtîjiyya al-siyâsiyya wa-al-tanzîmiyya (La stratégie politique et organisation-nelle), Beyrouth, 1969. Pour une « analyse conceptuelle » systématique des textes de base, et sur l’évolution de la résistance palestinienne entre 1936 et 1970, cf. carré (Olivier), L’idéologie palestinienne de résistance, Analyse de textes (1964-1970), Paris, Armand Colin, 1972.

5. Dans la suite de cet article, nous distinguons, dans la traduction, entre l’appar­tenance nationale (wataniyya) syrienne, égyptienne, etc. et le nationalisme de la nation arabe (qawmiyya). Nous rendrons donc la première par : patriotisme, et le second par : nationalisme, ou nationalisme arabe, et national-arabe. Nous évitons le néologisme : nationalitaire, nationalitarisme ; cf. note 2.

6. hawatmeh (Nây’îf), Harakat al-muqàwama al-filastîniyya fî wâqi’ihâ al-râhin : diràsa naqdiyya (Le mouvement de la résistance palestinienne dans la situation actuelle. Etude critique), Beyrouth, 1969. Cette plaquette rassemble les rapports adressés par Hawâtméh au sixième congrès du Conseil national palestinien, de septembre 1969.

7. Op. cit., p. 167.

8. Sur les 167 pages de Y op. cit., Hawâtméh n’utilise jamais en bonne part le terme : nationalisme (qawmiyyà).

9. sha’ath (Nabîl), « La Palestine future ». Colloque de l’Association générale des universitaires palestiniens (G.U.P.S.), Kuweit, 13-17 février 1971. Reproduit en langue anglaise dans Al Fateh 3 (1), mars 1971 : 8-9 et 15.

10. Voici l’article 6 de la Charte nationale palestinienne du 17 juillet 1968 : « Les Juifs qui résidaient normalement en Palestine jusqu’au début de l’invasion sioniste seront considérés comme palestiniens. »

11. abu shalbaya (Muhammad), Là salâm bi-ghayr dawla falistiniyya (Pas de paix autrement que par un Etat palestinien), Jérusalem, 1971, p. 86. Thèse reprise récem­ment, l’auteur faisant état du refus par les autorités israéliennes d’occupation de la création d’un Parti palestinien de Cisjordanie, dans : Al-tariq ilâ al-khalâs wa-al-hurriyya wa-al-salâm (La voie vers le salut, la liberté et la paix), Jérusalem, 1972.

12. Cf. ’allush (Nâjî), Al-Thawra al-falistîniyya. Ab’àduhâ wa-qadâyâhâ (La révo­lution palestinienne. Dimensions et problèmes), Beyrouth, 1970.

13. Op. cit., p. 29.

14. Op. cit., p. 49.

15. Op. cit., p. 60.

16. aflaq (Michel), Nuqtat al-bidâya. Ahâdîth ba’d al khâmis min hazîrân (Le point initial. Entretiens après le cinq juin), Beyrouth, 1971 (2e édition corrigée et augmentée), p. 65.

17. Op. cit., pp. 60-61. Même idée chez le vieux théoricien du nationalisme arabe, qui n’est pas ba’athiste, zurayq (Constantin), Ma’nâ al-nakba mujaddida. (La signi­fication du désastre, une fois encore), Beyrouth, 1968.

18. aflaq (M.), op. cit., p. 174.

19. Op. cit., p. 178 et p. 65.

20. Cf. razzaz (Munîf), Al-wahda al-’arabiyya haï lahà min sabîl (Y a-t-il une voie vers l’unité arabe ?), Beyrouth, 1971, pp. 49-52 ; puis pp. 28, 38-39.

21. Op. cit., p. 47. Cf. aflaq (M.), op. cit., p. 65.

22. Cf. zurayq, op. cit., pp. 90 sq. ; razzaz, op. cit., p. 44.

23. Cf. shafiq (Munir), Hawla al-tanàqud wa-al-mumàrasa fi al-thawra al-falistîniyya (Contradiction et praxis dans la révolution palestinienne), Beyrouth, 1971.

24. murqus (Iliyâs) [Morqos, Elias], Al-muqâwama al-falistîniyya wa-al-mawqif alrâhin (La résistance palestinienne et la situation actuelle). Beyrouth, 1971 : pp. 3, 57 ; etc.

25. dimitri (Adîb), Al-marksiyya wa-al-dawla al-suhyûniyya (Le marxisme et l’Etat sioniste), Beyrouth, 1971. L’auteur est un marxiste égyptien.

26. Cf. tuma (Emile), « A propos de l’idée d’un Etat palestinien » (en hébreu), Zo Haderek, 11 mars 1970, sur le caractère définitivement binational de la Palestine et le droit à l’existence en Palestine du peuple juif résident. Traduction dans le Bulletin n° 8 du Groupe de recherche et d’action pour le règlement du problème palestinien (GRAPP) (M. Rodinson).

27. dimitri, op. cit., p. 165.

28. sabri ’abdallah (Ismâ’îl), Fî muwâjahat Isrà-il (Confrontation avec Israël), Le Caire, 1969. L’auteur, devenu depuis ministre de la Planification, est l’unique militant de l’ex-Parti communiste égyptien présent dans le gouvernement égyptien actuel.

29. ’AzM (Sâdiq Jalâl), Al-naqd al-dhâtî (Autocritique) et Naqd aî-fikr al-dînî (Cri­tique de la pensée religieuse), Beyrouth, 1969. 2° édition du second titre en 1970, avec les documents des tribunaux, car l’auteur et l’éditeur passèrent en jugement après la première parution, avant d’être acquittés, en plein Beyrouth, capitale arabe de la libre expression !

30. ’AzM (Sâdiq Jalâl), dans Shu’ùn falistmiyya (Affaires palestiniennes), n° 12, août 1972, p. 203 [Beyrouth].

31. Cf. hafni (Qadrî), Tajsîd al-wahm. Diràsât sîkulûjiyya li-al-shakhsiyya alisrà’îliyya (L’incarnation d’une chimère. Etude psychologique de la personnalité israé­lienne). Le Caire, 1972.

 

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26 janvier 2009 1 26 /01 /janvier /2009 17:07

 

Franchir le mur d’acier

lundi 26 janvier 2009, par Samah Jabr

« La colonisation ne peut se poursuivre et se développer que sous la protection d’une force sans lien avec la population locale, un mur d’acier que cette population ne pourra franchir ». Jabotinsky : "Le mur d’acier, nous et les Arabes", 4 novembre 1923

Il y a deux exemples marquants de murs construits et démolis par le genre humain : la Grande Muraille de Chine, construite en 215 avant JC, qui évoque les invasions des hordes dévastant les vallons et nécessitant cette construction de 1 400 miles et, plus récemment, le Mur de Berlin, tombé en 1989, annonçant l’ère de la mondialisation. Un jour, je l’espère, le Mur de l’apartheid érigé par Israël en sera un troisième exemple.

Le mur d’Israël est un projet qui a été pensé au début du siècle dernier par Vladimir Jabotinsky, père de l’héritage sioniste révisionniste. Les idéaux professés par Jabotinsky, et perpétués par les gouvernements israéliens, ne sont pas moins anciens, violents et exclusionnistes que n’importe quelle manifestation de la volonté de tenir « l’autre » à l’écart, de l’autre côté d’un mur, dans un bidonville, une réserve ou un camp de concentration. L’article de Jabotinsky, « Le mur d’acier, nous et les Arabes », est paru pour la première fois le 4 novembre 1923 dans le magazine Rasswyet. Entre autres choses, Jabotinsky écrit :

« Tout peuple indigène - qu’il soit civilisé ou sauvage - considère son pays comme son foyer national dont il sera toujours le maître absolu. Non seulement il n’acceptera pas de plein gré qu’un autre le dirige mais il refusera même de le partager, il en est ainsi pour les Arabes. Des partisans du compromis, parmi nous, essaient de nous convaincre que les Arabes ne seraient que des imbéciles qu’on pourrait escroquer en leur exprimant de façon subtile quels sont nos objectifs, ou qu’une tribu de gens attirés par l’argent, prêts à abandonner leur droit acquis par leur naissance sur la Palestine pour des améliorations culturelles et économiques. Je réfute catégoriquement cette appréciation sur les Arabes palestiniens... Ils regardent la Palestine avec le même amour spontané et la même véritable ferveur avec lesquels les Aztèques voyaient leur Mexique ou les Sioux leur prairie... Ce rêve puéril de nos « arabophiles » vient de leur mépris pour le peuple arabe, d’une vision injustifiée sur cette race dans laquelle ils voient une populace avide, disposée à vendre sa patrie pour une ligne de chemin de fer. »

Il poursuit : « La colonisation sioniste, même la plus restreinte, doit soit s’arrêter, soit se réaliser au mépris de la volonté de la population indigène. Cette colonisation ne peut... se poursuivre et se développer que sous la protection d’une force sans lien avec la population locale, un mur d’acier que cette population ne pourra franchir. Tout cela ne signifie nullement qu’un accord est impossible, mais seulement qu’un accord de plein gré est impossible. Aussi longtemps qu’elle aura une lueur d’espoir de se débarrasser de nous, cette population ne monnayera pas cet espoir... elle n’est pas une populace, mais une nation, peut-être quelque peu en lambeaux, mais toujours vivante. Et un peuple vivant ne fait de tels compromis énormes sur des questions aussi inéluctables que s’il a perdu tout espoir... le seul moyen d’arriver à un accord est le mur d’acier... un gouvernement exempt de toute influence arabe. Autrement dit, le seul moyen d’obtenir un accord dans l’avenir, c’est de renoncer totalement à en obtenir un dans le présent. »

Cette philosophie, alors largement répandue, s’est transmise de Jabotinsky à plusieurs dirigeants israéliens et décideurs politiques. Ceux d’entre nous qui vivent en Palestine ont pu voir que, quelle que soit la façon dont un gouvernement israélien se prétend réceptif à notre égard, la stratégie Jabotinsky reste la ligne politique intérieure.

Israël s’est servi de la première Guerre du Golfe et des menaces iraquiennes de bombarder les secteurs israéliens trop proches de nos villes et villages. Des check-points aux tas de terre qui obstruent complètement nos routes et aux fossés qui encerclent nos villes, le gouvernement israélien a montré sa détermination à mettre tous les Palestiniens en résidence surveillée dans leur maison ou leur village.

En avril 2001, une énorme porte d’acier a été édifiée dans le petit espace qui sépare la ville de Jénine, en Cisjordanie, de la terre confisquée par Israël d’une part, et de la ville palestinienne de Qabatiya d’autre part. La porte de Jénine a été la première structure de ce type montée sur la terre palestinienne. Cependant, ce n’est pas la première qui fut construite par Israël. La porte de Jénine est la copie de l’énorme porte d’acier qui sépare le sud du Liban d’une terre autrefois considérée comme appartenant à la mère patrie palestinienne, aujourd’hui une ferme israélienne.

Peu de temps après, en juin 2002, Israël a ajouté son mur à la liste des murs infâmants de l’histoire : les sionistes qui vivent autour de moi ont repris l’idée métaphorique de Jabotinsky - le mur d’acier - et l’ont traduite dans la réalité : un mur multicouche en béton, composé d’une série de dalles de béton de 8 m de hauteur, de tranchées, de barbelés, de « zones tampon », de clôtures électrifiées, de moult miradors, caméras à imagerie thermique, tours pour les snipers et routes pour les patrouilles. Il s’étend sur 790 km, dont 80% sont encore en construction en Cisjordanie, sur des terres confisquées aux Palestiniens par l’armée israélienne qui a volé les terres les plus fertiles ainsi que les puits et ressources naturels, annexé 70% de l’ensemble de la zone de recharge du bassin aquifère ouest à Israël, en même temps que 62 sources et 134 puits palestiniens, isolant quelque 60 500 Palestiniens qui vivent dans 42 villes et villages dans une zone fermée, cet espace entre le Mur et la Ligne verte ; 12 villages, avec une population totale de 31 400 Palestiniens, vont être complètement encerclés par le Mur. Qalqilya par exemple.

Le Mur a de graves conséquences économiques et humanitaires et il bouche l’horizon de tout futur Etat palestinien souverain. Les Palestiniens ont été coupés de leurs terres agricoles et de leurs moyens de subsistance, de leurs lieux de travail, de leurs écoles et universités, du système d’aide sociale et des services de santé. Des femmes accouchent toujours aux check-points et des nouveau-nés continuent d’y mourir parce que coupés des soins et des services d’urgence.

En dépit de l’avis consultatif de la Cour internationale de Justice de La Haye du 9 juillet 2004 qui a reconnu que la construction du Mur était « contraire au droit international » et qu’Israël avait obligation d’en arrêter la construction, d’en abattre la partie existante et de réparer tous les dommages provoqués par sa construction, en dépit de cet avis, Israël a accéléré sa construction.

Les pourparlers de paix qui ont eu lieu à Annapolis fin 2007 se sont abstenus d’évoquer le Mur en tant qu’obstacle à la paix, pour ne pas dire plus. Le Mur est considéré comme un fait accompli et avec ma famille, mes voisins et mes compatriotes, nous nous attendons à payer le prix de la tradition révisionniste et de l’idéologie du Mur qui trahissent à jamais l’humanité.

Au lieu de boycotter Israël pour son mur illégal, la communauté internationale a soutenu l’idéologie du Mur, boycotté le gouvernement palestinien démocratiquement élu et appliqué le blocus de Gaza. Ce que je comprends, c’est que le Mur sioniste s’est édifié dans l’esprit des politiciens du monde bien avant que je naisse, une réaction des dirigeants du monde au message des procès de Nuremberg : « Oui, le peuple juif souffrant a besoin d’un endroit pour en faire son foyer, même si cela doit provoquer l’expulsion et l’assujettissement d’une autre nation. »

Malgré le retrait des colons israéliens, Gaza reste toujours occupée depuis l’été 2005 ; Israël garde sa maîtrise sur une armée de collaborateurs à l’intérieur de Gaza, tout en contrôlant, en tant que puissance extérieure, les frontières, les passages frontaliers, l’espace aérien, les eaux côtières, l’économie et l’électricité.

Israël détient, enfermés dans une prison, 1,5 million Palestiniens depuis janvier 2006. Ce verrouillage s’est resserré en juin 2007, provoquant la montée d’une catastrophe humanitaire ; Israël a fermé tout accès pour entrer et sortir d’une Gaza emmurée, multipliant les assassinats et interrompant les livraisons cruciales de carburant, de nourriture et de médicaments. Israël est capable de couper l’eau et l’électricité à une population occupée. Nous avons vu des gens ventiler manuellement, à tour de rôle, leurs proches dans les hôpitaux de Gaza, nous avons entendu des élèves se plaindre de ne pouvoir étudier dans les nuits froides et noires de Gaza, mais c’est à l’extérieur de Gaza qu’on a perdu toute notion de justice, laissant toute cette obscurité submerger Gaza.

La brèche dans le mur israélien, entre la bande de Gaza et l’Egypte, a été un grand évènement, tant pour des raisons humanitaires que politiques. Le peuple affamé de Gaza a réussi à obtenir une aide provisoire et a reconstitué quelques provisions qui l’aideront dans sa ténacité à supporter ce siège violent ; la participation massive à ce franchissement « sans frontière » a donné un énorme coup de fouet à la mobilisation sociale et politique, pas seulement en Palestine mais aussi en Egypte et en d’autres pays arabes. Le niveau d’implication du peuple ordinaire a montré les potentiels pour reconstruire, à l’échelle nationale, un mouvement de résistance populaire qui a caractérisé la Première Intifada palestinienne.

Au même titre qu’elle fut un triomphe pour le peuple affamé, des deux côtés de la frontière de Gaza, la brèche dans le mur fut une honte pour les autorités qui menacèrent de briser les jambes à tout Palestinien qui oserait refranchir la frontière. Plusieurs types de propagande ont été lancés pour désamorcer ce grand évènement populaire : « Les Gazaouis fuient l’oppression ou le régime extrémiste de Gaza qui imposent l’islamisation à une population non consentante », « Les Palestiniens se saisissent de l’occasion pour immigrer définitivement en Egypte une fois passée la frontière », sont quelques exemples de cette propagande mensongère. Le monde, qui a la mémoire courte, a oublié combien de pèlerins de Gaza avaient supplié de pouvoir rentrer à Gaza, quelques semaines seulement avant ce franchissement de la frontière.

S’il vivait encore aujourd’hui, Vladimir Jabotinsky serait déçu. Jabotinsky avait en partie raison : les Palestiniens ne sont pas une populace, mais un peuple vivant. Et un peuple vivant n’est prêt à céder sur des questions inéluctables que lorsqu’il a abandonné tout espoir de se débarrasser de son occupant. Pourtant, il ne viendrait pas à l’idée de Jabotinsky et de ses disciples que les Palestiniens soient capables de traverser leur monstrueux Mur d’apartheid. Le franchissement du Mur, le symbole du défi populaire et la reconquête de nos droits humains et sociaux nous donnent cette lueur d’espoir de réussir à mettre dehors l’occupant ; rien dans le monde ne peut conduire les Palestiniens à renoncer à cet espoir.

le Palestine Times de mars 2008.
Traduction : JPP pour les Amis de Jayyous

http://www.aloufok.net/spip.php?article36

 

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24 janvier 2009 6 24 /01 /janvier /2009 22:54
24/01/2009 - 19:20 ]
Dr.Salah Al-Bardawil, leader du mouvement du Hamas
Gaza – CPI

Le mouvement du Hamas a dit que sa délégation s'est dirigée, hier vendredi 23/1, vers le Caire pour continuer ses discussions avec la direction égyptienne et fixer le cessez-le-feu, finir le blocus et ouvrir les passages.

La délégation du Hamas au Caire va rencontrer le directeur des services de renseignements égyptiens, le général Omar Souleymane qui avait dirigé les négociations de l'accalmie qui s'est achevée le 19 décembre 2008.

Le leader au mouvement du Hamas, Dr. Salah Al Bardawil a dit que la délégation va discuter avec les responsables égyptiens du cessez-le-feu, de la fin du blocus et de l'ouverture des passages.

"Ces discussions viennent dans le cadre des négociations continuelles depuis le début de la guerre sioniste contre Gaza, a ajouté Salah Al Bardawil dans une déclaration de presse au journal palestinien, "Palestine".

Il a nié que la délégation du Hamas discute du dossier du soldat sioniste capturé par la résistance palestinienne, Gilad Chalit, en soulignant que tous les côtés connaissent les demandes claires palestiniennes à ce sujet.


http://www.palestine-info.cc/fr/default.aspx?xyz=U6Qq7k%2bcOd87MDI46m9rUxJEpMO%2bi1s7ZJm%2fztof3kVrwGUKDpOOHlX825m%2fcNkBnk4F%2bktTxwcsBsUsnMbi393luUKL%2bgQ17c%2bj8vBXG4hdvp9U5cBTH1ZFYdpQOB%2fRgYvl1rpS%2f%2bQ%3d
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24 janvier 2009 6 24 /01 /janvier /2009 22:50
Communiqué de COMAGUER sur le processus de colonisation de la Palestine, auquel il faut mettre un terme.

Palestine : L’heure de la décolonisation a sonné !

Si , pour la population de Gaza, l’heure est à l’enterrement des morts, aux soins des blessés et à la reconstruction du minimum nécessaire à une vie humaine très sommaire dans ce qui est et reste aujourd’hui la plus grande prison du monde, le temps est aussi à porter un regard plus lointain sur l’avenir de la Palestine qui ne soit pas un nouvel épisode du charabia diplomatique et médiatique : cesser le feu, feuilles de route...dont l’unique fonction est de laisser se poursuivre la colonisation de toute la Palestine.

Car il n’y a pas que les « colonies », ces villages de colons installés à coups de chars, de bulldozers et de subventions sur les terres palestiniennes, il y a un processus de colonisation de toute la Palestine.

Lancé en Europe à la fin du 19° siècle, initié en 1917 et poursuivi sans relâche par l’entité sioniste depuis 1948, il s’agit de la dernière expression d’un colonialisme qui a vécu ses derniers moments ailleurs sur la planète dans la seconde moitié du XX° siècle.

Il s’agit bien d’une colonisation : invasion et occupation d’un territoire, traitement de ses habitants en êtres inférieurs. Il s’agit bien d’une colonisation menée par des étrangers dont tous les travaux contemporains, à commencer par ceux des historiens israéliens, démontrent qu’ils ne constituent pas un « peuple » mais un groupe humain, dispersé sur tous les continents mais unifié autour d’une religion propre et des traditions culturelles qui l’accompagnent. Il s’agit bien d’une colonisation car il y a derrière ces colons un colonisateur d’un type particulier, organisé mondialement à partir de la métropole impérialiste (les USA) et de ses annexes (France, Grande-Bretagne, Allemagne, Italie, Espagne).

Ce qui a, depuis plus de 60 ans, obscurci le regard sur ce colonialisme c’est qu’il n’a pas été le choix d’un seul Etat national, mais le choix collectif de l’ONU.

Le 29 Novembre 1947 quand les membres de l’Assemblée Générale adoptent la résolution 181, ils déchirent d’un seul geste la charte des Nations Unies, et les idéaux universalistes de 1945 sont abandonnés. La guerre froide vient de commencer et la création de deux Etats sur la terre de Palestine est prise sans donner le droit de s’exprimer à ses habitants, sans respecter leur droit à disposer d’eux-mêmes. Les Etats-Unis, qui en ont alors la force matérielle et politique, ont décidé de prendre en mains les destinées du monde et d’imposer à l’ONU leurs choix Le vote de l’Assemblée Générale n’est d’ailleurs pas un vote unanime (33 voix pour, 13 contre et 10 abstentions, et la plupart des pays de ce qui n’est pas encore appelé le Tiers-monde votent contre ou s’abstiennent ) mais ils n’ont pas cessé depuis de les lui imposer ou de les ignorer quand elle leur résistait (invasion de l’Irak en 2003)

De ces deux Etats, prévus par la résolution 181, Etats inégaux puisqu’il est attribué d’emblée à l’ « Etat juif » 60 % du territoire, un seul verra le jour, celui des colonisateurs et l’ONU, paralysée par les vetos US successifs, laissera l’autre à l’état de projet, d’Etat peau de chagrin, d’Etat mort-né.

Ce qui se joue maintenant est la dernière partie de cette sanglante histoire coloniale.

Avec le massacre de Gaza, l’opinion publique mondiale est en train de comprendre enfin que l’énorme et tragique bévue de l’ONU : appeler à la création de deux États, laisser un seul de ces deux Etats exister et le laisser empêcher, par tous moyens (illégalité, force, corruption..), l’autre de naitre, doit être réparée. Ce dernier colonialisme disparaitra parce que s’effondre l’appareil idéologique qui l’a soutenu dans ces entreprises meurtrières : s’il y a une grande diversité de langues de cultures, de croyances s’il y a une diversité de groupes sanguins et de couleurs de cheveux, il n’y a qu’une seule espèce humaine et tous les êtres humains sont égaux en droits et lorsque l’ONU vota la résolution 181 annonçant un Etat juif et un Etat arabe elle enterrait d’un seul geste ses ambitions universalistes initiales, elle donnait naissance à une forme nouvelle et ultime de colonialisme qui, depuis cette date, déchire cette région du monde et ses habitants, et elle a fait de l’Etat colonisateur un Etat guerrier criminel et spoliateur sans avenir.

Or l’histoire du colonialisme l’a montré : la colonisation meurtrit et opprime le colonisé et elle pervertit le colonisateur.

Pour que le massacre de Gaza soit la dernière horreur de cette colonisation - elle a, on le sait, été précédée de nombreuses autres - nous devons soutenir le peuple palestinien dans sa lutte héroïque pour aboutir à la création non pas d’un Bantoustan sous perfusion « humanitaire » mais d’un Etat viable, unique, assurant l’égalité de tous les droits à tous ceux qui aujourd’hui habitent la terre de Palestine comme ceux qui veulent y revenir après en avoir été chassés et qui sont prêts à y vivre ensemble, entre égaux. (24 janvier 2008)

Le 26 novembre 1938, Gandhi écrit

« Toute ma sympathie est acquise aux Juifs. J’ai connu certains d’entre eux, d’une manière très intime, en Afrique du Sud, et certains d’entre eux sont devenus des amis pour la vie. Grâce à ces amis, j’ai pu mieux connaître la persécution à laquelle ils ont été soumis depuis la lointaine histoire. Ils ont été, en quelque sorte, les intouchables de la Chrétienté. La similarité entre le traitement que les Chrétiens leur ont infligé et celui que les Hindous infligent aux Intouchables est frappante. Un jugement de nature religieuse a été invoqué dans les deux cas pour justifier les traitements inhumains qui ont été infligés aux uns comme aux autres. A part les amitiés qu’il m’a été donné de nouer avec certains d’entre eux, ma sympathie pour les Juifs ressortit donc à des raisons de caractère universel.

Mais ma sympathie ne me rend pas sourd aux exigences de la justice. L’appel à un foyer national pour les Juifs ne me séduit guère. La légitimité en est recherchée dans la Bible et dans la ténacité dont les Juifs ont depuis tout temps fait preuve dans la formulation de leur attachement à un retour en Palestine. Pourquoi ne pourraient-ils pas, comme les autres peuples sur Terre, faire de cette contrée leur pays où naître et où gagner sa vie ? La Palestine appartient aux Arabes de la manière dont l’Angleterre appartient aux Anglais ou la France aux Français. Il serait injuste et inhumain d’imposer une domination par les Juifs aux Arabes. Ce qui se passe en Palestine, de nos jours, ne saurait être justifié au nom d’un quelconque code moral de conduite. Les mandats n’ont pas d’autre justification que la dernière guerre mondiale (la Première, NdT). Ce serait à n’en pas douter un crime contre l’humanité de contraindre ces Arabes, si justement fiers, à ce que la Palestine soit restituée aux Juifs en tant que leur foyer national, que ce soit partiellement, ou en totalité. »

En 1947, l’Inde votera contre la résolution 181.

Comité comprendre et agir contre la guerre, Marseille :comaguer@orange.fr

Nous écouter : radio galère (88.4 MHZ, région marseillaise) les mardi de 15h à 16h et 2ème mercredi du mois 20h à 21h30, ou sur Internet : http:/radio.galere.free.fr CAPJPO-EuroPalestinr

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24 janvier 2009 6 24 /01 /janvier /2009 22:39
"Avancez si votre père ou votre mère sont morts en martyrs"

samedi 24 janvier 2009, par La Rédaction

Quelque 200.000 enfants de Gaza ont repris samedi le chemin de l’école après trois semaines de guerre où beaucoup ont perdu leur maison, des parents ou des proches, et restent traumatisés.
L’Agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens, l’Unrwa, a rouvert les 221 établissements scolaires qu’elle administre dans le territoire et dont beaucoup ont servi à abriter des dizaines de milliers de gens pendant l’offensive israélienne contre le Hamas, qui s’est achevée dimanche dernier.
A l’école de garçons Al-Zoukour de Beit Lahiya, les enfants se sont retrouvés dans la vaste cour avec leurs sacs trop grands sur le dos, criant et jouant près d’une salle de classe brûlée par un obus israélien.
L’établissement a été touché et incendié il y a une semaine. Deux garçons de cinq et sept ans y ont été tués et une dizaine de gens blessés, dont leur mère, qui a eu les jambes sectionnées, parmi les 1.600 personnes réfugiées là.
L’école est l’une des trois à avoir été visées par des tirs israéliens, le plus meurtrier ayant fait plus de 40 morts non loin de là, le 6 janvier, à Jabaliya, dans le nord de la bande de Gaza.
L’armée israélienne a assuré avoir répliqué à des attaques venues des bâtiments ou de leur proximité immédiate, mais le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, s’est dit scandalisé et a exigé que les responsables rendent des comptes devant des instances judiciaires.
Christopher Gunness, porte-parole de l’Unrwa, a déclaré à l’AFP que l’agence souhaitait créer un sentiment de retour à la normale en rouvrant les écoles, même si les réparations ne sont pas achevées.
A Al-Zoukour, les séquelles d’un conflit qui a fait plus de 1.300 morts, dont un tiers d’enfants, selon les services médicaux palestiniens, ne sont pas seulement visibles sur les murs.
"Avancez si votre père ou votre mère sont morts en martyrs", déclare le directeur Riad Maliha au mégaphone alors que les enfants se sont mis en rangs. "Avancez si votre maison a été détruite", ajoute-t-il.
Plus de 20 écoliers font un pas en avant pour s’inscrire auprès de l’ONU et faire en sorte que leur famille puisse bénéficier d’une aide.
Parmi eux, Anas Abbas, un garçon de 12 ans, timide.
"Ils ont détruit notre maison et tué cinq de mes voisins. Les juifs étaient très près de chez nous", dit-il.
Comme les autres enfants, il revient sur son expérience en phrases courtes et répond souvent d’un seul mot, gardant pour lui-même la plupart de ce qu’il a vécu.
Le directeur, M. Maliha, explique que les premiers jours de classe seront consacrés à des séances où les enseignants tenteront d’amener les enfants à s’exprimer.
"Ils les encourageront à parler de ce qui s’est passé, de dessiner ou d’écrire là-dessus, dit-il. Imaginez ce à quoi les conversations vont ressembler. Des dizaines d’enfants traumatisés reprennent l’école aujourd’hui."
A Khitam Aziz, conseiller psychologique d’Al-Zoukour, les enfants posent des questions sur les traces du conflit : la salle de classe incendiée à l’étage, les trous laissés par les obus dans les murs.
"Ils me demandent pourquoi on a bombardé l’école et disent avoir peur qu’ils reviennent. On leur dit que les juifs ne reviendront pas attaquer l’école, qu’ils ne doivent pas avoir peur, qu’ils peuvent jouer", explique-t-il.

( Samedi, 24 janvier 2009 - Avec les agences de presse )

Pétition
Non au terrorisme de l’Etat d’Israël
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24 janvier 2009 6 24 /01 /janvier /2009 22:30



  Selon le quotidien israélien le Maariv, ce sont des bateaux loués par les Iraniens qui transportent des armements au mouvement de résistance Hamas.
Accostés à une dizaine de miles de la plage de Rafah, toujours selon le journal, réputés pour ses fausses informations jamais étayées, et basées sur des informateurs sous couvert d'anonymat, ils les enverraient durant la nuit par le biais de plongeurs  qui les attachent aux bateaux de pêche palestiniens.
Sachant que ces derniers ne cessent d'essuyer des tirs de la part des embarcations  israéliens, sous prétexte qu'ils sont sortis du cours qui leur est prescrit.
Par ailleurs, le journal a prétendu qu'un bateau russe a été intercepté lundi dernier au large de la Mer rouge, par une frégate américaine, avec à bord des moyens de combat, dont la source serait l'Iran.
Selon des sources sécuritaires israéliennes citées par ce quotidien, Ce bateau qui avait lancé l'ancre du port de Limassol  aurait été loué par Iraniens,  et transportait  des obus de mortiers et des boites en carton sur lesquels est  écrit (produits dangereux).
 
L'opération d'interception a eu lieu à la base de données sécuritaires, surtout que les bateaux qui quittent l'Iran ou se dirigent vers lui sont soumis à une surveillance, à la base de la résolution 1747 du Conseil de sécurité qui interdit aux pays du monde d'utiliser leurs bateaux pour transporter des armements iraniens.
Selon le journal israélien, le bateau russe a été remorqué vers un port égyptien pour subir un examen plus approfondi.

Samedi 24 Janvier 2009

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24 janvier 2009 6 24 /01 /janvier /2009 15:45


Uri Avnery

 


 

 

 

 

Uri Avnery (ou Uri Avneri) (de son nom de naissance Helmut Ostermann) est un écrivain et journaliste israélien né le 10 septembre 1923 à Beckum (Westphalie, Allemagne). Membre de la Knesset (parlement israélien , gauche).Il est cofondateur de Gush Shalom, (en français Bloc de la Paix), mouvement israélien qui milite pour la paix et en vue de la création d'un État palestinien. Gush Shalom est sur ce point en accord avec Shalom Archav (en français La Paix maintenant), un mouvement prônant un retour aux frontières de 1967 de la part d'Israël, la partition de Jérusalem et la création d'un État palestinien distinct d'Israël au côté de celui-ci sous le slogan de "Deux peuples, deux états". Uri Avnery a dans ce cadre rencontré Yasser Arafat à de nombreuses reprises et a toujours soutenu que ce dernier était un grand homme, et un partenaire pour Israël. À sa mort, il déclarait lors d'une interview au quotidien Haaretz[6]:« On se souviendra d’Arafat comme un des plus grands dirigeants de la seconde moitié du XXe siècle. »

 



Combien de divisions (Uri Avnery).

Un crime effroyable a été commis à Leningrad, il y a soixante dix ans, pendant la seconde guerre mondiale. Pendant plus de mille jours, un groupe terroriste, « l'armée rouge » a tenu en otage des millions d'habitants de la ville et a provoqué la réplique de la Wermacht allemande contre des lieux où se trouvaient la population. Les allemands n'ont pas eu d'autre choix que de bombarder et de pilonner la population et d'imposer un blocus total, qui a causé la mort de centaines de milliers de personnes.

Quelque temps auparavant, le même crime a été commis en Angleterre. Le groupe Churchill s'est caché parmi la population de Londres, utilisant des millions de citoyens comme des boucliers humains. Les allemands ont du envoyer leur aviation, la Luftwaffe, et , à leur corps défendant, ont réduit la cité en cendres. Ils ont appelé cette opération «  le Blitz ».

Voilà ce qu'on aurait pu lire dans les livres d'histoire si les allemands avaient gagné la guerre.

C'est absurde? Pas plus que ce que nos medias écrivent jour après jour, répétant jusqu'à la nausée : les terroristes du Hamas ont pris les habitants de Gaza en otages et se servent des femmes et des enfants comme de boucliers humains, ne nous laissant pas d'autre choix que de lancer des bombardements massifs, lors desquels, à notre grande tristesse, des milliers de femmes, d'enfants et d'hommes sans armes sont tués et blessés.

Dans cette guerre, comme dans toutes les guerres modernes, la propagande joue un rôle primordial. La disparité entre les forces, entre l'armée israélienne – avec ses avions, ses vedettes, ses drones, ses bateaux de guerre, son artillerie, ses tanks -et les quelques milliers de combattants du Hamas dotés d'armes légères, est de l'ordre de 1 pour 1000, voire de 1 pour 1000000. Sur le plan politique l'écart est peut-être encore plus grand. Mais, pour ce qui est de la propagande, il est presque infini.

Presque tous les medias occidentaux ont d'abord répété la ligne officielle de la propagande israélienne. Ils ont presque entièrement ignoré le versant palestinien de l'histoire, sans parler des manifestations quotidiennes du camp de la paix israélien. Le discours du gouvernement israélien ( « un état doit défendre ses citoyens contre les missiles qassams ») a été accepté comme la vérité vraie. Le point de vue de l'autre camp, que les qassams n'étaient que la réponse au siège qui affamait un million et demi d'habitants de la Bande de Gaza, n'était mentionné nulle part.

Ce ne fut qu'au moment où les images d'horreur venant de Gaza commencèrent à apparaître sur les écrans occidentaux que l'opinion publique mondiale se mit à changer. A dire vrai, les télévisions en Israël et en Occident ne montrèrent qu'au compte goutte  les évènements effroyables qu'Aljazeera, la chaîne arabe, diffusait 24 heures sur 24, mais la photo d'un enfant mort dans les bras de son père terrifié a plus de pouvoir de conviction qu'un millier de belles phrases     sortant de la bouche du porte- parole de l'armée israélienne. Et finalement, ce fut décisif.

La guerre – toute guerre – est faite de mensonges. Qu'on l'appelle propagande, ou guerre psychologique, on accepte qu'un pays en guerre a le droit de mentir. Quiconque parle vrai peut-être considéré comme un traître.

Le problème est que la propagande convainc d'abord le propagandiste. Et quand l'on s'est convaincu que le mensonge est la vérité et la falsification la réalité, on ne peut plus prendre de décision rationnelle.

Prenons l'exemple de l'atrocité la plus choquante de cette guerre, du moins jusqu'à aujourd'hui : le bombardement de l'école de l'ONU de Fakhura, dans le camp de réfugiés de Jabaliya.

Dès que le monde a connu cet incident, l'armée a «  révélé» que les combattants du Hamas avaient lancé des obus de mortier à partir d'une position proche de l'entrée de l'école. Pour preuve, ils ont produit une photo aérienne qui montrait, en effet, l'école et le mortier. Mais il n'a pas fallu longtemps pour que le menteur officiel de l'armée admette que la photo datait d'un an au moins. Bref, une falsification.

Le menteur officiel déclara ensuite que « nos soldats avaient subi des tirs qui venaient de l'intérieur de l'école ». Un jour passa avant que l'armée ne doive admettre devant le personnel de l'ONU que c'était un autre mensonge. Personne n'avait tiré depuis l'école, il n'y avait pas de combattants du Hamas mais des réfugiés terrifiés.

Mais, cet aveu fit difficilement la différence. Le public israélien, pendant ce temps, fut totalement convaincu qu'  «  ils avaient tiré depuis l'intérieur de l'école », et les journalistes de la télévision firent comme si c'était un fait acquis.

Il en fut de même pour les autres atrocités. Tout bébé fut métamorphosé, par sa mort, en terroriste du Hamas. Toute mosquée bombardée devint une base du Hamas, tout appartement une cache d'armes, toute école un poste de commandement, tout bâtiment public «  un symbole du pouvoir du Hamas ». Ainsi l'armée d'Israël préserva la pureté de  « l'armée la plus morale du monde ».

La vérité est que les atrocités sont le résultat direct du plan de guerre. Elles reflètent la personnalité d'Ehud Barak, un homme dont la façon de penser et les actes ressortent à l'évidence de ce qu'on appelle «  un désordre moral », un trouble sociopathique.

Le but réel ( si l'on exclut le gain de sièges lors des prochaines élections) est d'en finir avec la domination du Hamas sur la Bande de Gaza. Dans l'imagination des concepteurs, le Hamas est un envahisseur qui s'est emparé d'un pays étranger. La réalité, bien sûr, est tout à fait autre.

Le mouvement Hamas a remporté la majorité des votes lors d'élections éminemment démocratiques qui ont eu lieu en Cisjordanie, à Jérusalem Est, et dans la Bande de Gaza. Il a gagné parce que les Palestiniens sont arrivés à la conclusion que la stratégie pacifiste du Fatah n'avait permis d'obtenir rien  de tangible d'Israël – ni un gel de la colonisation, ni la libération des prisonniers, ni aucun pas significatif vers la fin de l'occupation et la création d'un état palestinien. Le Hamas est profondément enraciné dans la population palestinienne – pas seulement parce qu'il est un mouvement de résistance combattant l'occupant étranger, comme l'Irgoun et le Groupe Stern l'avaient fait dans le passé – mais aussi parce qu'il est une organisation politique et religieuse qui s'occupent de services au public, sociaux, éducatifs et médicaux.

Pour la population, les combattants du Hamas ne sont pas un corps étranger, mais les enfants de chaque famille de la Bande et d'autres régions de Palestine. Ils ne se “cachent pas dans la population”, mais la population les voit comme ses seuls défenseurs.

Ainsi, toute l'opération est basée sur des présomptions fausses,. Faire de sa vie un enfer n'amène pas la population à se lever contre le Hamas, mais au contraire, la rassemble derrière lui, et renforce sa détermination à ne pas se rendre. La population de Leningrad ne se leva pas contre Staline, pas plus que les Londoniens ne se levèrent contre Churchill.

Celui qui a donné l'ordre de mener une telle guerre, avec de telles méthodes dans une zone si densément peuplée, savait qu'il allait provoquer le massacre épouvantable de civils. Apparemment ça ne lui faisait ni chaud ni froid. Ou, croyait-il, “ ils changeront leurs manières” et “ cela leur fera prendre conscience”, et dans le futur, ils ne résisteront pas à Israël.

La priorité des priorités pour les concepteurs était d'obtenir qu'il y ait le moins de morts possibles parmi les soldats, compte tenu du fait qu'une large partie de l'opinion favorable à la guerre pourraient changer d'avis si elle savait qu'il y avait des pertes. C'est ce qui est arrivé lors des deux guerres du Liban.

Ces considérations ont d'autant plus joué, que la guerre est une pièce maîtresse de la campagne électorale. Ehud Barak, que les sondages donnaient vainqueurs aux premiers jours de la guerre, savait très bien que ses pourcentages pourraient s'effondrer si les écrans se remplissaient de soldats morts.

Donc on a appliqué une nouvelle doctrine :  éviter les pertes parmi nos soldats par la destruction totale de toute chose sur leur route. Les concepteurs étaient prêts à tuer non pas 80 palestiniens pour sauver un soldat israélien, mais 800. Eviter les morts de notre coté est l'ordre suprême, qui cause dans l'autre camps un nombre record de morts de civils.

Cela veut dire la décision consciente d'une guerre particulièrement cruelle – ce qui a été le talon d'Achille.

Une personne dépourvue d'imagination comme Barak ( son slogan électoral : “ Pas un type bien, mais un chef”) ne peut imaginer comment les gens qui ont une conscience partout dans le monde réagissent à des actes comme le massacre de toute une grande famille, la destruction de maisons sur la tête de ceux qui les habitent, les files de garçons et de filles dans leurs linceuls blancs attendant qu'on les enterre, les récits de la mort de gens vidés de leur sang parce que les ambulances ne peuvent arriver jusqu'à eux, la mort de personnels de santé et médecins allant sauver des vies, l'assassinat de chauffeurs de l'ONU lors du transport de vivres. Les photos des hôpitaux, avec les morts, les mourants et les blessés étendus par terre, emmêlés par manque de place ont choqué le monde. Aucun argument n'a la force de l'image d'une petite fille blessée étendue au sol, se tordant de douleur et hurlant “maman, maman !”.

Les concepteurs pensaient qu'ils pouvaient empêcher le monde de voir ça en en interdisant de force la couverture par la presse. Les journalistes israéliens, pour leur grande honte, ont accepté de se contenter des rapports et des photos fournies par le porte parole de l'armée, comme s'il s'agissait  d'informations authentiques, tout en restant eux-mêmes à des kilomètres des évènements en cours.
La presse étrangère aussi ne fut pas autorisée à pénétrer à Gaza, jusqu'à ce qu'à force de protestations, les journalistes aient droit à de petites excursions par groupe sélectionnés et contrôlés.
Mais dans la guerre moderne, une telle conception aseptisée  ne peut en exclure complètement d' autres – il y avait des caméras dans la Bande, au coeur de l'enfer, incontrôlables. Aljazeera a filmé à toute heure et a été vue dans toutes les maisons.

La bataille des écrans est une des batailles décisives de la guerre.
Des centaines de millions d'arabes, de la Mauritanie jusqu'en Iraq, plus d'un milliard de musulmans du Nigéria jusqu'en Indonésie, voient ces images et sont horrifiés. Cela a un impact énorme sur la guerre. Beaucoup de ceux qui voient ça considèrent les dirigeants de l'Egypte, de la Jordanie et de l'Autorité Palestinienne comme des collaborateurs d'Israël qui perpètre ces atrocités contre leurs frères Palestiniens.

Les services de sécurité des régimes arabes ont enregistré une fermentation dangereuses dans leurs peuples. Hosny Moubarak, le leader arabe le plus menacé à cause de la fermeture du Passage de Rafah devant des réfugies terrorisés, commence à faire pression sur les décideurs à Washington, qui jusqu'à lors avaient toujours bloqué les appels à un cessez-le-feu. Ceux ci commencent à comprendre la menace qui pèsent sur les intérêts vitaux américains dans le monde arabe et changent soudainement d'attitude – à la consternation des diplomates israéliens auto satisfaits.

Les gens qui ont des troubles du sens moral ne peuvent comprendre les motivations des gens normaux et doivent deviner leurs réactions. “Le pape, combien de divisions” se moquait Staline.   “Les gens qui ont une conscience, combien de divisions ? “ pourrait bien se demander Barak.

A l'évidence, plusieurs. Pas énormément. Pas très réactives. Pas très fortes ni très organisées. Mais, quand les atrocités gonflent le nombre de protestataires et qu'ils se regroupent, cela peut décider du sort de la guerre.

Le manque à comprendre la nature du Hamas a entraîner le manque à comprendre les résultats pourtant prédictibles. Non seulement Israël ne peut pas gagner la guerre, mais le Hamas ne peut pas la perdre.

Même si l'armée israélienne pouvait réussir à tuer tous les combattants du Hamas jusqu'au dernier, le Hamas gagnerait pourtant. Les combattants du Hamas seraient des exemples pour la nation arabe, les héros du Peuple Palestinien, des modèles qui provoqueraient l'émulation pour chaque jeune du monde arabe. La Cisjordanie tomberait entre les mains du Hamas comme un fruit mur. Le Fatah sombrerait dans une mer de mépris, les régimes arabes seraient menacés d'effondrement.

Si la guerre se termine avec un Hamas toujours debout, exsangue mais invaincu, face à la toute puissante machine de guerre israélienne, cela sera une victoire fantastique, une victoire de l'esprit sur la matière.

Ce qui marquera la conscience du monde sera l'image d'un monstre assoiffé de sang, Israël, toujours prêt à commettre des crimes de guerre et incapable d'être retenu par quelque considération morale que ce soit. Ceci aura des conséquences graves sur notre avenir à long terme, notre place dans le monde, notre chance de faire la paix et d'obtenir le calme.

En fin de compte, cette guerre est un crime contre nous mêmes, un crime contre l'État d'Israël.

Uri Avneri  10 01 2009


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